Dans un excellent article paru ce samedi dans Présent, Jean Madiran revient sur la situation de la messe traditionnelle :
La coexistence de deux « formes » de l’unique « rite » romain, appelées forme ordinaire et forme extraordinaire, a vraiment l’air d’une situation provisoire. L’opinion est très répandue que dans l’avenir l’Eglise aura à nouveau son propre rite romain sous une forme unique ; on pense y arriver non point par le brusque et brutal décret d’un pape ou d’un concile, cela paraît absolument exclu désormais, après l’échec dramatique de la brutale brusquerie liturgique de Paul VI. Il y faudra comme un nouveau « mouvement liturgique », entend-on dire ici ou là. Mais au-delà de la mouvance évoluante, dont peut-être il restera toujours quelque chose, il y a le roc de la dénommée actuellement « forme extraordinaire », qui a le privilège de devoir être conservée et être honorée. Cela ressort du 07.07.07, et mieux encore sans doute, de l’Instruction Universae Ecclesiae du 30 avril dernier, en son paragraphe 6 : « Par son usage vénérable et ancien, la forme extraordinaire doit être conservée avec l’honneur qui lui est dû. »
En effet la messe traditionnelle a naturellement une primauté d’honneur, qui demeure même quand elle est incomprise ou contestée. Elle est et elle sera « conservée » dans la mesure où elle est et elle sera « honorée ».
Cette réclamation concernant la primauté d’honneur, induite par les textes de Benoît XVI, est loin d’être réalisée sur le terrain de la vie liturgique. À notre connaissance, dans aucun cathédrale de France, la messe selon la forme extraordinaire n’est célébrée chaque dimanche, avec la dignité requise. La primauté d’honneur n’est même pas effective à Rome. Comme si, à « la brutale brusquerie liturgique de Paul VI », répondait un très long effort de restauration qui compte plus sur l’activité de la base que sur les décisions naturelles de la hiérarchie.
Au début de son article, Jean Madiran expose un autre aspect du problème liturgique, moins perçu par la base justement et qui montre, à sa manière, qu’il faudra bien que la hiérarchie entre dans ce processus de restauration liturgique :
La catholicité n’est pas encore sortie des incertitudes et difficultés liturgiques. D’ailleurs il n’y a pas uniquement le missel qui soit en cause, comme l’indiquait Yves Daoudal il y a maintenant presque trois ans, et ce qu’il observait est toujours dans le même état : « … Il y a aussi l’année liturgique, dont le mouvement dynamique est détruit, et il y a l’office, le bréviaire “réformé” qu’on appelle la “liturgie des Heures”, qui est un exemple patent de volonté de rupture, avec la répartition des psaumes sur quatre semaines, ce qui est contraire à la pratique de toutes les Eglises dans tous les temps ainsi qu’au symbolisme des nombres et de la semaine ; et, pire encore, la censure des psaumes, c’est-à-dire la censure de la Parole de Dieu, que Dieu a donnée à l’Eglise pour en faire sa prière quotidienne. » Benoît XVI a visiblement placé la liturgie catholique sur la voie d’une réorientation, mais it’s a long way…, comme nous chantions naguère, il est encore fort long, le chemin à parcourir pour une réorientation d’ensemble de la liturgie catholique.
Nous avons souvent insisté ici sur l’importance du maintien du bréviaire traditionnel, et donc de l’année liturgique qui lui est associée. Le maintien de ce bréviaire est d’ailleurs prévu par Summorum pontificum, au paragraphe 3 de son article 9 :
Tout clerc dans les ordres sacrés a le droit d’utiliser le Bréviaire romain promulgué par le bienheureux Pape Jean XXIII en 1962.
Fas est clericis in sacris constitutis uti etiam Breviario Romano a B. Ioanne XXIII anno 1962 promulgato.
Les laïcs peuvent évidemment, autant que faire se peut, s’associer à cette prière de l’Église en disant tout ou partie du bréviaire. Outre les effets surnaturels qui lui sont liés, ils comprendront mieux ainsi l’unité et la beauté de la liturgie traditionnelle qui forme un ensemble dont la messe est assurément le centre, ou pour mieux dire, le cœur.