Les Suisses, c’est bien connu, s’y prennent peut-être lentement, mais quand ils décident de faire quelque chose, ils le font bien. C’est ainsi qu’un groupe de
fidèles appartenant au diocèse de Sion et au territoire de juridiction de l’Abbé de Saint-Maurice, dans le canton du Valais, ont décidé de se regrouper pour obtenir de l’autorité la célébration
de la messe selon la forme extraordinaire du rite romain. Ils ont donc fondé l’APFEL, « association au sens des articles 60 et suivants du Code civil suisse, doublée d’une Association privée de fidèles au sens du Canon 215 du Code de
Droit Canon de l’Eglise catholique ».
Ils ont aussi mis sur pied un site Internet, riche de plusieurs rubriques et qui méritent d’être visité. On y trouve, outre les raisons de l’existence de cette
association, une rubrique « Missel », complétée chaque semaine. Ainsi, en ce dimanche de la Pentecôte, les oraisons et les lectures du jour sont disponibles (voir ICI). La rubrique « L’esprit de la liturgie » rassemble plusieurs textes sur la liturgie
(textes du Père Garrigou-Lagrande, de dom Gérard Calvet et de Vincent Pellegrini). La rubrique « Les arts de la liturgie » donne toute sa place au chant sacré. Enfin, la rubrique
« documents » complète l’ensemble en offrant le texte du Motu Proprio du 7 juillet 2007, de la Bulle Quo Primum, de l’hérésie anti-liturgique de dom Guéranger sans oublier les
statuts de l’association et une lettre-type à envoyer à son curé.
Ma présentation ne serait pas complète si je ne signalais les pages « adhésion » et « contact ». Mais on l’aura compris, ce site mérite une visite, voire davantage, même de la part de ceux qui ne sont pas concernés par
la célébration de la messe dans le Valais.
Je me permets de reproduire ci-dessous l’historique de cette démarche. Elle me paraît éclairante en effet de la situation générale que l’on trouve en Europe. Je
pourrais évidemment ajouter mes commentaires, mais il me semble que ce texte est éloquent en lui-même.
«Le 28 décembre 2007, sur une initiative individuelle et sans aucune publicité, à partir des seules ressources d’un carnet d’adresses personnel, 91 signatures
(recoupant des gens de Monthey, Vernayaz, St-Maurice, Martigny, Fully, Orsières ainsi que du Valais central…) étaient présentées à Mgr Joseph Roduit, Abbé de St-Maurice, lui demandant la
possibilité d’assister régulièrement à la messe selon la forme extraordinaire du rit romain, tous les dimanches et fêtes d’obligations, par exemple à la chapelle s. Jacques à St-Maurice.
Cette démarche voulait répondre à l’intention du Saint-Père et demander l’application du Motu proprio Summorum Pontificum dans une région où il n’est pas de
manifestation plus probante au monde, sans doute, de l’existence d’un groupe stable demeuré puissamment attaché à la forme extraordinaire du rit romain!
La demande était alors adressée à l’ordinaire dans un esprit dicté lui-même par le document du Saint-Père, à savoir une dynamique positive et cohérente à propos
d’une forme liturgique qui porte des valeurs que la forme ordinaire, dans les faits sinon sur le papier, a désormais fortement compromises : dimension contemplative, sens de la transcendance,
beauté-splendeur de vérité, intériorité, silence, expression de la dimension propitiatoire et sacerdotale, précision théologique, dimension artistique, etc. etc.
Riche de l’expérience profonde de cette forme liturgique, celui qui demandait ainsi l’application du Motu proprio Summorum pontificum en Valais au nom de 91 de ses
connaissances, natif de Vernayaz et ancien élève du collège de St-Maurice, s’adressait à l’Abbé de Saint-Maurice, confiant dans le fait qu’il trouverait là un écho favorable, connaissant par
ailleurs le souci liturgique qui caractérise la longue tradition de l’Abbaye et la compétence de celle-ci à entrer dans une démarche où la beauté serait au service de la prière. Il ne s’agissait
pas de demander une concession, voire un ghetto pour des “vilains intégristes”, mais la lumière et la joie sans mélange d’un héritage spirituel et culturel dont la modernité pourrait être
cruellement assoiffée.
Mgr Roduit consulta Mgr Brunner, évêque de Sion. Des discussions s’en suivirent avec les deux prélats, ainsi qu’avec Mgr Vouilloz alors Prévôt du
Grand-Saint-Bernard, sans grand résultat.
Il faut le reconnaître – il est inutile de faire semblant de ne pas le constater – une opposition de principe retint nos prélats. Mgr Brunner nous l’a formellement
dit : il est “contre” le Motu proprio du Pape.
Nous avons donc rencontré une forme de résistance ne trouvant pas à se formuler clairement, mais résistance effective, et le temps a passé, avec à chaque fois un
nouvel ajournement d’une décision… Notre demande n’était pas comprise. Il fallait, hélas, constater, lors de ces discussions, quelques préjugés et caricatures bien malheureuses à propos de
cette forme liturgique, auxquels nous ne nous attendions pas dans la bouche de l’autorité. Bref, loin de rencontrer une attitude de coopération, comme sincèrement nous l’espérions, nous avons
pris acte d’une incompréhension de fond et d’une distance culturelle inattendue.
Que faire ? Nous avons insisté, argumenté, soulevé la nécessaire exigence d’appliquer la volonté du Pape même s’ils avaient des réticences personnelles, et
finalement avancé l’argument d’autorité.
Nos prélats ont alors exigé – faute de mieux – que nous procédions selon la lettre du document du Pape qui, en effet, ne prévoyait pas a priori que l’Ordinaire du
lieu exerce son autorité pour une telle demande, puisqu’il en accordait le droit et la compétence à chaque prêtre, sans même que celui-ci ne doive en réfèrer à son évêque. Soit, puisque telle est
la volonté de l’Ordinaire en Valais, nous nous adresserons directement aux curés.
Néanmoins, face à ce déroulement peu engageant et devant une résistance que nous n’avions pas escomptée, nous avons pris la mesure d’une réalité qui pourrait se
formuler en deux points :
– la forme extraordinaire du rit romain est victime d’une somme de discrédits de toutes sortes (rite désuet, les fidèles ne participent pas, liturgie difficile
d’accès, impopulaire, austère, qu’on ne comprend pas…) de la part d’une autorité qui, de fait, n’en connait plus du tout, ni l’esprit, ni la lettre, et n’en retient qu’une imagerie
dépréciative. Un oubli de quarante ans ne se répare pas, dans les faits, par un seul document pontifical, aussi puissant et prophétique soit-il, a fortiori lorsqu’il est reçu sans conviction,
voire dans un désavoeu avoué – si j’ose la formule.
–par ailleurs, la plupart des fidèles, souvent victimes de l’oubli et de l’ignorance, voire de la même imagerie dépréciative, ne peuvent pas demander à leur curé ce
qu’ils ne connaissent pas, n’ont jamais connu.
Alors que faire ?
Eh bien, en même temps que nous voulons solliciter de nos évêques l’application du Motu proprio Summorum pontificum, il est urgent d’informer, de montrer,
de rayonner, de défendre et illustrer la beauté éblouissante, la richesse insoupçonnée et la profondeur tout à fait moderne de la forme extraordinaire du rit romain – auprès des curés de
paroisses, auprès des laïcs, et cela du point de vue théologique, ascétique, liturgique, historique, artistique… Soit, puisque ces démarches nous en ont montré le chemin, c’est cela que, avec
l’aide de Dieu, nous ferons ! Pour faire appliquer la volonté du Pape en Valais, plus que d’un groupe stable de demandeurs qui existait dès le premier jour de notre démarche auprès de l’autorité,
il fallait convaincre. Et pour convaincre, il suffit de “montrer” ce rit, dans toute sa cohérence. Nous ferons donc la promotion de ce rit. »
Bon dimanche de la Pentecôte.