L’association Paix liturgique vient de publier dans sa dernière lettre un document très important signé de Mgr Malcolm Ranjith,
aujourd’hui archevêque de Colombo, après avoir occupé le poste de Secrétaire de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. On se reportera sur le site de Paix liturgique pour lire les très intéressants commentaires de cette association concernant le texte que l’on peut lire
ci-dessous.
À ces commentaires, j’aimerais apporter les miens, plus modestes, d’une portée certainement moins universelle mais qui permettra éventuellement de mieux saisir ce que représente le
document ci-dessous.
D’après les informations recueillis par mes informateurs romains, Mgr Malcolm Ranjith, quand il était encore pour quelques mois secrétaire du Culte divin avait laissé entendre qu’il
souhait partir de Rome car il ne se sentait pas assez soutenu dans ses efforts de rénovation liturgique. À ces occasions, il avait annoncé que s’il devenait bien archevêque de Colombo,
comme le bruit courait alors, il prendrait le plus rapidement possible des mesures concrètes concernant la liturgie, estimant qu’il devait être exemplaire de ce point de vue. Ces mesures
les voici. On notera qu’elles datent du 7 octobre dernier, fête du Très Saint Rosaire, fête mariale célébrant la victoire de Lépante. Mgr Ranjith a été nommé par le Saint-Père archevêque
de Colombo le 16 juin 2009. Il était alors à Rome. C’est donc très rapidemment que le prélat a pris ses décisions.
Né à Polgahawela au Sri-Lanka le 15 novembre 1947, Mgr Albert Malcolm Ranjith Patabendige Don a suivi ses études au collège de La Salle de Mutwal, au
séminaire Saint-Aloysius de Borella puis au séminaire national d’Ampitiya ainsi qu’à l’Université pontificale urbanienne de Rome. Titulaire d’un baccalauréat en théologie, d’une licence
en écriture sainte et d’un certificat en études bibliques à l’Université hébraïque de Jérusalem, il a été ordonné prêtre le 29 juin 1975 par le pape Paul VI.
Le Pape Jean-Paul II le nomme d’abord, le 17 juin 1991, évêque auxiliaire de Colombo avec le titre d’évêque de Cabarsussi. Il est sacré évêque le 31 août suivant. En 1995, il devient
le premier évêque de Ratnapura.
Mais c’est le 1er octobre 2001 que sa carrière bifurque. Il rejoint alors la curie romaine en tant que secrétaire adjoint de la congrégation pour l’évangélisation des peuples avant d’être
nommé le 29 avril 2004 à Djakarta comme nonce apostolique en Indonésie et au Timor Oriental avec le titre d’archevêque titulaire de Umbriatico.
Benoît XVI le rappelle le 10 décembre 2005 à Rome pour occuper le poste de secrétaire de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Il est considéré comme
un homme du pape, partageant ses vues en matière liturgique. Mgr Malcolm Ranjith est un homme d’envergure international. Il connaît dix langues : le cingalais, le tamoul, l’anglais,
l’italien, l’allemand, le français, l’hébreu, le grec, le latin et l’espagnol.
C’est aussi un homme de caractère, désireux d’avancer, au service d’objectif précis, notamment la restauration liturgique. On dit qu’il n’a pas hésité, malgré leur grande amitié
réciprique, à faire des remontrances privées au cardinal Schönborn au sujet de fantaisies liturgiques auxquelles s’était prêté l’archevêque de Vienne. L’Église gagnerait énormément à le
voir devenir cardinal.
Document
Très Révérend Docteur Malcolm Ranjith
Par la grâce de Dieu et la grâce du Saint-Siège
Archevêque de Colombo
7 octobre 2009
À tous les Révérends Pères, Frères, Sœurs, et les fidèles laïcs du diocèse de Colombo
Chers Frères et Sœurs,
Ces derniers temps un certain nombre de mouvements de renouveau catholique et de personnes ont conduit de multiples exercices paraliturgiques en dehors du
calendrier paroissial habituel. Tout en appréciant les nombreuses conversions, la valeur de témoignage, l’enthousiasme renouvelé pour la prière, la participation dynamique et la soif de
la Parole de Dieu, je suis, en tant qu’évêque diocésain et intendant général des mystères de Dieu dans l’Église locale confiée à mes soins, le modérateur, le promoteur et le gardien de la
vie liturgique de l’archidiocèse de Colombo ; à ce titre, je sollicite donc votre bienveillante attention sur les aspects liturgiques et ecclésiologiques liés à cette nouvelle situation
et vous prie instamment de respecter les directives énoncées dans la présente circulaire à effet immédiat.
I. L’Eucharistie est la célébration du Mystère pascal par excellence donné à l’Église par Jésus-Christ Lui-même. Jésus-Christ est le commencement de toute
liturgie dans l’Église et à ce titre toute liturgie est donc essentiellement d’origine divine. Elle est l’exercice de Sa fonction sacerdotale et par conséquent n’est certainement pas une
simple entreprise humaine ou une pieuse innovation. En fait, il est inexact de l’appeler une simple célébration de la vie. Elle est beaucoup plus que cela. Elle est la source et le sommet
à partir desquels toutes les grâces divines arrosent l’Église. Ce très sacré mystère a été confié aux Apôtres par le Seigneur, et l’Église en a soigneusement préservé la célébration au
cours des siècles, donnant ainsi naissance à une tradition sacrée et une théologie qui ne cèdent pas à l’interprétation individuelle ou privée. Par conséquent, aucun prêtre, qu’il soit
diocésain ou religieux, ou invité de l’extérieur de l’archidiocèse voire de l’étranger, n’est autorisé à modifier, ajouter ou retrancher quoi que ce soit dans le rite sacré de la messe.
Ceci n’est pas nouveau mais a été établi en 1963 par la Constitution Sacrosanctum Concilium (22.3), la constitution dogmatique sur la sainte liturgie du Concile Vatican II, et a été plus
tard réitéré à maintes reprises dans des documents comme Sacramentum Caritatis de Sa Sainteté Benoît XVI et Ecclesia de Eucharistia du Pape Jean-Paul II de vénérée mémoire.
À cet égard, certains éléments devraient être explicitement mentionnés :
1. Les prêtres ne sont pas autorisés à modifier ni à improviser la Prière eucharistique ou d’autres prières immuables de la Messe – même s’il s’agit de
donner des précisions sur un élément déjà présent – en chantant des refrains différents ou des explications diverses. Nous devons comprendre que la liturgie de l’Église est étroitement
liée à sa foi et à sa tradition : “Lex orandi, lex credendi”, la règle de la prière est la règle de la foi ! C’est le Seigneur qui nous a donné la liturgie et personne d’autre ; personne
d’autre n’a donc le droit de la changer.
2. Les manifestations du type “Praise and Worship” (littéralement “louange et adoration” mais il s’agit ici d’un courant musical de style gospel, NdT) ne
sont pas permises au cours de l’ensemble du rite de la Messe. La musique désordonnée et assourdissante, les claquements de mains, les longues interventions et les gestes qui perturbent la
sobriété de la célébration ne sont pas autorisés. Il est très important que nous comprenions la sensibilité culturelle religieuse du peuple sri-lankais. La majorité de nos compatriotes
sont bouddhistes et à ce titre habitués à un culte profondément sobre ; pour leur part, ni les musulmans ni les hindous ne créent d’agitation dans leur prière. En outre, il existe dans
notre pays une forte opposition envers les sectes fondamentalistes chrétiennes et nous nous battons, en tant que catholiques, pour faire comprendre que les catholiques sont différents de
ces sectes. Or, certains de ces soi-disant exercices de louange et d’adoration ressemblent plus à des exercices religieux fondamentalistes qu’au culte catholique romain. Qu’il nous soit
permis de respecter notre diversité culturelle et notre sensibilité.
3. La Parole de Dieu prescrite ne peut être changée au hasard et le psaume responsorial doit être chanté et non remplacé par des cantiques de méditation. La
dimension contemplative de la Parole de Dieu est d’une importance capitale. Dans certains des services paraliturgiques, les gens ont tendance aujourd’hui à devenir extrêmement verbeux et
bavards. Dieu parle, nous devons L’écouter ; et, pour bien écouter, le silence et la méditation sont plus nécessaires que l’exubérance cacophonique.
4. Les prêtres doivent prêcher la Parole de Dieu sur les mystères liturgiques célébrés. Il est strictement interdit aux laïcs de prêcher lors des
célébrations liturgiques.
5. La Très Sainte Eucharistie doit être administrée avec le plus grand soin et le plus grand respect, et ce uniquement par ceux qui sont autorisés à le
faire. Tous les ministres, habituels comme extraordinaires, doivent être revêtus des ornements liturgiques corrects. Je recommande à tous les fidèles, y compris aux religieux, de
communier avec respect, à genoux et sur la langue. La pratique de l’auto-communion est interdite et je demanderais humblement à tout prêtre qui la permettrait de suspendre immédiatement
cette pratique.
6. Tous les prêtres sont censés suivre le rite de la Messe tel qu’il est stipulé, afin qu’il n’y ait pas lieu de comparer et d’opposer les messes célébrées
par certains prêtres aux autres messes dites par le reste des prêtres.
8. Les bénédictions liturgiques sont réservés uniquement aux ministres de la liturgie, c’est-à-dire : les évêques, les prêtres et les diacres. Tout le monde
peut prier pour l’autre. Mais il est instamment recommandé de ne pas utiliser de gestes pouvant porter à l’illusion, à la confusion ou à une mauvaise interprétation.