Sur le site de l’association Proliturgia, qui œuvre pour la célébration respectueuse de la forme ordinaire, on trouve cette réflexion que je me permets de citer en entier (la source est ici) :
« Selon le site “Perepiscopus”, Daniel Hamiche, rédacteur en chef du portail “Riposte Catholique” a fait une proposition à la Conférence des Evêques de France: ”Pourquoi ne pas créer, dans le cadre de la Conférence épiscopale, une commission chargée de veiller et d’aider à l’application dans tous les diocèses de France de la forme extraordinaire? Commission comportant des clercs et des laïcs qualifiés. Si on a besoin de moi, je suis prêt!”
Ne connaissant pas Daniel Hamiche, nous ne savons pas s’il a, en liturgie, les compétences qui peuvent faire de lui un “laïc qualifié”, mais son idée paraît intéressante bien que très insuffisante à nos yeux. Nous avons donc une autre proposition à faire à la Conférence des évêques de France: créer, dans le cadre de la Conférence épiscopale, une commission composée de clercs et de laïcs “qualifiés”, chargée de veiller et d’aider à la mise en oeuvre, dans toutes les paroisses, de la liturgie romaine telle qu’elle est définie soit dans le missel du Bx Jean XXIII (forme extraordinaire) soit dans le missel de Jean-Paul II (forme ordinaire). Pour être considéré comme “qualifié”, le fidèle devrait: - connaître aussi bien la forme “extraordinaire” que la forme “ordinaire”, se souvenant que la forme “extraordinaire” est – selon les enseignements du Souverain Pontife – un moyen de retrouver le sens de la liturgie et non une fin en soi (1); - connaître l’histoire de la liturgie; - connaître les documents magistériels (surtout les plus récents) en rapport avec la liturgie; - connaître la forme “ordinaire” aussi bien en latin qu’en français; - connaître l’histoire du chant liturgique et pratiquer le chant grégorien.
(1) Se référant au Motu proprio Summorum pontificum, Mgr Nicola Bux, Membre de la Congrégation pour le Culte divin, a rappelé que la forme extraordinaire doit servir de pédagogie pour mieux célébrer la forme ordinaire. »
Le rédacteur de Proliturgia a tout à fait raison. Il faut élargir la proposition de Daniel Hamiche au respect aussi bien de la forme ordinaire que de la forme extraordinaire. Ce serait un bon début. Au passage, on se demande pourtant pourquoi le rédacteur de Proliturgia estime qu’il faut surtout connaître les documents magistériels les plus récents dans le domaine de la liturgie. Il est évident qu’il faut les connaître car ils sont absolument indispensables comme normes pour bien juger de l’état de la liturgie et au besoin pour indiquer les solutions aux erreurs liturgiques. Mais la liturgie s’inscrit dans une tradition et dans un développement. Certains textes peut-être plus anciens sont nécessaires aussi, ne serait-ce que pour bien saisir l’esprit de la liturgie catholique. Le rédacteur de Proliturgia se réfère sur un autre point à Mgr Nicolas Bux, membre de la Congrégation pour le Culte divin. Or, récemment encore (son intervention à Versailles le 21 novembre dernier) Mgr Bux partait dans sa réflexion sur la liturgie pour aujourd’hui de Mediator Dei du Pape Pie XII, le pape le plus cité de Vatican II. Est-ce considéré par Proliturgia comme un texte suffisamment récent ? j’augure que oui.
Mais le rédacteur deProliturgia nous offre une autre source de réflexion. Il signale que la forme extraordinaire doit être comprise comme « un moyen de retrouver le sens de la liturgie et non une fin en soi » et il cite à l’appui de son interprétation Mgr Bux qui a rappelé que « la forme extraordinaire doit servir de pédagogie pour mieux célébrer la forme ordinaire ».
Cette remarque pose plusieurs petits problèmes :
1°) d’abord si la forme extraordinaire doit servir à retrouver le sens de la liturgie, c’est que celle-ci a été perdue. Il convient donc de ne pas s’arrêter au constat et au remède, mais d’en trouver la cause. Cette cause, Proliturgia nous expliquera certainement qu’il s’agit de la mauvaise application de la réforme liturgique de Paul VI. C’est certainement vrai. Mais est-ce la seule ? Sans avancer d’explications certaines, un constat s’impose : la nouvelle liturgie n’a pas été suffisante pour empêcher la perte de l’esprit de la liturgie.
2°) Il est certain qu’en célébrant la forme extraordinaire les prêtres (et les laïcs en y assistant) retrouveront le sens de la liturgie et son esprit. Pour autant, la forme extraordinaire ne sert-elle qu’à cela ? Cette remarque – mais je ne suis ni diplômé en liturgie ni en théologie, simple petit laïc bénéficiaire de la liturgie qui m’est destinée – ne me semble pas très… liturgique. Une forme ou un rite ne sont pas seulement (j’insiste sur ce mot) ordonnés à la pédagogie. Ils sont ordonnés à rendre un culte à Dieu, et pas n’importe quel culte, mais le culte par excellence.
3°) Mgr Bux, que cite le rédacteur de Proliturgia, indique bien l’aspect pédagogique de la forme extraordinaire, mais ne dit nulle part qu’il limite la forme extraordinaire à cet aspect. Plus encore, le texte de référence, le Motu Proprio Summorum Pontificum, ne le stipule pas non plus. Voici ce que décrète le Souverain Pontife dans ce Motu Proprio :
« Art. 1. Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le bienheureux Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain.
Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le bienheureux Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l’Église. Mais les conditions établies par les documents précédents Quattuor abhinc annos et Ecclesia Dei pour l’usage de ce Missel sont remplacées par ce qui suit :
Art. 2.
Aux Messes célébrées sans peuple, tout prêtre catholique de rite latin, qu’il soit séculier ou religieux, peut utiliser le Missel romain publié en 1962 par le bienheureux Pape Jean XXIII ou le Missel romain promulgué en 1970 par le Souverain Pontife Paul VI, et cela quel que soit le jour, sauf le Triduum sacré. Pour célébrer ainsi selon l’un ou l’autre Missel, le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège apostolique ni de son Ordinaire.
Art. 3.
Si des communautés d’Instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical ou de droit diocésain désirent, pour la célébration conventuelle ou « communautaire », célébrer dans leurs oratoires propres la Messe selon l’édition du Missel romain promulgué en 1962, cela leur est permis. Si une communauté particulière, ou bien tout un Institut ou une Société, veut avoir de telles célébrations souvent ou habituellement ou de façon permanente, cette façon de faire doit être déterminée par les Supérieurs majeurs selon les règles du droit et les lois et statuts particuliers.
Art. 4.
Aux célébrations de la Messe dont il est question ci-dessus à l’art. 2 peuvent être admis, en observant les règles du droit, des fidèles qui le demandent spontanément.
Art. 5,
§ 1. Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur demande de célébrer la Messe selon le rite du Missel romain édité en 1962. Il appréciera lui-même ce qui convient pour le bien de ces fidèles en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’Évêque selon les normes du canon 392, en évitant la discorde et en favorisant l’unité de toute l’Église.
§ 2. La célébration selon le Missel du bienheureux Jean XXIII peut avoir lieu les jours ordinaires ; mais les dimanches et les jours de fêtes, une Messe sous cette forme peut aussi être célébrée.
§ 3. Le curé peut aussi autoriser aux fidèles ou aux prêtres qui le demandent, la célébration sous cette forme extraordinaire dans des cas particuliers comme des mariages, des obsèques ou des célébrations occasionnelles, par exemple des pèlerinages.
§ 4. Les prêtres utilisant le Missel du bienheureux Jean XXIII doivent être idoines et non empêchés par le droit.
§ 5. Dans les églises qui ne sont ni paroissiales ni conventuelles, il appartient au recteur de l’église d’autoriser ce qui est indiqué ci-dessus.
Art. 6.
Dans les Messes selon le Missel du bienheureux Jean XXIII célébrées avec le peuple, les lectures peuvent être proclamées en langue vernaculaire, utilisant des éditions reconnues par le Siège apostolique.
Art. 7.
Si un groupe de fidèles laïcs dont il est question à l’article 5 § 1 n’obtient pas du curé ce qu’ils lui ont demandé, ils en informeront l’Évêque diocésain. L’Évêque est instamment prié d’exaucer leur désir. S’il ne peut pas pourvoir à cette forme de célébration, il en sera référé à la Commission pontificale Ecclesia Dei.
Art. 8.
L’Évêque qui souhaite pourvoir à une telle demande de fidèles laïcs, mais qui, pour différentes raisons, en est empêché, peut en référer à la Commission pontificale Ecclesia Dei, qui lui fournira conseil et aide.
Art. 9,
§ 1. De même, le curé, tout bien considéré, peut concéder l’utilisation du rituel ancien pour l’administration des sacrements du Baptême, du Mariage, de la Pénitence et de l’Onction des Malades, s’il juge que le bien des âmes le réclame.
§ 2. Aux Ordinaires est accordée la faculté de célébrer le sacrement de la Confirmation en utilisant le Pontifical romain ancien, s’il juge que le bien des âmes le réclame.
§ 3. Tout clerc dans les ordres sacrés a le droit d’utiliser le Bréviaire romain promulgué par le bienheureux Pape Jean XXIII en 1962.
Art 10.
S’il le juge opportun, l’Ordinaire du lieu a le droit d’ériger une paroisse personnelle au titre du canon 518, pour les célébrations selon la forme ancienne du rite romain, ou de nommer soit un recteur soit un chapelain, en observant les règles du droit.
Les articles qui suivent concernent le rôle de la Commission Ecclesia Dei. Rien donc dans ce texte normatif qui indique que la forme extraordinaire ne serve qu’à retrouver l’esprit de la liturgie. Pourrait-on instituer des paroisses personnelles si c’était le cas ? Il est clair, en revanche, que la forme extraordinaire peut jouer ce rôle. Mais c’est un but secondaire, important certes, nécessaire, certainement, mais ni unique, ni premier.
Tout comme “il y a beaucoup de maisons du Père”,il y a divers rites ! Il semble qu’il suffit simplement de célébrer LA messe comme elle doit l’être et donc, notamment, en réelle union avec toute l’Elise, en pleine communion avec les demandes du Pape, successeur de Pierre ; lui-même choisi par Jésus…Jésus a dit aussi “Qui n’est pas avec Moi est contre Moi”… Finalement pourquoi se démarquer de Benoît XVI, pourquoi tant de discours savants et de querelles ? Deux “mots” devraient simplement suffire : l’Evangile et le Magistère de l’Eglise.Semble-t’il )
…”…maisons dans LA Maison du Père”…
Je pense que par l’expression “charité miséricordieuse”, vous faites allusion aux propos de l’évêque de Metz en 1988: mais il parlait de “parenthèse miséricordieuse”, ce qui est bien pire…
“Parenthèse”, c’est vraiment ce que M. Crouan a en tête en disant que la forme extraordinaire n’est pas “une fin en soi”. On retrouve ici son côté extrémiste paulsisien.
Le seul problème pour M. Crouan, c’est que tous les jeunes prêtres diocésains ‘conservateurs’ que je connais sont hostiles à la messe Paul VI façon ‘tradie’ n’en voyant aucunement l’utilité pastorale, alors qu’en même temps, ils apprennent à célébrer la messe ‘tridentine’.
Comment célébrer “correctement” ou “selon les normes” une liturgie qui a des non-normes en forme de normes?