Troisième partie de l’étude d’Antoine – que je remercie une nouvelle fois pour sa contribution – en réponse à mes questions sur le développement organique de la
liturgie, qui entre en complément de celles que j’ai posées sur la réforme de la réforme. Je rappelle qu’il s’agit ici d’une réponse dans le cadre d’un débat et que dans celui-ci les laïcs ont
brillé par leur présence et leur volonté d’y participer. Merci à ceux qui ont pris cette peine et ce temps.
Suite de la contribution d’Antoine. Les parties précédentes de sa réponse se trouvent ICI et LÀ :
rend compte que si le code de 1917 en matière liturgique est sibyllin et celui de 1983 semble ouvrir plus de perspectives aux évêques, il convient cependant de tempérer ce jugement hâtif : en
effet, le code de 1983 fait un paquet global de la question liturgique dans un même chapitre. En revanche, le code de 1917 admet aussi des exceptions au canon 1257 en reconnaissant certains
pouvoirs aux évêques mais ces exceptions sont disséminées plus loin dans le code par exemple 1259 et surtout 1261 :
§ 1 Les Ordinaires des lieux doivent veiller à ce que les prescriptions des saints canons soient observées avec
soin, et surtout que dans le culte divin, soit public soit privé, ou dans la vie quotidienne des fidèles, aucune pratique superstitieuse ne soit introduite, ou ne soit admis quoi que ce soit
d’étranger à la foi, de contraire à la tradition ecclésiastique, ou qui présente quelque apparence de profit honteux.
§ 2 Si l’Ordinaire du lieu a porté sur ce sujet des lois pour son territoire, tous les religieux, même exempts,
ont l’obligation de les observer, et il peut visiter à cette fin leurs églises ou oratoires publics.
Ce canon semble admettre la possibilité pour l’évêque de légiférer en matière liturgique “pour son territoire” mais
dans le respect de des saints canons, de la foi et de la “tradition ecclésiastique”… Est-ce très différent du code de 1983 ? Il ne le semble pas car le canon 838 du nouveau code prévoit à la
fois que l’évêque possède une compétence liturgique “selon le droit” (sous entendu dans les limites du droit canon et du présent code) et dans les limites de sa compétence (prévue par le même
code). Ainsi, légalement, le nouveau code ne semble pas introduire de novation ni d’élargissement dans le pouvoir des évêques résidentiels. En revanche, l’imprécision des rubriques liturgiques du
nouveau missel là où l’ancien ne laissait pas la place à l’improvisation, a engendré la diversité liturgique que nous connaissons, mais principalement parce que les équipes liturgiques en ont
fait à leur tête et parce que les évêques et les curés ont péché en oubliant de rappelé les principes du droit liturgique : le respect des règles générales manifestant l’unité de l’Eglise dans la
foi, l’uniformité transrégionale…
Et puis surtout, chaque paroisse a cru que la constitution SC était écrite pour les individus alors qu’elle ne fait
que poser les obligations qui s’imposent au Saint Siège en matière d’évolution liturgique. Du coup, on a cru que le “développement organique” était un objectif alors qu’il n’était en réalité
qu’un constat des évolutions.
De fait, c’est Mediator Dei qui comporte, à mon sens, une définition du
développement organique ! En effet, la phrase citée traite du développement de la liturgie de l’Eglise, qui est un organisme qui se développe en ce qui regarde la liturgie… Ainsi, le
développement organique, c’est le développement qui concerne l’organisme, et c’est ainsi qu’il faudrait comprendre SC 23 au regard de la tradition apostolique…
Et il faut lire la suite pour comprendre quels développements organiques sont admis pas Pie XII et lesquels il faut rejeter.
Pour ce pape, l’Eglise (et elle seule, pas des personnes privées fussent-elles prêtres) modifie les rites en raison des précisions apportées à la doctrine, des modifications disciplinaires, des
pratiques de piété extra-liturgiques ou même du développement des beaux-arts ! Pour cela, Elle n’hésite pas à “demander des éclaircissements aux vénérables rites transmis depuis
l’antiquité”…
On le voit : le développement organique, c’est le développement de l’organisme de l’Eglise dans le domaine liturgique et selon
les axes énumérés, conformément à la doctrine et à la Tradition de l’Eglise. Cela est la thèse développée par Mediator Dei -MD- de Pie XII. Et est-ce très différent dans SC de Vatican II
?
Reprenons les n° 21, 22 et 23 de cette constitution (après avoir relu les n° précédents qui rappellent que la liturgie trouve
son apogée dans la messe, et cela dans les mêmes termes que MD avec une allusion très directe à cette encyclique de Pie XII au n° 5) :
“la liturgie comporte une partie immuable, celle qui est d’institution divine, et des parties sujettes au
changement” c’est une affirmation identique à MD… Ainsi les changements ne peuvent affecter que les apports humains de la liturgie d’essence
divine.
“Le gouvernement de la liturgie dépend uniquement de l’autorité de l’Église: il appartient au Siège apostolique et, dans les
règles du droit, à l’évêque” : cela est conforme au code de 1983 qui rappelle que l’évêque ne peut intervenir que dans les limites fixées par le
Saint Siège : donc l’autorité en matière de liturgie appartient au Saint Siège et elle peut être éventuellement déléguée à l’évêque sur certains aspects et dans des limites rigoureusement
fixées.
“Afin que soit maintenue la saine tradition, et que pourtant la voie soit ouverte à un progrès légitime, pour chacune des
parties de la liturgie qui sont à réviser il faudra toujours commencer par une soigneuse étude théologique, historique, pastorale” à rapprocher de
MD : “Progrès et développement de la liturgie : L’Église est un organisme vivant, donc, même en ce qui regarde la liturgie sacrée elle croît, se développe, évolue, et s’accommode aux formes
que requièrent les nécessités et les circonstances au cours des temps”. »