J’ai signalé hier, en partant de l’article de Jean Madiran publié dans Présent
du 23 juillet dernier, l’important article paru en janvier 1970 dans la revue Itinéraires sous le titre
« Sous réserve, pas plus ». J’ai présenté quelques aspects de cet éditorial parce que Jean Madiran avait attiré mon attention de simple
lecteur en faisant référence dans son article de Présent à un auteur de ce numéro de janvier 1970 d’Itinéraires, mais sans en donner le nom. Nous savons désormais que l’auteur en question n’est autre que Jean Madiran lui-même.
Ce numéro d’Itinéraires n’est pas un numéro anecdotique – et d’ailleurs aucun numéro d’Itinéraires
ne l’est. Mais celui-ci s’impose en quelque sorte à nous en ce qu’il est le numéro de l’entrée en vigueur en France, de manière obligatoire, du nouveau rite de
la messe voulu par le pape Paul VI.
D’un simple point de vue du calendrier liturgique, les choses commençaient mal, si l’on peut dire. Ce missel entrait obligatoirement en vigueur en France au début
de l’année civile et non au début de l’année liturgique. Tant mieux pour ceux qui purent encore avoir une messe traditionnelle jusqu’à la fin de l’année 1969. Pour ceux qui purent ! Car,
certains prêtres, de leur propre mouvement, avaient anticipé la célébration du nouveau rite.
L’anticipation des directives de la hiérarchie fut l’une des grosses ficelles de cette époque. Elle n’a pas complètement disparu d’ailleurs. C’est ainsi que l’on a
pu imposer à une autorité inerte et peu sure d’elle-même bien des nouveautés. C’est le cas, par exemple, des filles enfants de chœur ou de la communion dans la main. Contraires à la Tradition de
l’Église, ces nouveautés sont anticipées sur le terrain par des prêtres qui se donnent le mot pour les appliquer au même moment. De ce fait, l’autorité se sent contrainte de leur donner un statut
de loi. Formidable manœuvre révolutionnaire.
Mais revenons à ce numéro important d’Itinéraires, daté de janvier 1970.
Pour ceux d’entre nous qui n’étions pas nés ou trop jeunes pour suivre le détail de cette dramatique histoire, un petit fait historique est signalé alors par Jean Madiran. Pas en tant que tel,
pas en tant que « fait historique », aspect qu’il a pris depuis et qu’il possède à nos yeux. Ce fait repose sur une déclaration du Pape Paul VI en date du 26 novembre 1969, publiée
en italien dans l’Osservatore romano du lendemain et dans La Croix du surlendemain. Ce fait
tient en quelques phrases :
« Les prêtres qui célèbrent en latin, en privé, ou également en public dans les cas prévus par la législation, peuvent employer, jusqu’au 28 novembre 1971,
soit le Missel romain soit le rite nouveau. »
On nous a peu dit qu’il y avait eu cette possibilité offerte par l’autorité romaine. A-t-elle été utilisée ? En France, il est difficile de répondre avec
certitude. Mais il semble que le fait massif fut le passage à la nouvelle messe, au « rite nouveau » comme le dit alors le pape Paul VI.
Il fut donc pourtant possible à une époque très courte de célébrer soit dans l’un soit dans l’autre rite, du temps même de Paul VI. Cette autorisation était limitée
dans le temps. Elle était relative, traduisant dans l’Église et dans sa liturgie, ce « relativisme » que dénonce sans relâche le Pape Benoît XVI. On dira que je joue sur les mots
passant facilement du relatif au relativisme. Certes ! Mais que l’on nous explique alors comment un
missel vénérable, célébré pendant plusieurs siècles, exprimant de manière éminente la doctrine de la messe telle qu’elle fut rappelée par le Concile de Trente, a pu être d’abord mis en simple
concurrence avec un rite nouveau puis tout simplement interdit ? À ceux qui se demandent pourquoi nous avons l’air de tenir tant à cette messe au point de paraître désagréable pour ceux qui
préfèrent la forme ordinaire, nous ne pouvons que redemander pourquoi une messe fut dite pendant des siècles et donc déclarée catholique, puis autorisée pendant une certaine période avec le rite
nouveau pour enfin être interdite en pratique ?