Dans un entretien accordé au site Nouvelles de France, Mgr Pozzo, secrétaire de la Commission pontificale Ecclesia Dei, confirme l’importance du motu proprio Summorum Pontificum et de l’instruction d’application de ce texte. Même s’il n’apporte rien de fondamentalement nouveau, cet entretien rappelle bien la pensée romaine en ce qui concerne la liturgie, la place de la forme extraordinaire, les vocations, l’intérêt que Rome trouve dans les instituts et communautés Ecclesia Dei et les rapports avec la Fraternité Saint-Pie X. On ne reviendra pas sur les aspects que j’ai déjà abordés par ailleurs comme le discours sur Vatican II à la limite de la langue de buis, le caractère inopérant de l’article 19 de l’instruction Universae Ecclesiae.
Mais cet entretien est à rapprocher d’une remarque de Jean-Marie Guénois, chroniqueur religieux au Figaro, qui estime sur son blog « Relio Blog » que en matière de messe traditionnelle et même de réforme de la réforme « Benoît XVI n’ira pas plus loin ». Le journaliste écrit :
« Ils attendent en effet de Benoît XVI qu’il aille encore plus loin dans la réforme liturgique et qu’il transforme, en quelque sorte, le rite “extraordinaire” de la messe en latin, selon le missel de 1962, en rite “ordinaire”. C’est à dire pour tous en une sorte de retour à la messe en latin, antérieure à la réforme liturgique. Cette opinion offre toute la gamme possible de positions mais elle possède un point commun : celui de considérer l’instruction “Universae Ecclesiae”, publiée le 13 mai, (visant à mieux faire appliquer le Motu proprio “Summorum Pontificum” daté du 7 juillet 2007 qui rétablissait la messe en latin selon le missel de Jean XXII comme rite extra-ordinaire dans l’Eglise) comme une nouvelle étape vers la réalisation d’un seul objectif : rétablir de plein droit la messe en latin d’antan et reléguer la messe actuelle au rang de rite marginal. Une sorte d’erreur de l’histoire qui serait finalement abandonnée après essai.»
Derrière ce « ils » on ne sait pas exactement qui vise Guénois, mais l’important n’est pas là. Fondamentalement, et bien qu’il n’apporte aucune preuve de ce qu’il avance, tout semble dire qu’il a raison. D’abord parce que la disparition du nouveau rite n’a jamais été la pensée du Pape actuel et ensuite parce que le discours actuel le laisse entendre. Ainsi Mgr Pozzo déclare-t-il à NDF :
En même temps, il faut accueillir l’enseignement et la discipline que le Pape Benoît XVI nous a donnés dans sa Lettre apostolique Summorum Pontificum pour restaurer la forme extraordinaire du rite romain antique et suivre la manière exemplaire avec laquelle le Saint-Père célèbre la Sainte Messe dans la forme ordinaire à Saint-Pierre, dans ses visites pastorales et dans ses voyages apostoliques.
Encore une fois donc, Jean-Marie Guénois en bon analyste (mais en curieux journaliste qui parle de messe en latin alors que la messe en forme ordinaire peut être aussi célébrée en latin) a raison en ce qui concerne le constat. Le Pape actuel est allé au bout de ce qu’il pensait et de ce qu’il voulait faire (mis à part la question de la Fraternité Saint-Pie X). Mais même s’il ne va pas plus loin, il a initié le mouvement et il a libéré la parole. Il y aura un avant et un après Benoît XVI dans l’histoire de l’Église. Jamais abrogée légalement, la messe traditionnelle romaine a toute sa place dans l’Église, même cachée sous l’artifice d’une forme extraordinaire. Même soumis à l’artifice d’une herméneutique de la réforme dans la continuité, la question du statut du Concile Vatican II est posée. Inévitablement !
Comme l’écrit Guénois, « je peux me tromper ». Le dossier est certes terminé pour Rome, mais il commence sur le terrain ou plus exactement sur les multiples terrains de la vie chrétienne. Il y aura encore du grain à moudre sur ces sujets pour les chroniqueurs religieux.