Le 1er mars dernier, le Père Jehan de Belleville, premier compagnon de dom Gérard, a célébré une messe de Requiem pour le repos de l’âme du fondateur de l’abbaye du
Barroux. À cette occasion, il a publié un texte sur le site des Bénédictins, texte qui mérite d’être lu.
Je l’appelle pour ma part la déclaration d’intention des Bénédictins de l’Immaculée. Il indique leur ancrage spirituel, leur fidélité liturgique, leur filiation,
trois axes qui font d’eux des moines anti-modernes dans un monde en perdition.
S’il n’y a pas d’Église sans évêques, sans prêtres et, bien sûr, sans le Pape, il n’y a pas non plus d’Église sans moines. On retrouve à Villatalla, dans la
difficulté propre à une fondation, un peu de la grâce de Bédoin, mais dans des circonstances bien plus difficiles, paradoxalement. À l’époque de Bédoin, la crise de l’Église était tellement
visible que le choix de la fidélité liturgique et monastique pouvait séduire peut-être plus facilement des jeunes gens. Aujourd’hui, la possibilité de choisir une voie traditionnelle est plus
large, plus facile et demande, paradoxalement, moins de générosité. Or, la générosité d’une fondation est une générosité héroïque et l’on peut se demander aujourd’hui si la jeunesse est toujours
capable d’héroïsme, au sens de Paul Claudel dans sa lettre à Jacques Rivière : « Ne croyez pas ceux qui vous disent que la jeunesse est faites pour s’amuser, la jeunesse n’est pas
faite pour le plaisir, elle est faite pour l’héroïsme ».
Je ne suis pas placé pour répondre. En revanche, je puis dire que nous avons des moines bénédictins. Nous avons besoin de Villatalla, comme nous avons besoin du
Barroux, de Bellaigue. Mais Villatalla a cette odeur si particulière, si fraiche, si passionnante de l’aventure monastique.
En attendant voici un extrait de cette « déclaration d’intention » à lire en intégralité sur le site des Bénédictins de l’Immaculée.
« Nous désirons de toutes nos forces ici à Villatalla vivre, dans sa pureté, la grâce monastique et liturgique que Dom Gérard reçut à Bedoin en 1970, qu’il sut
défendre et transmettre par l’exemple et par la parole dont il avait le charisme : grâce fondatrice dont je fus un témoin privilégié comme étant son premier compagnon et disciple et qui se résume
dans la quête inlassable de la vie intérieure alimentée à la source d’une part, de la Règle de saint Benoît et des coutumes léguées par nos anciens et, d’autre part, de la traditionnelle et
divine liturgie.
« Par souci d’unité interne de la Communauté, qu’on ne concélèbre pas selon le rite de Paul VI, même à l’extérieur.» (D. Gérard, 25 avril 1997.)
35 ans après, confronté à un mouvement de contestation, il protestera avec force : «Je répète que je n’ai jamais, au grand jamais, voulu introduire l’usage du
nouveau rite. Non seulement je ne l’ai pas voulu mais pendant trente ans nous avons tenu le cap, formé la communauté dans le sens de cette fidélité, en bravant les interdits, changés aujourd’hui
en gracieuses permissions, agrémentées de félicitations en haut lieu».
C’est par cette double fidélité monastique et liturgique, en effet, que la vie intérieure établit peu à peu son royaume dans nos âmes, telle était sa conviction
profonde. C’est donc aussi par cette double fidélité que nous lui témoignerons une authentique piété filiale. Une authentique piété filiale qui, comme le souligne Jean Madiran, ne consiste pas
seulement «à se savoir débiteur insolvable dans son être même», mais «à savoir aussi que le patrimoine reçu est pour le transmettre et non pour en disposer».
La piété filiale n’est pas un “revêtement accessoire” de la vie monastique mais une “condition de sa survie”. Et les propos sévères mais combien vrais, hélas! de
Madiran sur l’impiété à l’égard de la patrie s’appliquent tout autant et a fortiori à l’impiété religieuse :
«Car l’impie, négligent ou indifférent à l’égard de la vie intellectuelle et morale qu’il a reçue, et qui pourtant constitue son être, l’impie ingrat à l’endroit de
ceux qui ont nourri et armé son âme, sera en cela très impropre à transmettre à son tour cette immatérielle richesse. Influent, comme on l’est toujours, par son être plus que par ses discours, il
transmettra surtout sa propre indifférence, sa propre ingratitude. Il respirera et inspirera un esprit de méconnaissance du patrimoine moral de la patrie. Si l’on honore pas, on commence à
négliger. On devient indifférent. On se trouvera désarmé en face de la dérision et du mépris qui tôt ou tard cesseront de ramper, s’élèveront au premier rang et se mettront à parler haut sans
être refoulés». (Jean Madiran, Une Civilisation Blessée au Cœur, p. 34.)
.