Dans un entretien exclusif accordé à l’hebdomadaire Famille Chrétienne, le cardinal Raymond Leo Burke, préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, répond aux questions d’Aymeric Pourbaix. Cet entretien, présenté par l’hebdomadaire à partir de l’instruction d’application du motu proprio qui devait paraître à Pâques, n’aborde finalement que peu cette question et ne dévoile pas la teneur de la fameuse instruction dont on sait qu’elle a connu plusieurs ébauches. En revanche, cet entretien confirme bien la raison de l’existence de la dite instruction ainsi que le rôle que pourrait jouer, en dernier recours, le Tribunal suprême de la Signature apostolique. Cette précision est capitale puisque elle confirme que le motu proprio Summorum Pontificum n’entre pas dans le cadre d’une exception à la loi mais possède bien valeur de loi. Sur la nécessité de la justice dans l’Église, répondant à une question très générale sur le droit canon, le cardinal Burke précise également l’importance du Droit, même au regard du commandement de l’amour :
« Il n’y a pas de contradiction, malgré ce que beaucoup pensent ! Comment pouvez-vous aimer quelqu’un sans être juste ? La justice est l’ingrédient minimum, mais indispensable, d’une relation d’amour. Pour l’Église, il serait hypocrite de par-ler d’amour, ce qui est son devoir, et de ne pas ga-rantir en même temps la justice pour ses membres. »
Avec un tel langage, on sort effectivement des approches modernes pour redonner au Droit toute sa place et sa dignité.
Pour en revenir au motu proprio, le cardinal Burke explique les raisons de l’existence d’une instruction d’application ainsi :
Fournir des réponses aux questions sur l’application de Summorum pontificum, questions qui ne pouvaient être traitées dans le motu proprio lui-même. Le Saint-Père avait indiqué, à l’époque de la promulgation, qu’il y aurait une instruction. Cela a mis beaucoup de temps. Tant qu’il n’y avait pas d’orientation spécifique donnée, il pouvait y avoir des désaccords dans l’application… Désormais, nous disposerons d’une orientation pratique qui garantira l’application de ce motu proprio.
Il explique aussi les difficultés rencontrées :
Des difficultés, par exemple, dans l’administration des sacrements (baptêmes, mariages…), conformément aux droits qui furent renforcés en 1962 ; dans la coordination des célébrations de la messe selon les formes ordinaire et extraordinaire, pour les féries, etc. Des questions très pratiques qui se présentent du fait de la coexistence de deux formes du même rite.
Mais, surtout, il précise :
Tout recours concernant l’application du motu proprio doit d’abord être adressé à la Commission pontificale Ecclesia Dei. Si l’une des parties n’est pas satisfaite de la décision, elle parvient jusqu’à nous. Mais notre jugement sera limité, car nous traiterons l’affaire dans un cadre strictement juridique. Nous examinerons s’il y a eu violation de la loi canonique, soit dans la procédure suivie, soit dans la décision prise, soit encore dans le contenu de la décision même.
Pour en savoir plus, lire le dernier numéro de Famille Chrétienne (ICI). Signalons aussi que La Nef publie dans son numéro de ce mois un entretien avec le même cardinal Burke (là). En voici un extrait :
Dans sa mise en application, j’ai constaté un intérêt et une appréciation toujours plus grands pour la forme extraordinaire du rite romain chez les fidèles en général et chez les jeunes catholiques en particulier. D’excellentes initiatives ont eu lieu pour promouvoir la connaissance du Motu proprio et son but, prévu par notre Saint-Père lorsqu’il l’a promulgué. Je songe à plusieurs discours personnels ainsi qu’à des congrès sur la sainte liturgie, qui ont accordé une attention particulière à la forme extraordinaire du rite romain et à son rapport à la forme ordinaire. D’ailleurs, plusieurs livres et articles ont été publiés, qui se sont donné pour but une étude approfondie du Motu proprio.
Il est évident que l’application de Summorum Pontificum n’a pas été faite de façon uniforme dans l’Église universelle. Dans certains endroits, son application a même rencontré des résistances de la part de ceux qui prétendent ne pas bien comprendre ses buts ou qui soutiennent que le Motu proprio ne peut pas être appliqué avant la publication de l’Instruction concernant la mise en application de celui-ci. J’espère que l’Instruction sera publiée prochainement, afin que le Motu proprio puisse être appliqué de façon plus universelle et plus uniforme, selon la profonde sollicitude pastorale de notre Saint-Père pour la sainte liturgie. À ceux qui clament ne pas comprendre les intentions de Summorum Pontificum, je suggère de relire la Lettre aux Évêques, écrite par notre Saint-Père lors de sa promulgation, ainsi que les nombreux écrits du Saint-Père sur la sainte liturgie, publiés avant et après son élection au Siège de Pierre. Je pense, par exemple, à son chef-d’œuvre : L’Esprit de la Liturgie (Ad Solem, 2001).
En ce qui me concerne, la mise en œuvre du Motu proprio m’a permis de faire grandir et d’approfondir grandement la connaissance et l’amour de la sainte liturgie, expression la plus haute de la foi et de la vie de l’Église. Relisant la lettre apostolique elle-même et la Lettre aux Évêques du pape l’accompagnant, je vois comment le Saint-Père a été inspiré en donnant cette nouvelle discipline liturgique à l’Église universelle. J’ai été moi-même témoin personnel des bons fruits de cette nouvelle discipline.
Quant à l’avenir, je suis convaincu que l’application fidèle de Summorum Pontificum contribuera au renouveau véritable de la sainte liturgie. Tel a été le désir des Pères du Concile Vatican II, mais celui-ci a été plus ou moins trahi par la façon dont son enseignement a été mis en œuvre après sa clôture. Le cardinal Joseph Ratzinger, à l’époque, avait préconisé à plusieurs reprises une « réforme de la réforme », afin de permettre la correction plénière des interprétations floues et erronées de l’enseignement conciliaire sur la sainte liturgie et la réception de l’authentique enseignement magistériel, pour la plus grande gloire de Dieu et la sanctification des fidèles.