La Belgique autorise l’euthanasie – et cela a conduit l’an dernier trois prisonniers à demander de « bénéficier » de cette mort programmée. « Problème » : tant qu’ils sont « entre les murs » cela ne leur est pas accordé. Vu les demandes – vous l’aurez deviné – l’administration pénitentiaire est à la recherche de manières d’y accéder. Car les demandes sont de plus en plus fréquentes.
L’un des trois demandeurs en 2010 était en phase terminale d’une maladie musculaire incurable. Il avait formulé sa demande il y a quelques mois mais avant que Francis Van Mol, chef des services de santé pénitentiaires, ne pût répondre à sa demande, on le libéra en raison de son état de santé, comme cela se fait habituellement pour les prisonniers aussi gravement malades, et il mourut chez lui quelques semaines après sa libération. « Ce n’est pas la première fois qu’un prisonnier libéré pour raisons de santé retourne chez lui pour recevoir des soins palliatifs ou pour mourir dans le cercle de famille à la suite d’une euthanasie », explique Van Mol.
Les deux autres demandes émanaient de deux hommes qui affirmaient souffrir de manière insupportable sur le plan psychique du fait de leur incarcération. L’un de ces prisonniers est derrière les barreaux depuis 20 ans : il dit ne plus vouloir affronter l’avenir et veut en finir. Depuis sa demande, il reçoit une aide psychiatrique mais sa demande est toujours en attente.
Francis Van Mol ne l’a donc pas rejetée d’emblée :
« Ils sont libres de poser la question. Nous voulons cependant d’abord établir s’il s’agit d’une demande bien pesée ou d’une pulsion passagère. Cela serait compréhensible chez des gens qui purgent une peine très longue ou qui perçoivent que leur situation est sans espoir. N’allez pas croire qu’à l’avenir, un médecin arrivera tranquillement dans la cellule 543 pour y pratiquer une euthanasie. Cela se passera en toute discrétion, dans un environnement serein, et avec des spécialistes. Mais que nous devions à l’occasion accéder à une demande d’euthanasie est inévitable. »
Mais d’autres voix se font entendre : on souligne combien il est déjà difficile d’apporter la preuve que l’on souffre de manière insupportable sur le plan psychiatrique en dehors de la prison pour « bénéficier » d’une euthanasie. Et les criminologues soulignent que la souffrance de l’enfermement fait précisément partie de la peine.
On sait par exemple que l’emprisonnement provoque des dépressions liées à la perte de la liberté, du travail, des contacts avec la famille. Que faire lorsque la dépression cause une souffrance tellement grave que le malade n’a plus aucune perspective d’avenir ou de guérison, demande la criminologue Sonja Sancken.
« Si dans ces cas-là on devait accéder à la demande d’euthanasie, cela signifierait l’instauration d’une forme détournée de la peine de mort », assure le chercheur.
Et c’est alors une autre question qui se pose : qu’est-ce qui est plus cruel et plus inhumain : l’emprisonnement à vie ou la peine de mort ? Et si l’on emprisonne à vie, ne faudrait-il pas obligatoirement apporter au criminel une assistance spirituelle pour donner un sens à son existence ?
Difficile, dans un contexte de laïcité…