C’est, aujourd’hui, à 14h30 qu’a été célébrée la messe d’enterrement de Jean-Marie Paupert (et non dans la matinée comme nous l’avions annoncé) en l’église Saint-Germain-L’Auxerois, à Paris. Dans son testament, Jean-Marie Paupert avait
stipulé qu’il voulait une messe de saint Pie V, manifestant ainsi son attachement à l’antique liturgie.
En attendant La Nef, qui publiera très certainement un numéro d’hommage à son plus célèbre collaborateur, c’est Présent de ce jour qui publie deux articles consacrés à Paupert et qui en annonce un troisième pour samedi prochain.
En page Une, Rémi Fontaine revient sur ses entretiens avec l’écrivain et sur le rôle joué par ce progressiste converti. Mais il faut surtout lire l’émouvante
page de maître Jacques Trémolet de Villers qui rappelle le talent, le courage, la fidélité de cet homme.
Je donne ici des extraits de chacun de ces articles. C’est l’occasion d’aller acheter Présent en kiosque ou de le commander auprès du journal.
De Rémi Fontaine :
« S’il fut en effet un tenant prestigieux du progressisme par des ouvrages d’une virulence singulière (dénonçant notamment les « vieillards de
chrétienté »), Paupert demeure aussi et surtout l’auteur de Péril en la demeure (France-Empire, 1979). Un témoignage intensément vécu sur la crise de l’Eglise. Œuvre rare de rétractation, ce
fut aussi un livre de cœur et de mémoire. Pavé insolite dans la mare conciliaire, lancé à la face de ses (anciens) amis, ce repentir d’un progressiste sur son propre mirage suscita de vifs remous
dans l’intelligentsia néomoderniste, qui lui opposa dès lors une indifférence de marbre.
Lui qui avait connu les honneurs médiatiques de la pensée correcte, il eut la crânerie et la loyauté de signaler, au risque du bannissement, qu’il n’acceptait
plus, « telles quelles, toutes les analyses et positions ni encore moins l’intention générale, de ses essais datés de 1961 à 1967 ». Après ce retour sur lui-même à propos des
conséquences de Vatican II et de l’aggiornamento de l’Eglise, c’est donc dans la « relégation sociologique », que l’écrivain, qui se définissait lui-même comme « un franc-tireur
partisan », poursuivit son investigation intellectuelle, tantôt avec des essais de réflexion historique, philosophique et théologique (Les Mères Patries, Les chrétiens de la déchirure…),
tantôt avec de véritables pamphlets (France tu veux crever ? Libres humeurs…).
Mais que dit et redit Paupert en substance tout au long de ces écrits multiples et multiformes ? A la manière d’un Bruck(berger) laïque, il accuse surtout
les évêques de nous avoir trompés, en abandonnant la culture catholique : « L’Eglise catholique romaine ne croyait plus en son pouvoir culturel, elle ne croyait, elle ne croit plus, en
sa culture. Ni, plus outre, à l’effet doctrinal, voire dogmatique, induit par une culture. » C’est une autre façon de dénoncer « l’hérésie du XXe siècle » : le mépris et
l’abandon de la loi naturelle par la contamination de la culture. On y retrouve l’intuition essentielle de Péguy : « Il y a une destination profonde de la culture pour la foi… Tout
éternel est tenu de prendre une inscription charnelle… La parole de Dieu : grave en hébreu, plus intelligente en grec, en latin éternel… Le temporel fournit la souche ; et si le
spirituel veut vivre, s’il veut continuer, s’il veut fleurir, s’il veut fructifier, le spirituel est forcé de s’y insérer… »
De Maître Trémolet de Villers :
« Jean-Marie Paupert ne fut pas que l’hôte amical chez qui, après des audiences d’instruction ou de débats, je pouvais souffler, en racontant, dans la
liberté de l’amitié, ce que je venais de vivre, à cinq cents mètres, de l’autre côté du bras sud de la Seine, dans l’île de la Cité, cité judiciaire. Lorsque devant la cour d’assises des
Yvelines, je dus faire la liste des témoins – témoins de moralité, témoins pour dire que cette condamnation réclamée était injuste, témoins pour plaider –, lui, le frère d’un héros de la
résistance, lui dont l’histoire était si opposée – apparemment – de celle de son compatriote, plus âgé, engagé de l’autre côté, me paraissait devoir être entendu.
Il n’opposa, à ma demande, que son horreur de l’oralité et la nécessité, pour lui, de lire un papier. Je lui répondis que ce n’était pas un obstacle mais que,
la règle étant l’oralité, le président pouvait lui demander de quitter ses notes. Pour parer à toute éventualité, il apprit son témoignage, bref, par cœur.
Le président le fit attendre, de 13 heures à 22 h 30, dans la salle des témoins, pour être sûr qu’à son passage, les jurés, épuisés, ne
comprendraient rien et que, surtout, les journalistes partis « faire leur papier » ne l’entendraient pas, ne le nommeraient pas. Robert Paxton arriva, entouré de caméras et de micros,
d’une cour à qui, déjà, avant l’autre, la cour d’assises, il fit son numéro d’homme qui, selon le mot définitif de Dominique Jamet repris de Clemenceau, « sait tout et ne comprend
rien ». Il nous refit la guerre de 40, à sa façon, comme nous aurions dû la mener, selon la stratégie de son université d’outre-Atlantique, cinquante ans après. Jean-Marie Paupert avait
connu la guerre, l’occupation, la résistance, le maquis, la Milice, les arrestations. La presse mondiale cita le témoignage de R. Paxton. Personne ne dit mot de celui de Jean-Marie Paupert. Même
l’enregistrement télévisé du procès, qui passe sur la chaîne histoire, qui se veut « intégral », mais ne l’est pas, par nécessité technique, a supprimé son
témoignage. »