Interrogé dans L’Express :
Nous avons à faire entendre notre voix, d’abord pour le bien de l’homme, et non pas pour défendre l’Eglise.
Certains vous accusent pourtant d’agir comme un lobby.
C’est inévitable dès lors que l’on s’exprime, mais sans importance. Nous ne nous comportons pas comme un groupe de pression; nous donnons seulement notre témoignage, même s’il est mal reçu. Lorsqu’il s’agit de la protection de la vie humaine, du décalage entre les riches et les pauvres sur la planète, des manipulations biologiques qui risquent de faire perdre le sens de la dignité de l’homme, ce serait de la lâcheté de ne rien dire, alors que les autres parlent! Nous avons le droit et le devoir de prendre la parole. J’encourage souvent les jeunes et les adultes à s’engager sur le chemin des responsabilités, à s’investir dans la vie sociale et politique pour témoigner avec courage contre l’argent roi, ou contre la science, lorsqu’elle se croit toute-puissante. J’admire les progrès de la technique et de la médecine, dont je suis comme tout le monde l’heureux bénéficiaire, mais les scientifiques peuvent eux aussi succomber à la tentation de l’orgueil, dont je parlais plus haut pour nous, les clercs. En outre, il n’est, certes, pas simple de maîtriser le progrès. La fission de l’atome, par exemple, est une prouesse intellectuelle et technique, mais nous mesurons chaque jour davantage les risques de ce qu’elle permet de faire.
L’Eglise et ses fidèles sont-ils pour autant davantage écoutés?
Je le pense, oui, parce que nous parlons clairement et que notre message ne varie pas dans le temps. Un élu communiste m’a dit un jour: “Nous, il y a vingt ans, nous parlions de la dictature du prolétariat, aujourd’hui, c’est fini; tandis que vous, il y a mille cinq cents ans, vous disiez non à l’avortement et dans trois cents ans vous le direz encore. Continuez, car vous êtes le seul repère!” Il y a des points dans l’enseignement de l’Eglise qui traversent les siècles. Parfois, cela ne pose pas de problème parce que cet enseignement est en harmonie avec la société, d’autres fois, cela crée des conflits terribles, qui jettent les catholiques en prison. (…) Nous, chrétiens, tout comme les autres acteurs de la société, devons veiller à prendre la parole pour le bien commun, et non pas pour obtenir une surface médiatique. Dans ce cas, ce ne serait que de la vanité. Donc, parfaitement inutile.