Extrait de L’Année liturgique de dom Guéranger, abbé de Saint-Pierre de Solesmes. Il s’agit du passage concernant le vœu de Louis XIII. Notre tradition catholique et nationale. Un acte conforme à la reconnaissance de la Royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
« Aujourd’hui, dans toutes les églises de France, a lieu la procession solennelle instituée en souvenir et confirmation du vœu par lequel Louis XIII dédia le royaume très chrétien à la Bienheureuse Vierge.
Par lettres données à Saint-Germain-en-Laye, le 10 février 1638, le pieux roi déclarait consacrer à Marie sa personne, son état, sa couronne, ses sujets. « Nous enjoignons à l’archevêque de Paris, disait-il ensuite, que tous les ans, le jour et fête de l’Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la grande Messe qui se dira en son église cathédrale, et qu’après les Vêpres dudit jour il soit fait une procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes les compagnies souveraines et le corps de ville avec pareille cérémonie que celle qui s’observe aux processions plus solennelles. Ce que nous voulons aussi être fait en toutes les églises tant paroissiales que celles des monastères de ladite ville et faubourgs, et en toutes les villes, bourgs et villages dudit diocèse de Paris. Exhortons pareillement tous les archevêques et évêques de notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de faire célébrer la Messe solennelle en leurs églises épiscopales, et autres églises de leurs diocèses ; entendant qu’à ladite cérémonie les cours de parlement et autres compagnies souveraines, les principaux officiers des villes y soient présents. Nous exhortons lesdits archevêques et évêques… d’admonester tous nos peuples d’avoir une dévotion particulière à la Vierge, d’implorer en ce jour sa protection, afin que sous une si puissante patronne notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis ; qu’il jouisse longuement d’une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement, que nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous avons tous été créés ; car tel est notre plaisir. »
A nouveau donc, le royaume de France s’affirmait le royaume de Marie. Moins d’un mois après la première fête célébrée conformément aux royales prescriptions, le 5 septembre 1638, naissait d’une union stérile vingt ans celui qui fut Louis XIV. Lui-même devait renouveler la consécration à Marie de la couronne et du sceptre de France (25 Mars 1650). L’Assomption demeura, elle est toujours, pour ceux que ne séduisent pas des dates de révolte et d’assassinat, la fête nationale du pays.
Voici les prières spéciales qui se dirent tous les ans jusqu’à la chute de la monarchie, en exécution du vœu de Louis XIII. Nous donnons l’Oraison dans son texte primitif.
ANTIENNE.
Nous avons recours à votre protection sainte Mère de Dieu : dans nos besoins ne méprisez pas nos prières ; mais délivrez-nous toujours de tous maux, Vierge glorieuse et bénie.
V/. O Dieu, donnez au roi votre science du jugement et au fils du roi celle de votre justice.
R/. Pour juger votre peuple dans l’équité et vos pauvres dans la droiture.
ORAISON.
Dieu, roi des rois et des royaumes, leur guide et leur gardien, vous qui avez donné comme fils à la bienheureuse Vierge Marie votre propre Fils unique et le lui avez soumis : accueillez favorablement les vœux de votre serviteur le très chrétien roi des Francs, de son peuple fidèle et de tout le royaume; ils se soumettent eux-mêmes à l’empire de cette bienheureuse Vierge, ils se dévouent, s’engagent et se consacrent à son service : puissent-ils en retour obtenir,durant cette vie la tranquillité et la paix, au ciel l’éternelle liberté. Par le même Jésus-Christ, notre Seigneur.
Nous ne devons pas omettre de rappeler que la Hongrie fut de même consacrée à la Mère de Dieu par son premier roi, saint Etienne. Le présent jour y prit dès lors l’appellation du jour de la grande souveraine, dies Magnœ Dominae. Marie reconnut la piété de l’apostolique prince : ce fut le 15 août 1038, qu’il échangea pour la couronne des cieux son trône de la terre : nous le retrouverons sur le Cycle au deuxième jour de septembre. Au XVI° siècle, on vit en plusieurs lieux les Luthériens continuer après leur apostasie d’observer l’Assomption de la bienheureuse Vierge, que les populations n’eussent pas laissé supprimer. La coutume d’un grand nombre d’églises d’Allemagne était, comme en font foi leurs Bréviaires et Missels, de célébrer durant trente jours consécutifs par des réunions et des chants le triomphe de Marie. »