Ce blogue relaie régulièrement des photos montrant, parfois les dérives liturgiques de nos épiscopes, parfois (plus rarement hélas) le respect des règles liturgiques. De temps en temps, certains lecteurs critiquent cette approche, me reprochant de m’attacher à des choses secondaires, non importantes, futiles, voire à la lettre plutôt qu’à l’esprit de la foi… Pourtant, les dérives liturgiques, souvent dénoncées par les autorités romaines, ne sont pas si secondaires.
Dans la dernière livraison de la revue éditée par la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, Sedes Sapientiae, le père Louis-Marie de Blignières consacre un article au prêtre, dans lequel il aborde la vertu de religion. Extrait :
Bien des chrétiens, sous l’influence du relativisme ambiant, finissent par dévaloriser la vertu de religion. Que Dieu soit honoré par une prière publique, que l’adoration intérieure doive se manifester et être soutenue par un culte externe (dont l’ordonnance, reçue de la tradition, nous fait entrer dans la grande prière de l’Eglise, épouse du Christ), cela parait franchement mesquin à nombre de nos contemporains. Comment Dieu se soucierait-il des formes du culte ? L’essentiel, pense-t-on, c’est la “foi” et la sincérité de celui qui la professe. Le mépris de la loi naturelle et le fidéisme d’origine protestante ou moderniste se conjuguent pour saturer les prédications et les enseignements universitaires d’un discours où la “religion”, avec ses observances concrètes, fait figure d’héritage païen, face à l’originalité chrétienne de la “foi”.
Il n’est pas étonnant, dans ce contexte, que la liturgie et la vie religieuse (vie consacrée par les voeux), deux domaines où la vertu de religion joue un rôle décisif, traversent depuis une cinquantaine d’années une crise peut-être sans précédent dans l’histoire de l’Eglise. Le désintérêt pour les actes par lequel le chrétien, concrètement, exprime et nourrit sa foi, rejaillit sur la conception même de la foi. Ceux qui opposent la “foi” à la “religion” évacuent en fait sans s’en rendre compte une dimension centrale du christianisme : l’incarnation. Il y a un mépris des médiations, qui est aussi un désespoir par rapport à la noblesse de la nature progressive et sociale de l’homme. Certes, c’est l’union au sacrifice du Christ, dans la foi vivante par la charité, qui peut seule donner leur valeur salutaire aux actes de religion ; mais minimiser la valeur de ces actes pris en eux-mêmes c’est déprécier les causes secondes. C’est passer à côté de la volonté du Christ qui, dans l’Eglise, nous associe, par les caractères sacramentels, à sa prière, à son culte, à son sacrifice. De même qu’une charité qui ne s’incarne pas dans l’observance des commandements et la pratique des béatitudes est un leurre, de même une “foi” qui méprise la religion (et la liturgie, ou la vie religieuse) est un pharisaïsme d’un nouveau genre. Si le corps sans âme est un formalisme de pratiques, l’âme sans le corps est un manichéisme, voire une gnose.