Des lecteurs très attentifs m’ont fait remarquer que le lien n’était pas évident entre ma présentation de la messe en forme extraordinaire en mémoire du bienheureux Charles d’Autriche et ma présentation dans le même post de la situation du motu proprio Summorum Pontificum en l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. De là, à penser que j’agissais par pure mauvaise foi, c’est un pas que certains n’ont pas hésité à franchir.
Pourquoi ai-je associé les deux informations (la messe pour l’empereur Charles et la situation du motu proprio à Solesmes) ?
Tout simplement parce que le père abbé de Solesmes est membre de droit de l’association pour la béatification de l’impératrice Zita (épouse du bienheureux Charles) et que la dite association est domiciliée à l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. De ce fait, j’ai fait effectivement un raccourci que l’on peut juger malheureux entre la messe pour Charles et Zita et Solesmes, mais ceci explique cela.
Quelle est la situation de l’application du motu proprio Summorum Pontificum à Solesmes ?
Là aussi, on me reproche d’exposer une information fausse comme si je n’avais pas enquêté et comme si j’en voulais particulièrement à l’abbaye Saint-Pierre ou à son père abbé. À vrai dire, Solesmes ne m’intéresserait pas autant si cette abbaye n’avait pas une portée symbolique et historique que mes critiques ne mesurent visiblement pas toujours. Pour essayer (simplement essayer…) de faire comprendre ce que je veux dire je citerai les propos de Louis Salleron à l’époque des combats sur la liturgie dans les années soixante-dix. Dans le numéro 196 d’Itinéraires, Salleron écrit, après avoir rappelé ses liens anciens avec Solesmes, la remarque suivante :
Il s’agit de « Solesmes ». Solesmes, ne sont-ce pas ses moines ? Sans doute. Je ne cherche ni à les disculper, ni à les charger. Mais une institution ne se confond pas purement et simplement avec ses hommes. Il y a eu un Solesmes, qui pour tout le monde est Solesmes, le Solesmes de Dom Guéranger. Il y a aujourd’hui un autre Solesmes qui, physiquement, est la suite du premier, mais qui, doctrinalement, en est presque le contraire. C’est ce nouveau Solesmes qu’exprime si bien le livre de Dom Oury, et qui m’afflige profondément.
Louis Salleron consacre alors tout son article à une critique en règle du livre de dom Oury, moine de Solesmes, intitulé : La Messe, de S. Pie V à Paul VI (Solesmes, 1975).
Positivement, il n’y a plus de liturgie romaine. La réformé liturgique l’a abolie. Dans la mesure où Dom Oury voudrait la distinguer du foisonnement anarchique actuel il ne le pourrait qu’en s’attachant à la messe traditionnelle de saint Pie V – qu’il refuse justement ! Le simple fait que le nouveau Missel « Romain » autorise de nouveaux canons à égalité avec l’antique « canon romain » vide de toute substance l’idée d’une liturgie romaine qui subsisterait aujourd’hui en différence d’autres liturgies. C’est sa volonté même de considérer comme régulière et obligatoire une législation douteuse émanant de Rome qui conduit Dom Oury à s’enfermer dans une insoluble contradiction. Rome proclame : « Il n’y a plus de liturgie romaine ». Dom Oury déclare : « Au nom de ma fidélité à la liturgie romaine j’embrasse avec joie la décision de Rome ».
Je ne reviendrai pas sur le sujet de cette querelle, qui est la nouvelle messe. Je livre ici simplement la conclusion de Louis Salleron, qui pose le problème même pour aujourd’hui :
J’avais regretté, lors du lancement de la Nouvelle Messe, que Solesmes ne conservât pas la messe traditionnelle. C’eût été un prodigieux rempart contre le déferlement de l’anarchie liturgique ; et les redressements en eussent été facilités.
Ni en 1969, ni en 1974, Solesmes n’a voulu sauvegarder (même à côté de la nouvelle messe) l’ancienne messe. Ni en 1984, ni en 1988, la célébration de la messe traditionnelle n’a été reprise à Solesmes. Qu’en est-il depuis le motu proprio de 2007 ?
Un lecteur attentif me dit que trois prêtres traditionnels qu’il connaît peuvent célébrer la messe selon la forme extraordinaire à Solesmes et que les novices la servent sans problème. C’est tout à fait exact. Je connais moi aussi plusieurs prêtres qui ont célébré la messe en forme extraordinaire à Solesmes. Depuis le motu proprio de 2007, le père abbé ne s’y oppose plus. C’est un pas et une avancée qu’il faut saluer.
Mais l’application du motu proprio Summorum Pontificum pour la communauté de Solesmes elle-même ?
On me dit que chaque communauté voit au mieux ce qu’il faut faire en la matière et qu’il n’y a aucune obligation de célébrer la forme extraordinaire.
Remarque tout à fait juste si l’on reste au niveau légal. Mais, quand même ! Si Solesmes d’aujourd’hui célébrait la messe traditionnelle, non seulement Solesmes d’aujourd’hui ferait un pont avec son passé et avec la figure de son fondateur, mais montrerait que la paix liturgique est en marche. On ne demande pas à Solesmes de reprendre d’un coup le bréviaire monastique ancien ni la messe en forme extraordinaire, mais au moins de permettre aux moines de l’abbaye qui souhaiteraient la célébrer de le faire lors de messes privées.
Est-ce possible ?
D’après les informations que je possède, non seulement le père abbé actuel s’y oppose, mais plusieurs moines ne verraient pas d’un mauvais œil cette possibilité. Faut-il le dire ? Outre les appréciations liturgiques différentes, la différence de génération joue dans cette question.
Que ceux qui mettent ma parole en doute, pose la question au père abbé de Solesmes : est-il prêt à laisser célébrer la messe en forme extraordinaire dans son abbaye par au moins l’un de ses moines ?
Je serai heureux d’apporter ici un démenti à mes propres affirmations. En attendant, je pense que l’on peut continuer de s’inspirer de la constatation de Louis Salleron :
« J’avais regretté, lors du lancement de la Nouvelle Messe, que Solesmes ne conservât pas la messe traditionnelle. C’eût été un prodigieux rempart contre le déferlement de l’anarchie liturgique ; et les redressements en eussent été facilités. »
Cela le serait aujourd’hui si Solesmes reprenait, même partiellement, la messe traditionnelle.
M’est avis mon cher Christophe que la position de Solesmes explique bien certaines des “tracasseries” qu’ont eu à connaître les Pères de Notre Dame de Fontgombault … pourtant l’une des “Filles” les plus prolifiques de Solesmes.
Louis Salleron était clairvoyant et nombre d’autres penseurs et philosophes catholiques itou.
Notre bon et courageux Pape ne souffre-t’il pas de constater les mêmes “indocilités” ou “incompréhensions” ?
Dans notre vie de tous les jours, dans nos efforts, pensons au courage des Prêtres qui inclinent à célébrer le Saint Sacrifice tel qu’il fut édicté par Saint Pie V et louons également celles et ceux qui aujourd’hui encore pratiquent le “Grégorien”.
Prions pour que Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, les ait en Sa Sainte Garde … par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie et les Saints Anges !
“C’est été un prodigieux rempart”. Je pense qu’il doit y avoir une faute dans les propos rapportés de Salleron, faute qui les rend incompréhensibles.
Il faut lire sans doute : “C’eût été un prodigieux rempart”. Irréel du passé. Ce qui malheureusement ne s’est pas produit.