Par hasard, je suis tombé sur le blog « e-dito, le Cabinet de Curiosités de
Christian Gatard. » J’y ai trouvé ce que va lire qui exprime le terrible constat de la dramatique crise de l’Église.
« Quand on parle de catholicisme en se référant aux cathédrales, à Blaise Pascal ou aux récits de Chesterton, je puis entrevoir quelques puits de lumière ;
mais c’est à condition de ne les rattacher en rien aux messes, aux séances de catéchisme, aux processions et à la parole des prêtres, telles que j’ai pu les expérimenter. L’insignifiance dominait
tout. »
Quelle fut cette exprience ? La voici :
« Plus que tout je retrouve, si je fais la plongée dans le temps et dans l’oubli spirale, le bourdonnement des cantiques et des chants pieux, d’une pauvreté
textuelle qui semblaient souffleter l’effort de nos professeurs de français pour nous initier aux charmes des fables de La Fontaine et plus tard, aux poètes romantiques et symbolistes qui
figuraient au programme. Vatican II n’avait pas seulement supprimé le latin, mais les restes de gallicanisme qui avaient maintenu jusqu’au milieu du xxe siècle des lambeaux de poésie. Ce qu’on
nous faisait chanter était hors du bon sens.
Quand j’ai senti de toi, mon Dieu
La lumière toucher mes yeux
Et que ton ombre immense et fière
A couvert de gloire ma prière
Il me semble improbable que de tels textes aient pu avoir été écrits par des ecclésiastiques français, même peu doués ; je soupçonne des chanoines polyglottes et
incultes, tapis dans un presbytère romain, où la voix du monde ne parvenait que terriblement déformée, d’en être les auteurs.
A la même époque, le Notre Père avait été réformé et on pouvait apprendre que le péché n’était pas un piège tendu par le Diable et dont Dieu pouvait nous
prémunir (« Ne nous laissez pas succomber à la tentation »), mais un test imaginé par Dieu lui-même, dans un élan de ruse (« Ne nous soumets pas à la tentation »). La réécriture de cette prière
fondamentale était moins la preuve d’une hérésie (présente pourtant dans la nouvelle version) que la trace d’un manque de talent signalé pour l’écriture : de cette époque date la profération des
fautes de grammaire au pied de l’autel.
Dans la foulée, et involontairement sans doute (mais de la part d’une religion longtemps si machinée, le caractère involontaire n’est pas incompatible avec
un tragique désir de déclin), l’enseignement religieux que j’ai connu avait depuis quelque temps déjà cassé le lien de nécessité qui unit le Christ à la divinité.
Dieu restait inatteignable et incompréhensible, dans sa puissance et ses dissimulations. Mais le Christ s’était singulièrement affadi. Le clergé auquel
pouvait avoir affaire un garçon d’une douzaine d’années faisait circuler l’image d’un personnage indolent, mélancolique, douillet, lénifiant, tenant des propos d’une fadeur bien éloignée du
boutefeu qu’il avait fallu mettre à mort pour qu’il se taise. Et saint Paul, pour qui Dieu vomit les tièdes, aurait refusé de reconnaître dans M. Tiède en personne la haute figure du
Sauveur.
La lecture des Evangiles aurait pu redresser notre vision de JC, mais dans l’enseignement catholique d’il y a quarante ans, la pratique de la Bible n’était,
ni encouragée, ni surtout pratiquée. »
Ce constat n’est pas nouveau. Nous l’avons déjà entendu. Il existe encore aujourd’hui. Et signale davantage encore la nécessité de s’appuyer sur les forces
traditionnelles pour annoncer le Christ.