Trois ans et demi après la légalisation de l’avortement au Portugal, le nombre d’interventions n’a pas cessé d’augmenter : en 2010, on est à une moyenne d’au moins 53 avortements par jour, alors que l’année de la légalisation, celle-ci n’était que de 36. En première année pleine (2008) 18.607 avortements furent comptabilisés, contre 19.572 en 2009 et la projection pour 2010 est plus élevée d’après les chiffres déjà connus.
La presse parle maintenant de chiffres prévisibles, affirmant qu’au moment du débat sur la loi, on estimait arriver à quelque 20.000 avortements dans le cadre légal. A l’époque, on disait surtout que le nombre d’avortements clandestins atteignait ce chiffre, en se fondant sur des statistiques internationales. Après la légalisation, les partisans de l’« IVG » assurèrent qu’ils avaient dû se tromper, puisqu’on n’atteignait en 2007 que les deux tiers des interventions attendues dans le cadre légal : le Directeur général de la Santé, Francisco George, assurait alors :
« On reconnaît maintenant que le problème de l’interruption chez les jeunes adolescentes est moins important que ce que l’on craignait au départ. Tout indique que nous nous trouvons devant un problème qui n’a pas la dimension que nous pourrions avoir imaginée. »
Trois ans plus tard, l’avortement est entré dans les mœurs et la tendance reste à la hausse, alors que – autre prévision fausse – les partisans de la dépénalisation avaient assuré que le nombre d’« IVG » baisserait au fil du temps. Ils se fondaient sur les statistiques européennes et même du Nord de l’Europe où cela est peut-être vrai, mais pas en France où le nombre d’« IVG », difficile à évaluer en raison des déclarations sous de fausses nomenclatures, a varié mais est actuellement près de 220.000 par an, moyenne haute. Il est vrai que dans les pays nordiques le recours à la stérilisation et à la contraception de longue durée est plus importante, manière de systématiser le refus de la vie.
Le directeur du service d’obstétrique de l’hôpital Santa Maria de Lisbonne, Luis Graça, dit son écœurement pour la deuxième année consécutive, déplorant qu’aucune politique d’accompagnement et d’évitement des grossesses n’ait été mise en œuvre. Le gynécologue avait été l’un des principaux promoteurs de l’avortement par libre choix de la femme au cours des dix premières semaines de grossesse, aujourd’hui il avoue que ses partisans ne peuvent plus brandir qu’un seul drapeau : la diminution du nombre de complications liées à des avortements clandestins.
Luis Graça ajoute sa « déception » à l’égard des femmes : il y a déjà eu de nombreux cas de récidive (354 femmes ont demandé plusieurs avortements sur la période 2008-2009).
« J’ai été naïf. Cela me fait de la peine qu’elles n’aient pas respecté l’esprit d’une loi faite pour sauvegarder leur santé : c’était pour les protéger des complications des avortements clandestins, et non pour qu’elles puissent en faire deux ou trois en deux ans », a-t-il déclaré.
Du côté du Planning familial, on est moins… naïf et Duarte Vilar, son directeur exécutif, avoue que les chiffres ne le surprennent pas. Rien d’étonnant, dit-il, à ce que les chiffres aient été plus bas au départ, puisque la loi – soumise à un référendum national tout de même ! – était méconnue. Jorge Branco, du Programme national de Santé reproductive, souligne la meilleure confiance que l’on a aujourd’hui dans les établissements de santé : comme s’il était plus rassurant d’aller voir la faiseuse d’anges du bout de la rue.
Autant de façons de répéter, malgré les faits, que la possibilité d’avorter sans risque de suites pénales est une véritable incitation à l’avortement, comme l’ont montré les statistiques réelles de tant de pays.
Comme toujours, les partisans de l’avortement dépénalisé demandent davantage d’éducation sexuelle et l’accès généralisé aux moyens contraceptifs, oubliant de dure que cela non plus n’est pas une assurance contre la mise à mort d’un nombre toujours croissant d’enfants à naître.
On apprend enfin avec étonnement le point de vue de Daniel Serrão, médecin spécialiste d’éthique de la vie, qui assure que les avortements ne devraient jamais être nécessaires et qu’ils « n’entraînent que des risques pour les femmes », mais qui milite pour la contraception gratuite et offerte à toutes. Il croit savoir que « dans la majorité des pays, les femmes ne peuvent obtenir qu’un seul avortement » (ce qui reste à démontrer !). « Ici, c’est à la carte. »
Il estime qu’il faudrait enregistrer la raison des avortements : « la faim, la misère, l’absence de compagnon ou juste comme ça ».
Parce qu’en cas de faim, de misère ou d’absence de compagnon il ne s’agirait pas d’abord de venir en aide à ces femmes en détresse pour qu’elles ne soient pas acculées à se débarrasser de leur bien le plus précieux ?
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