Le cardinal Canizarès, préfet de la congrégation du Culte divin et de la discipline des sacrements, a accordé récemment un entretien à la revue espagnole Vida Nueva. Beaucoup d’aspects abordés lors de cet entretien concernent la situation espagnole, mais d’autres concernent plus directement la liturgie de l’Église et notamment la réforme de la réforme.
Ainsi, le cardinal Canizarès redit que le Concile Vatican II a apporté une grande attention à la liturgie, voyant dans le fait quand même accidentel historiquement que la constitution sur la liturgie fut le premier texte adopté par les Pères conciliaires. Sacrosanctum Concilium aurait débouché sur une grande rénovation liturgique, même si tout ce qui a suivi au plan liturgique ne peut être qualifié du terme de rénovation. Cette position officielle romaine butte quand même sur la réalité que nous observons dans nos paroisses ou lors de nos déplacements à l’étranger, sans même parler de la perte totale du sens liturgique, non seulement chez les laïcs mais chez certains prêtres. À se demander si le premier pas d’une réforme de la réforme ne consisterait pas à l’abandon d’un discours convenu de la part des autorités ?
Puisque dans la pratique liturgique actuelle, tout ne peut être considéré selon le cardinal Canizarès comme une véritable rénovation, il pense nécessaire d’interpréter la pratique liturgique à l’aune de l’herméneutique de la continuité développée par le Pape Benoît XVI.
Une telle interprétation permettrait de saisir ce que serait une véritable « réforme de la réforme » : l’application de Sacrosanctum Concilium sans esprit de rupture avec la tradition liturgique antérieure. Ce faisant le cardinal donne une piste de compréhension sur ce que souhaitent visiblement les autorités romaines, mais ne répond pas à la question (qui ne lui est pas posée dans l’entretien) de savoir si le texte de Sacrosanctum Concilium lui-même ne représente pas une rupture avec la tradition liturgique. Tant que cette question ne sera pas abordée de front, une réforme de la réforme sera-t-elle vraiment possible ?
Concernant la restructuration de sa congrégation, le cardinal Canizarès précise qu’il s’agit d’une part du transfert des affaires matrimoniales à un autre dicastère et d’autre part de la création d’une nouvelle section consacrée à la musique liturgique dans le but de s’attacher plus totalement à travailler au mouvement liturgique issu de Vatican II, sans perdre toutefois l’aspect disciplinaire – le nom précis de la congrégation est « du Culte divin et de la discipline des sacrements » – puisque la liturgie contient en elle-même un aspect disciplinaire avec des normes à respecter et à appliquer.
“…si le texte de Sacrosanctum Concilium lui-même ne représente pas une rupture avec la tradition liturgique.”
A mon humble avis non. Toute la dialecte de Benoît XVI sur l’herméneutique de la continuité gît dans cette réponse catégorique. Non, le Concile Vatican II ne doit pas être interprété dans un sens de rupture avec le passé, ou, moins encore, avec la Tradition. Mais seulement comme un développement d’icelui ou d’icelle.
Les progressistes répondraient : Oui. Mais selon Benoît XVI, ils auraient tort…
A mon humble avis encore, le cardinal Canizarès s’orienterait nettement, avec l’accord du pape, vers une réforme de la réforme. C’est-à-dire, à la limite, vers un troisième rite, différent à la fois du rite Paul VI et du rite tridentin, mélangeant les deux dans leurs avantages respectifs, et visant, à terme, à les supplanter, pour aboutir finalement à l’unité de l’ars celebrandi, souhaité par le Concile.
Quod vobis videtur ?
N’oublions pas pour expliquer les choses que l’Eglise d’Espagne, dont provient Mgr Canizarès, est peu favorable dans l’ensemble à la restauration de l’usus antiquior. Elle préférerait une réhabilitation, fidèle à la lettre du Concile, de l’usus novus.
Je pense comme vous qu’il ne suffit pas de dire que “Sacrosanctum Concilium” (SC) est en rupture avec le passé pour qu’il le soit !
Une saine philosophie n’est pas idéaliste mais réaliste : il faut coller au réel.
Que l’on apporte la preuve de la contradiction de SC avec le passé.
Et le cardinal Cicognani qui, en larmes, refusait de signer le projet de S.C. en disant qu’il allait ouvrir la porte a des evolutions dangereuses? C’est sans doute un hasard que ces dangers se soient concretises?