Jean Madiran a publié un très important article dans Présent du vendredi 23 juillet dernier. Son titre, comme beaucoup de
titre, ne dit pas tout de l’article. Il s’intitule « Le rendez-vous de septembre ». Il fait référence à l’heure du bilan à propos de
l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum.
Ce bilan, adversaires et défenseurs de la messe traditionnelle, l’attendent avec impatience. Les premiers pour voir l’autorité pontificale reculer et amoindrir la
portée d’un texte qui l’a déjà été avant même sa parution en 2007. Ces adversaires du trésor liturgique et doctrinal que représente la messe traditionnelle, sans parler même de la piété qu’un
cœur catholique devrait spontanément avoir à son égard, n’ont pas désarmé et ne comptent pas désarmer. Cette opposition, que l’on peut expliquer par bien des manières, reste malgré tout un
véritable mystère d’iniquité. Comment des prêtres et des évêques catholiques peuvent-ils s’acharner ainsi sur la messe catholique traditionnelle ?
Dans l’important article de Jean Madiran, celui-ci écrit que cette « opposition reste dure, de la dureté qui est celle du crime. » Il n’hésite pas sur le mot et il a raison. Il précise encore :
« Mais les responsables du crime et leurs héritiers n’ont pas désarmé. Ils ont poursuivi leur persécution des prêtres et des laïcs fidèles à la messe catholique
traditionnelle. Ils ont réussi à faire qu’aujourd’hui la majorité des fidèles et des prêtres ayant moins de quarante-cinq ans n’ont jamais vu une messe traditionnelle et ne savent même pas de
quoi il s’agit. La plupart des évêques et des prêtres ont été, à un degré plus ou moins grand, responsables d’une telle situation. Ils ne se sont jamais entendu dire publiquement que cette
situation est le résultat épouvantable d’un crime, le leur. Cette impunité morale est devenue trop nuisible, elle doit cesser. »
Jean Madiran pointe du doigt ceux qui organisent aujourd’hui le crime :
« Encore aujourd’hui, la plupart des épiscopats, ou de leurs noyaux dirigeants, continuent d’organiser leur « dure opposition » au sein même de
la curie romaine et même, semble-t-il, jusqu’au cœur de la secrétairerie d’Etat. Halte au crime ! »
Cette mise en cause de la Secrétairerie d’État, je l’avais faite moi aussi, et aussi l’abbé Aulagnier, récemment sur son site Item. Nous ne sommes pas les premiers
et il faut espérer que nous ne serons pas les derniers, car là se joue le nouvel épisode de la guerre contre la messe traditionnelle.
Toujours dans son article, après avoir salué la mémoire du cardinal Ottaviani qui fut le seul cardinal à déclarer que la messe romaine traditionnelle n’était pas
abolie, Jean Madiran fait référence à celui qui dans la revue Itinéraires, dans le numéro de janvier 1970, prévenait : « Qu’on
n’imagine pas que l’on pourra aisément faire l’aller et retour d’une messe à l’autre. Ce qui est interrompu sera perdu pour longtemps. Ce qui est brisé ne se raccommodera pas au
commandement. » Je reviendrai plus loin sur cet aspect de son article.
Mais dans le même texte de la revue Itinéraires, le même auteur, à la page 36 donnait déjà l’explication de l’opposition
romaine et épiscopale au pape :
« Nous assistons au démembrement de facto des pouvoirs du Pontificat suprême. Leur caractère “immédiat” sur chacun des membres de l’Église est efficacement
estompé par la “médiation” rendue pratiquement obligatoire, de la bureaucratie collégiale. Une fausse collégialité, ni définie ni même nommée par le Concile, est établie en regard de la primauté,
dans l’intention déclarée de la limiter puis de l’absorber : en “situant” la primauté “à l’intérieur du déploiement normal de la collégialité”, c’est-à-dire en l’y enfermant. Simultanément,
la doctrine révélée est accommodée au goût du monde, revue et corrigée par les “spécialistes des sciences humaines”. Le catéchisme et la messe subissent des adaptations, des amputations, des
mutations féroces. La religion d’aujourd’hui, par une sorte de schisme général se sépare chaque jour davantage des comportements, des pensées, des rites qui furent toujours ceux de
l’Église. ».
En 2010, trois ans après la promulgation du Motu Proprio Summorum Pontificum, quarante ans après la parution de ces
lignes, la situation n’a pas variée.
Il faut rendre hommage, comme Jean Madiran rend hommage au cardinal Ottaviani, à celui qui écrivit dans la revue Itinéraires l’article « Sous réserve, pas plus ». Un article de 47 pages, qui indiquait l’attitude à avoir face au nouveau
rite de la messe qui entrait alors en vigueur et qui soulignait les raisons de son refus.
Le Motu Proprio Summorum Pontificum a rétabli dans son droit la messe latine, grégorienne, selon le rite codifié par le
pape saint Pie V. Il n’a pas résolu les problèmes doctrinaux soulevés par la nouvelle messe. Ils demeurent.
De ce fait, puisqu’ils ne nous appartient pas à nous laïcs de régler ce problème qui est du ressort de l’autorité, il me semble qu’une grande partie des conseils
pratiques énoncés par l’auteur de l’article, au titre d’opinion, dans le numéro de janvier 1970 (n° 139) de la Revue Itinéraires, demeure
valable.
Cet auteur écrivait, par exemple, à la page 39 de ce numéro : « Je recommande à nouveau d’étudier et de faire étudier, de méditer et de faire méditer
les pages 203 à 247 du Catéchisme du Concile de Trente (qui ne se trouvait plus alors que dans l’édition de la revue Itinéraires, en son numéro 136. Il a été depuis réédité par les éditions DMM) . Et ensuite d’apprendre par cœur les pages correspondantes du Catéchisme de S. Pie X : les pages 65 à 72 du “Petit catéchisme”, les pages 211 à 226 du “Grand Catéchisme” (là
encore, référence à l’édition d’Itinéraires, en son numéro 116). »
À la page 49 du même numéro, l’auteur de l’article « Sous réserve, pas plus » publié dans la revue
Itinéraires de janvier 1970 écrivait : « Cette messe (codifiée par saint Pie V), il faut partout continuer à l’aimer ; et
l’aimer plus que jamais ». Le conseil demeure.
Par ailleurs, le même auteur, dans le même article, prévenait (à la page 57) :
« Nous n’avons pas le vain espoir que l’on puisse un jour, en un jour, rétablir simplement par décret ce qui avait été établi par des siècles de sainteté
et qui a été interrompu par la série des décrets liturgiques entrés en vigueur du 7 mars 1965 au 30 novembre 1969. Il ne faut qu’un moment pour interrompre. Il ne faut qu’une génération de
barbares pour interrompre une tradition. Et nous voilà d’un coup au milieu d’un désert ».
Officiellement, le désert n’existe plus. Pratiquement, il n’a reculé qu’en partie. C’est pourquoi ce même auteur concluait la quatrième partie de son article en
écrivant :
« Qu’on n’imagine pas que l’on pourra aisément faire l’aller et retour d’une messe à l’autre. Ce qui est interrompu sera perdu pour longtemps. Ce qui est
brisé ne se raccommodera pas au commandement. Ce qui est arraché ne reprendra pas racine. Non, qu’on ne s’imagine pas qu’on peut bien céder pour le moment, sous la contrainte, et qu’il sera
toujours temps, à la première éclaircie, de revenir au Missel romain. Ce n’est pas vrai. Ceux qui ont la possibilité de maintenir, fût-ce à l’écart, en petits groupes, en catacombes ou en
ermitages, la liturgie romaine et le chant grégorien, en tiennent le sort historique entre leurs mains. »
Nous le voyons bien aujourd’hui. C’est pourquoi il faut saluer la mémoire de ces prêtres qui ont maintenu la messe latine et grégorienne codifiée par saint Pie V et
qui la maintiennent encore ainsi que les laïcs qui l’ont aimée, voulue, désirée et défendue.
À l’instar de l’auteur de cet article qui n’est autre que Jean Madiran lui-même.
Honneur à lui !