Les Institutions liturgiques sont une œuvre oubliée de dom Guéranger, le restaurateur de l’ordre bénédictin en France. L’Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, qui n’a pas réédité non plus son Année liturgique, n’a pas jugé nécessaire de rééditer ce travail (de combat il est vrai) de son fondateur. Des cette vaste étude, dom Guéranger a fait ressortir les éléments essentiels de l’anti-liturgie, qu’il n’a pas hésité à qualifier d’ hérésie. Après en avoir publié les premiers éléments, je continue ici la publication des points 7 à 9.
7° Traitant noblement avec Dieu, la Liturgie protestante n’a point besoin d’intermédiaires créés. Elle croirait manquer au respect dû à l’Etre souverain, en invoquant l’intercession de la sainte Vierge, la protection des saints. Elle exclut toute cette idolâtrie papiste qui demande à la créature ce qu’on ne doit demander qu’à Dieu seul ; elle débarasse le calendrier de tous ces noms d’hommes que l’Eglise romaine inscrit si témérairement à côté du nom de Dieu ; elle a surtout en horreur ceux des moines et autres personnages des derniers temps qu’on y voit figurer à côté des noms révérés des apôtres que Jésus-Christ a choisis, et par lesquels fut fondée cette Eglise primitive, qui seule fut pure dans la foi et franche de tout superstition dans le culte et de tout relâchement dans la morale.
8° La réforme liturgique ayant pour une de ses fins principales l’abolition des actes et des formules mystiques, il s’ensuit nécessairement que ses auteurs devaient revendiquer l’usage de la langue vulgaire dans le service divin. Aussi est-ce là un des points les plus importants aux yeux des sectaires. Le culte n’est pas une chose secrète, disent-ils. Il faut que le peuple entende ce qu’il chante. La haine de la langue latine est innée au coeur de tous les ennemis de Rome. Ils voient en elle le bien des catholiques dans tout l’univers, l’arsenal de l’orthodoxie contre toutes les subtilités de l’esprit de secte, l’arme la plus puissante de la papauté. L’esprit de révolte qui les pousse à confier à l’idiome de chaque peuple, de chaque province, de chaque siècle, la prière universelle, a, du reste, produit ses fruits, et les réformés sont à même tous les jours de s’apercevoir que les peuples catholiques, en dépit de leurs prières latines, goûtent mieux et accomplissent avec plus de zèle les devoirs du culte que les peuples protestants. A chaque heure du jour, le service divin a lieu dans les églises catholiques; le fidèle qui y assiste laisse sa langue maternelle sur le seuil; hors les heures de la prédication, il n’entend que des accents mystérieux qui même cessent de retentir dans le moment le plus solennel, au canon de la messe ; et cependant ce mystère le charme tellement, qu’il n’envie pas le sort du protestant, quoique l’oreille de celui-ci n’entende jamais que des sons dont elle perçoit la signification. Tandis que le temple réformé réunit, à grand’peine, une fois la semaine, les chrétiens puristes, l’Eglise papiste voit sans cesse ses nombreux autels assiégés par ses religieux enfants; chaque jour, ils s’arrachent à leurs travaux pour venir entendre ces paroles mystérieuses qui doivent être de Dieu, car elles nourrissent la foi et charment les douleurs. Avouons-le, c’est un coup de maître du protestantisme d’avoir déclaré la guerre à la langue sainte; s’il pouvait réussir à la détruire, son triomphe serait bien avancé. Offerte aux regards profanes, comme une vierge déshonorée, la Liturgie, dès ce moment, a perdu son caractère sacré, et le peuple trouvera bientôt que ce n’est pas trop la peine qu’il se dérange de ses travaux ou de ses plaisirs pour aller entendre parler comme on parle sur la place publique. Otez à l’Eglise française ses déclamations radicales et ses diatribes contre la prétendue vénalité du clergé, et allez voir si le peuple ira longtemps écouter le soi-disant primat des Gaules crier: Le Seigneur soit avec vous; et d’autres lui répondre : Et avec votre esprit. Nous traiterons ailleurs, d’une manière spéciale, de la langue liturgique. 9° En ôtant de la Liturgie le mystère qui abaisse la raison, le protestantisme n’avait garde d’oublier la conséquence pratique, savoir l’affranchissement de la fatigue et de la gêne qu’imposent au corps les pratiques de la Liturgie papiste. D’abord, plus de jeûne, plus d’abstinence; plus de génuflexion dans la prière; pour le ministre du temple, plus d’offices journaliers à accomplir, plus même de prières canoniales à réciter, au nom de l’Eglise. Telle est une des formes principales de la grande émancipation protestante : diminuer la somme des prières publiques et particulières. L’événement a montré bientôt que la foi et la charité, qui s’alimentent par la prière, s’étaient éteintes dans la réforme, tandis qu’elles ne cessent, chez les catholiques, d’alimenter tous les actes de dévouement à Dieu et aux hommes, – fécondées qu’elles sont par les ineffables
Texte militant, certes!
Il a le grand mérite de rappeler à la raison qu’elle est servante et non maîtresse et qu’elle doit être élévée par la grâce,la vertu surnaturelle,venant de Dieu, de Foi.Rappel de la notion essentielle de mystère (ineffable; au delà des mots) dont a bien écrit Ernest Hello quand il dit:”La Vérité protège l’homme contre la famine(spirituelle) par la Révélation,contre la satiété par le Mystère.”Mystère, clair obscur dont a aussi bien parlé le Père Garrigou-Lagrange,O.P, dans “Le sens du Mystère”.Deux maîtres penseurs qui peuvent aider tous les chrétiens de notre temps déboussolé.Merci de ces beaux textes.