À la tête de la commission romaine, ou plutôt comme
modérateur des discussions entamées avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X se trouve un personnage clef en la personne de Mgr Guido Pozzo. Jusqu’à sa nomination par le pape
Benoît XVI au poste de secrétaire de la commission Ecclesia Dei, son nom n’était visiblement pas apparu dans les questions touchant à la mouvance traditionaliste ou à la question de la messe
selon l’antique rite romain. L’échec de la stratégie du cardinal Castrillon Hoyos – dû en grande partie à l’affaire Williamson – a projeté indirectement Mgr Pozzo sur le devant de la scène. En
réorganisant la commission Ecclesia Dei, en la plaçant sous l’autorité de la Congrégation pour la Doctrine de la foi et de son préfet, le cardinal Levada, Benoît XVI a également décidé de
faire appel à une nouvelle génération d’hommes. Nouvelle non d’abord et principalement par l’âge, mais nouvelle parce que cette génération n’avait pas été chargée jusqu’ici des affaires relevant
d’Ecclesia Dei.
Mais pourquoi Mgr Pozzo ? La réponse, en un sens, est très simple. Parce que le pape le connaît depuis longtemps. Ce choix est révélateur d’une
politique ; pour la question traditionaliste, touchant le règlement de l’affaire d’Ecône, et plus largement pour la mise en pratique du motu proprio Summorum pontificum, point clef de la stratégie papale, Benoît XVI a voulu des hommes à lui. Entendons : des hommes qu’il connaît bien et sur lequel il pourra s’appuyer. Des hommes
aussi empreints d’une réelle force de caractère, tout en étant des serviteurs zélés de la pensée du Pape. C’est, à gros trait, le portrait de Mgr Guido Pozzo.
C’est à la congrégation pour la Doctrine de la foi que le cardinal Ratzinger, qui en était le préfet, a connu Mgr Pozzo. Les deux hommes ont appris à travailler
ensemble et à se connaître. À partir de 2005, Mgr Pozzo a travaillé avec le cardinal Levada, qu’il connaît bien aussi.
Né en 1951, dans le diocèse de Trieste, Mgr Pozzo a été ordonné prêtre en 1977. Dix ans plus tard, il rejoignait la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Il est
aussi secrétaire adjoint de la Commission théologique internationale et professeur à l’Université du Latran. Pour reprendre une terminologie utilisée en Italie par Roberto de Mattei, il
appartient à la « nouvelle école romaine ». Il serait un proche de Mgr Brunero Gherardini, auteur d’un livre récent sur le concile Vatican II, livre qui devrait d’ailleurs paraître
bientôt en France.
Il ne cache pas aujourd’hui avoir toujours manifesté un grand intérêt, et même une certaine connivence spirituelle, envers la liturgie pré-conciliaire. Ce
point ne devait pas être ignoré de Benoît XVI et c’est plus qu’un détail. La cheville ouvrière de la commission Ecclesia Dei, aujourd’hui, est un homme qui apprécie l’objet même de son
travail, à savoir la messe traditionnelle et la place qui lui revient de droit. Mgr Pozzo ne ralentira pas les efforts en vue du Motu proprio, bien au contraire. Il y mettra toute son énergie,
d’autant plus qu’il est un homme énergique et méthodique. S’il entend appliquer et faire appliquer le motu proprio, tout le motu proprio mais rien que le motu proprio – ce qui est déjà énorme –,
il a bien perçu et intégré dans son champ de vision que Summorum ponitificum a fait passer la situation de la messe d’un état de tolérance – motu proprio Ecclesia Dei de Jean-Paul II – à
un état de droit.
Cependant, un autre aspect, qui est loin d’être mineur, le rendait particulièrement apte à prendre la tête d’Ecclesia Dei et à être le modérateur de la commission
romaine lors des discussions avec la Fraternité Saint-Pie X. Mgr Pozzo n’est pas un tenant de la théorie de l’enfouissement ni de celle de l’ouverture au monde. Il n’hésite à déclarer qu’il
attache une grande importance au renforcement de la Tradition catholique et à l’expression de sa visibilité à travers les marques de l’identité catholique dans notre civilisation. Le Figaro du 8
juillet lui attribue ses propos : « Le point faible de l’Église est son identité catholique souvent pas claire ». De ce fait, pour Mgr Pozzo,:
« Ce n’est pas en renonçant à sa propre identité que l’Église se mettra dans de meilleures conditions pour dialoguer avec le monde, c’est exactement le contraire ». Mais sa conclusion est aussi très intéressante, au regard des discussions doctrinales : « Nous avons besoin de sortir de cette illusion optimiste, quasi
irénique, qui a caractérisé l’après-concile ».
De fait, sa formation de théologien – il a enseigné à l’université du Latran – le rend sensible aux controverses et aux problèmes posés par les points
contestés de Vatican II et par la juste interprétation qu’il faut donner à chacun des documents conciliaires. On le présente, sur ce point, comme un spécialiste des degrés d’autorité ou «
notes théologiques » que l’on peut attribuer aux documents doctrinaux. Un aspect essentiel dans le cadre des discussions doctrinales avec la Fraternité Saint-Pie X.