Dans le numéro 129 de Daoudal Info, Yves Daoudal, ancien collaborateur d’Itinéraires et ancien rédacteur de La Pensée catholique (parmi d’autres supports de presse n’ayant pas directement rapport avec notre sujet), revient sur la question de la liberté religieuse dans une réflexion qui puise ses fondements dans les propos du Pape Benoît XVI.
Revenant sur le célèbre discours de décembre 2005 sur les deux herméneutiques, Yves Daoudal remarque :
« On ne fait pas assez attention au fait que pour évoquer ce qui est selon lui la juste herméneutique de Vatican II, Benoît XVI n’a pas craint de traiter de la question qui fait le plus débat, et a donné son avis. Son avis de Pape. Devant la Curie. »
Cette « question qui fait le plus débat », c’est celle de la liberté religieuse et plus exactement du droit à la liberté religieuse et à la neutralité de l’État en matière religieuse.
Daoudal remarque également que le Pape a posé d’autres jalons importants sur ce sujet, lors de la béatification du cardinal Newman et lorsqu’il a évoqué saint Thomas More. Le journaliste apporte aussi son propre témoignage :
« J’ai été longtemps dubitatif sur la question de la liberté religieuse (…) Mais au lieu de faire l’autruche (ce que j’ai fait moi-même longtemps), ou de tirer sans sommation (comme je vois faire trop souvent), je crois qu’il faut aller y voir de plus près. (…) Car, dans le monde, on comprend ce que dit le pape quand il réclame la liberté religieuse, et personne ne le comprendrait s’il brandissait le Syllabus en exigeant que les gouvernements soient expressément catholiques et répriment l’hérésie. »
Je crois comprendre ce que veut dire Yves Daoudal. Il estime que la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse est « prophétique » dans la mesure où le pape et l’Église doivent désormais demander la liberté religieuse en Europe même. Sur ce point, on ne peut que lui donner raison. Mais est-ce que l’existence ou non d’une déclaration conciliaire change ou pas quelque chose à la question ? Ce n’est pas certain. D’autant que l’Église n’envisage pas des cas concrets mais bien l’affirmation d’un droit positif, vrai en tout temps et dans toutes les situations.
Je ne suis pas sûr non plus qu’il suffise de laisser entendre que ceux qui s’opposent ou s’interrogent sur la question de la liberté religieuse fassent « l’autruche » ou tirent « sans sommation » pour régler le problème. Le Saint-Père semble avoir voulu discuter au moins avec une partie d’entre eux, à travers une commission ad hoc. Discussion qui vise à entendre des arguments et à poser des objections dans la recherche de la vérité.
Est-il suffisant également d’écrire que personne ne comprendrait – même si c’est vrai ! – un discours fondé sur le Syllabus ? Mais les Apôtres et les disciples ont-ils été compris quand ils annonçaient l’Évangile (qui n’est pas le Syllabus) ?
On peut certes ne pas considérer « que les papes du XIXe siècle fussent l’apogée de la tradition » sans vouloir gommer d’un trait leur enseignement qui appartient pour le moins au patrimoine de l’Église jusqu’à Pie XII encore pour une grande partie. On peut certes estimer que le Syllabus est insuffisant à répondre aux problématiques du temps tout en s’interrogeant sur l’évolution de la doctrine catholique à ce sujet, d’autant qu’il apparaît très difficile de séparer la déclaration conciliaire de la pratique post-conciliaire sur le sujet, mise en œuvre par les papes eux-mêmes. Quand le Pape écrit que les martyrs sont morts pour le Christ et pour la liberté de conscience, on veut bien le croire. Mais qu’en est-il exactement ? Historiquement ? Quelle était cette liberté de conscience pour les chrétiens de l’Église primitive ? S’ils sont bien morts pour elle, est-elle la même chose que ce que nous entendons et ce que le monde entend aujourd’hui par ces mots ?
Yves Daoudal affirme que Benoît XVI est à la fois le pape le plus traditionnel et le pape qui parle le plus de la liberté religieuse. Il ne fournit aucune preuve de cette affirmation. Mais si tel est le cas, pourquoi le pape n’aborde-t-il pas la question de manière définitive dans une déclaration doctrinale visant à éclaircir définitivement une question qu’il sait mieux que d’autres combien elle pose problème ? Jusqu’ici, nous n’avons qu’un ensemble de discours où cette question est abordée de manière très large. Est-ce suffisant pour passer du débat à la certitude pour le petit peuple des fidèles ? Je n’en suis pas certain.