De Mgr Bagnard, évêque de Belley-Ars, à propos de la bioéthique :
Parmi les nombreux problèmes que soulève l’évolution des techniques médicales avec leur puissance d’intervention sur le sources de la vie, il en est un qui reste étrangement irrésolu : quelle est l’identité de l’embryon ? De la réponse que l’on donne à cette question centrale dépend toute la suite des choix et des décisions. Si, en effet, l’embryon est le début de l’existence d’un être humain qui a déjà en lui-même tout sa carte génétique et donc son unicité inaliénable, il appartient alors forcément à la famille des humains ; on ne peut donc pas le traiter comme du vulgaire matériau. Si, au contraire, on le tient comme une simple “chose”, un amas de cellules du genre ovni, alors on se donne toute autorité pour l’exploiter à la manière d’un banal minerai extrait d’une carrière. Parce qu’il n’est “rien” de précis, on peut le soumettre à tout ! L’éliminer comme un simple “déchet”, après que l’on ait épuisé sur lui toutes les recherches qu’on avait programmées est le sort logique qu’on lui réserve. Ayons le courage de la vérité : on jette au rebut un être humain !
Répondre avec clarté à cette question met évidemment dans une position délicate. Car reconnaître que l’embryon est un être humain en ses commencements conduit à remettre en cause toute une législation, en vigueur depuis des décennies, en particulier celle concernant l’avortement. Car alors on est contraint d’admettre que l’avortement est un attentat porté contre un être humain, l’être le plus innocent de tous parce que le moins capable de se défendre. Le plus fort exécute le plus faible. La loi de la jungle remplace celle des droits de l’homme. Une civilisation s’enfonce silencieusement dans la barbarie.
Par contre, refuser à l’embryon le statut d’être humain c’est se placer dans une situation insoutenable, car il faut alors répondre à la question subsidiaire qui n’est pas la moindre : s’il n’y a pas trace d’humanité au point de départ, quand pourra-t-on la détecter par la suite ? La science, en effet, enregistre le parfait continuum vital propre au développement de tout vivant. A quelle phase de son développement pourra-t-on dire : avant, il n’y avait rien d’humain ; après, il y a de l’humain ! S’il n’y a rien d’humain au point de départ, il n’y aura rien d’humain au point d’arrivée !
Les promoteurs de la législation en vigueur invoquent le simplisme d’un tel raisonnement et font valoir la multiplicité des éléments à prendre en compte : situations humaines, avancées des sciences, évolution des mentalités, nécessités de la recherche, exigence de ne pas prendre de retard, etc. L’étalement d’une telle complexité fait naître le sentiment d’une disqualification à se prononcer clairement ! C’est comme si on vous transportait dans la région des étangs de la Dombes. à la période des plus épais brouillards ; on ne parvient plus à distinguer l’eau des étangs de la terre ferme. Tout est enfermé dans l’indistinction. La complaisance dans la complexité sert d’écran derrière lequel on s’abrite pour parvenir – sans le dire – au but qu’on s’est fixé ! Jean-Paul II, regardant son époque, écrivait : “la conscience morale semble s’obscurcir terriblement et avoir de plus en plus de difficulté à établir la distinction claire et nette entre le bien et le mal pour ce qui touche à la valeur fondamentale de la vie humaine.”