L’un des effets collatéraux de Summorum Pontificum est d’avoir remis la «
question liturgique » au goût du jour. Plus exactement, le texte pontifical a désenclavé la réflexion liturgique d’une simple contestation du novus ordo et d’une défense de
l’usus antiquior, pour favoriser finalement un effort (lent, trop
lent, bien sûr) de réappropriation de la liturgie.
De quoi, la liturgie est-elle le nom ?
Cette simple question est, en quelque sorte, devenue la toile de fond de ceux qui n’entendent pas être autiste sur le sujet.
À côté de Summorum Pontificum, un autre texte
vient s’accrocher, pour nous conduire sur les rails de ce questionnement liturgique. Pour nous Français, il n’a rien d’évident. Pour nous catholiques, attachés aux mystères de la liturgie, au
patrimoine liturgique, au fait que nous ne sommes pas des chrétiens englués dans notre seul présent, ce texte présente déjà quelques intérêts. Mais, que dire alors des catholiques anglais ? Le
texte auquel je fais ainsi référence, c’est bien sûr Anglicanorum Cœtibus. Au numéro III de cette Constitution apostolique, le Saint-Père écrit, en effet :
« Sans exclure les célébrations de la liturgie selon le rite romain, l’ordinariat a la faculté de célébrer l’Eucharistie et les autres sacrements, la liturgie
des heures et les autres célébrations liturgiques selon les livres liturgiques propres à la tradition anglicane qui auront été approuvés par le Saint-Siège, de manière à ce que soient maintenues
au sein de l’Eglise catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un
trésor à partager. »
Comme le souligne Alcuin Reid, dans un article récent du Catholic Herald, cette affirmation de Benoît XVI avait de quoi surprendre les catholiques anglais, attachés à la liturgie catholique par refus motivé des
prières de Cramner, des bricolages liturgiques anglicans des années soixante-dix, etc.
Un livre récent d’un clerc anglican, Andrew Burnham, Heaven and Earth in little space : The re-Enchantement of Liturgy, permet d’approfondir d’une certaine manière ce que pourrait être ce « trésor à partager ».
Andrew Burnham reconnaît tout à fait les graves ambiguïtés doctrinales de la liturgie anglicane. Il se montre au courant des débats qui se déroulent au sein de
l’Église catholique entre les tenants de la forme ordinaire et ceux de la liturgie romaine traditionnelle. Il s’interroge cependant sur le manque de jeûne au sein de la discipline catholique, sur
le peu d’importance que les fêtes trouvent au sein de la vie catholique, sans parler de la musique d’Église ou la place de l’Office divin. Sur ces aspects, il est possible qu’une partie de
l’Anglicanisme, fidèle aux anciens préceptes catholiques, puisse enrichir le catholicisme actuel. Pour Burnham, en effet, si on en demande de moins en moins à ceux qui pratiquent la foi, ils la
pratiquent de moins en moins, et la foi elle-même diminue graduellement. Son analyse apparaît comme un appel à retrouver une piété liturgique et, constitue peut-être, un des premiers fruits
de Anglicanorum Cœtibus ?
C’est certainement, aussi, l’un des fruits de Summorum Pontificum, fruit qui doit être pris en compte dans le fameux bilan au terme des trois années. Sans Summorum Pontificum, y aurait-il eu Anglicanorum
Cœtibus et ce dialogue avec nos frères anglicans, autour de la question liturgique ?