prêtres (à part un) qui ont donné leur avis. Manque de temps ? Manque de réflexion sur le sujet ? Le débat sur l’Épiphanie a montré, au contraire, qu’ils avaient le temps de répondre et que la
réflexion – passionnante – ne manquait pas.
Une nouvelle contribution signée Henri
« Votre correspondant a bien évidemment raison (on ne le soulignera jamais assez) de souligner que les déviances ont commencé avant le Concile : “l’esprit du concile” commence avec le mouvement
liturgique au début du XXe siècle, et il a raison d’en souligner les nombreux abus, notamment dans le scoutisme et à la guerre (mais pour ce dernier cas, la situation est… extraordinaire : nul
ne songera, je pense, à reprocher à des prêtres asiatiques emprisonnés des années durant d’avoir “célébré l’Eucharistie” dans des conditions qui ordinairement seraient choquantes !).
Tout comme la Révolution – pardon pour la comparaison… -, le Concile (ou plutôt son “esprit”) n’est pas né en 1962 : il est l’aboutissement de dizaines d’années de (dé)formation dans les
séminaires, où les prêtres (le correspondant en parle très à propos : c’est le clergé qui est responsable) apprenaient des lois, liturgiques comme disciplinaires (cf. notamment le célibat), sans
en comprendre le sens. Hélàs, au lieu de le rechercher, ils envoyèrent tout “balader”. Certes, il ne leur était sans doute plus enseigné, mais cela n’est pas une excuse. Nos jeunes séminaristes
diocésains se rendent souvent compte (encore le “sensus fidelium”) que l’on ne leur dit pas tout (voire qu’on leur dit le contraire) de l’enseignement de la Sainte Eglise, et ils sont nombreux à
partir en investigation dans les documents du Magistère, seuls et de leur côté : je connais d’ailleurs des prêtres qui se sont ainsi formés “seuls” à l’école du Magistère.
Par contre, notre ami a tort, à mon humble avis, de défendre coûte que coûte la pleine continuité et la simplification extrême de la nouvelle liturgie, car la question n’est pas qu’une question
de missel, mais de liturgie (sacrements, sacramentaux, discipline…). Nous ne disons pas que la nouvelle liturgie ne peut pas être célébrée dignement. Oui, cher correspondant, la liturgie
traditionnelle peut être bafouée par des prêtres la célébrant avec “l’esprit du concile”, et la nouvelle peut être réhaussée par des prêtres la célébrant avec l’esprit de l’ancienne : et il est
bien évident qu’il sera préférable d’assister à court terme, hic et nunc, à la seconde. Mais Sa Sainteté souhaite “la réforme de la réforme” car la nouvelle liturgie pèche en son essence : sinon,
il suffirait de dire : célébrons-la strictement selon les rubriques de 1969, et alors, nul besoin d’une réforme de la réforme ! Qui contestera le fait qu’il y a plus de manières de célébrer la
nouvelle liturgie que l’ancienne ? Pour cette dernière, il n’y en a qu’une, et toute improvisation sautera aux yeux, comme notre correspondant en témoigne lui-même.
Encore quelques remarques quant à l’article :
-Quant à la Fraternité Saint-Pie X : elle n’est pas LE modèle de célébrer la forme extraordinaire, même si cette dernière lui doit beaucoup quant à sa reconnaissance aujourd’hui.
-Quant aux cantiques : il n’appartiennent pas à l’essence de la liturgie, en tout cas traditionnelle : ils ne figureront jamais dans les missels, mais accompagnent les encensements et moments de
récitation silencieuse du prêtre. Mais leur importance pastorale peut être importante, et saint Louis-Marie les faisait apprendre aux fidèles surtout pour qu’ils s’en souviennent au cours de
leurs journées et qu’ils prient ainsi “sans cesse” comme le demande Notre Seigneur, en remplaçant des chants profanes parfois contraires à la foi ou aux bonnes moeurs.
-Quant aux réformes tridentines : rappelons que les réformes de S. Pie V sont minimes : institutionnalisation du dernier évangile (déjà répandu), suppression de préfaces anciennes mais trop
nombreuses (mais dont le Saint-Père veut enrichir de nouveau la Sainte Eglise), et quelques autres. Fêtes et offices propres (bréviaire) sont effectivement partie intégrante du développement
organique de la liturgie, selon la spiritualité propre de chaque époque (pensons au chemin de croix, aux fêtes mariales, etc.).
Même si elle peut être mal célébrée et bafouée dans l’application (qui sera alors ouvertement contraire à l’esprit traditionnel, bien manifesté à travers les rubriques), la liturgie
traditionnelle reste objectivement un joyau : qu’est-il besoin de tout vouloir réformer comme ce fut la volonté expresse au Concile ? Cela était surtout la volonté de ce jeune clergé qui ne
comprenait pas l’esprit traditionnel de la liturgie. La nouvelle liturgie, même bien célébrée, reste – quoique digne – essentiellement déficiante : amoureux de la liturgie traditionnelle, ce
m’est davantage un calvaire (le mot est sans doute un peu trop fort) de servir la nouvelle liturgie en latin qu’en français : cette dernière est ouvertement différente, alors que la première, que
beaucoup veulent nous faire croire similaire (“même un tradi s’y laisserait prendre”), révèle davantage toutes ses suppressions (les fameux “doublons” d’une Eglise Mère et Maîtresse en pédagogie
!) et déplacements arbitraires (comme la bénédiction ou l’imposition des mains sur les offrandes, dont personne ne comprend au juste le sens). Cette “ressemblance” dont parle notre ami en reste
là : ce n’en est qu’un pâle décalque, arbitraire, de plus. Personnellement, je ne m’y laisse pas prendre : je souffre de sa pauvreté (marque essentielle), de ses déficiances (dont la première est
cette porte ouverte à tous les abus, même si, effectivement, les prêtres respectueux ne l’enfonceront pas) et je reste sans voix devant la “noble simplicité” dont parle le Concile… Même sans
violation des règles et des rubriques, la nouvelle liturgie a un très grand et urgent (pensons aux conséquences pour les âmes, comme une nourriture pas assez consistante pour le corps) besoin
d’être revu. Une Messe extraordinaire (dans tous les sens du terme) privée manifeste la noble simplicité de la liturgie selon l’esprit traditionnel de l’Eglise. D’ailleurs, qu’il est compliqué de
préparer (je pense particulièrement au lectionnaire et au missel) une Messe dans la forme ordinaire, quand on ne suit pas exactement son rythme ! (année telle, lectures fériales avec oraisons
festives) : parfois deux ou trois livres liturgiques.
Notre ami souligne l’importance de l’humilité (la vertu nécessaire pour la sainteté selon le S. Curé d’Ars : “l’humilité”, et après ? “l’humilité”, et enfin ? “l’humilité”) avec grande raison :
cette humilité consiste avant tout à vouloir recevoir de la Sainte Eglise par sa liturgie si pédagogique, avant de vouloir à tout prix lui demander d’en changer. C’est l’Eglise qui doit être le
levain dans la pâte du monde, non le contraire, comme on ne le voit que trop aujourd’hui ; et je le concède, même dans l’application de la liturgie traditionnelle.
Celle-ci est un tel trésor, dont vivent aujourd’hui de plus en plus de fidèles, qu’elle est un remède à l’individualisme triomphant évoqué et à la soif de “changements à tout prix” : “Marthe,
Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses ; une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée” (Lc X, 42). Je crois du fond de mon âme que
Marthe est la nouvelle liturgie – je rappelle que la liturgie n’est pas que la Messe mais également tout une manière de penser et de vivre – et que Marie est ici la liturgie traditionnelle, si
vous me concédez, chers amis, ce sens accommodatice !
Avec mes prières pour le refleurissement liturgique de nos vies, par la lecture notamment de l’incontournable “L’âme de tout apostolat” de Dom Chautard.
Henri
P.S. : Je présente mes excuses à notre correspondant : il trouvera peut-être que je manque d’arguments comme mes confrères, mais le temps (et l’esprit, le mien cette fois !) me
manquent. De nombreuses études existent déjà sur le sujet, et je vous renvoie aux nombreuses études du C.I.E.L. »