Dans Présent du 20 mai, Jean Madiran conteste la lecture farfelue par les journalistes de La Croix de l’instruction sur le motu proprio Summorum pontificum :
Selon La Croix, le « point essentiel » de l’Instruction sur l’application de la Lettre apostolique Summorum Pontificum du 07.07.07 « apparaît au numéro 19 ». Citons donc à nouveau ce dix-neuvième paragraphe de l’Instruction :
« Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au pontife romain comme pasteur suprême de l’Eglise universelle. »
C’est là un des morceaux choisis de l’Instruction cités par La Croix qui, à la différence de Présent, n’a pas jugé utile d’en publier l’intégralité : ainsi se sent-elle peut-être plus libre dans ses commentaires. Elle n’omet pas de dénoncer « les exclus » frappés, dit-elle, par ce paragraphe 19. Selon elle ce sont « les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X ». La vue perçante de Frédéric Mounier aperçoit en outre au paragraphe 22, qui pourtant n’en dit rien, l’obligation faite aux « instituts traditionalistes » : ils « doivent accepter le Missel de Paul VI ». Je n’ai évidemment aucun mandat des instituts traditionalistes en général ni de la FSSPX en particulier pour répondre en leur nom. Mon seul titre à énoncer un avis sur ces questions tient à plus de quarante années militantes pour la messe traditionnelle et, aussi résolument, contre la messe nouvelle.
Il y a un quiproquo qui frise l’abus de confiance quand Isabelle de Gaulmyn parle de « l’insistance du texte à demander aux fidèles du rite ancien le respect de la liturgie actuelle ». Sans doute (interprétation, comme il se doit, la plus bienveillante) ne voit-elle aucune différence entre ce qu’elle appelle la « liturgie actuelle » et ce que, dans la même page de La Croix, Frédéric Mounier appelle le « Missel de Paul VI ». Mais dans la réalité la différence est tout à fait visible. Pour la plupart des catholiques pratiquants, en effet, la visibilité immédiate et évidente de la différence entre la messe traditionnelle et la messe nouvelle tient à deux choses : le célébrant face à l’assistance, la communion debout et dans la main. Or ni la communion dans la main ni le célébrant face à l’assistance ne sont imposés par le Missel de Paul VI. Ces deux insupportables anomalies appartiennent à la « liturgie actuelle » de l’Eglise de France : son épiscopat et son clergé, dans leur quasi unanimité, s’y montrent indéracinement attachés.
Quand l’évêque d’un diocèse ou le curé d’une paroisse exigent d’un prêtre qu’il célèbre la messe nouvelle, ils n’admettent dans la plupart des cas ni qu’elle soit célébrée tourné vers Dieu, ni que la communion debout et dans la main y soit refusée.
Tel demeure en France l’état de la « réforme de la réforme » et de l’« enrichissement réciproque » des deux rites. On aperçoit, certes, une tendance à faire un peu le ménage des plus scandaleuses niaiseries et grossièretés, il y a même l’esquisse d’un recul des gesticulations et logorrhées du célébrant. Mais celui-ci continue à peu près partout à ne pas se tourner vers Dieu et à ne pas demander l’agenouillement des fidèles au moins pour la consécration et pour la communion. La coutume vicieuse s’est bien installée. […] Je ne vois donc rien dans l’Instruction qui m’interdirait ou me détournerait de continuer à militer contre la « liturgie actuelle ». L’accepter ne serait même pas adopter la messe de Paul VI, mais une messe issue de la messe de Paul VI.