L’association Renaissance catholique publie un dossier sur l’immigration, rappelant l’enseignement du Magistère. On y lit notamment le déséquilibre qui s’est introduit dans certains textes épiscopaux, comparés à ce qu’enseignait Pie XII (le 13 mars 1946) :
En cette matière (l’immigration) ce ne sont pas les seuls intérêts des immigrants, mais aussi la prospérité du pays qui doivent être consultés.
Ce manque d’équilibre se retrouve, par exemple, dans le document publié par la Conférence des évêques de France à l’occasion des élections présidentielles de 2007, intitulé : «Qu’as-tu fait de ton frère ?». Jean-Pierre Maugendre analyse :
Par-delà quelques propos de bon sens, ce qui frappe dans ce texte c’est la grande confusion intellectuelle et l’exaltation de l’émotion compassionnelle. Affirmer que, dans l’Église, «il n’y a pas d’étranger» ne veut rien dire. C’est confondre les plans naturels et surnaturels. Les baptisés constituent l’Église militante, les saints font partie de l’Église triomphante et les âmes du purgatoire de l’Église souffrante. Ceux qui n’appartiennent pas à ces catégories sont matériellement étrangers à l’Église, même s’ils en sont potentiellement tous membres. […]
Si les immigrés ne quittent pas leurs pays pour le plaisir, ils le font souvent par intérêt et sans trop de drame. Les conditions que prétend décrire le document épiscopal s’apparentent au roman misérabiliste type Emile Zola ou Eugène Sue, corrigé par la Bonne Presse et mis en scène par Mgr Gaillot : «Ils ont franchi des difficultés considérables et certains ont risqué leur vie». Faudrait-il donc ouvrir toutes grandes nos frontières pour réduire ces «difficultés considérables» ? Enfin, ce qui frappe dans ce document épiscopal est ce qu’on n’y trouve pas : le rappel des devoirs des immigrés vis-à-vis de leur pays d’accueil, que le Catéchisme, lui, n’avait pas oublié. Pour résumer, ce document épiscopal se livre à une manipulation sentimentale qui ne tient pas compte de l’enseignement romain. […]
Dans le discours d’ouverture de l’Assemblée plénière de Lourdes, le 4 novembre 2003, le Cardinal Ricard avait déjà insisté sur «le courage d’agir (…) pour que soit sauvegardé le droit de toute personne persécutée à trouver asile dans notre pays.» […] C’est surtout un vaste programme dont il n’est pas certain que nous ayons les moyens. […] Nous ne pouvons souscrire à cette entreprise politique de désarmement moral de la France qu’une partie des évêques semble mener. Cette entreprise apparaissait clairement dans le communiqué de NNSS de Berranger (évêque de Saint-Denis) et Schockert (évêque de Belfort-Montbéliard). «à propos du projet de loi sur l’immigration», le 1er octobre 2007. Le début de la déclaration est un non-sens absolu : «Les chrétiens refusent par principe de choisir entre bons et mauvais migrants, entre clandestins et réguliers, entre citoyens pourvus de papiers et d’autres sans-papiers». Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas rajouter «entre voleurs et volés, honnêtes gens et hors-la-loi…» ? Confondre l’égale dignité des personnes, toutes enfants de Dieu, et l’équivalence de tous les comportements, est une confusion dont on souhaiterait que des évêques s’abstiennent. Le bon et le mauvais larron ne sont pas considérés par le Christ de la même manière, nonobstant leur égale dignité. En mettant sur un pied d’égalité migrants «réguliers» et « clandestins », nos évêques se mettent directement en opposition avec le §2241 du Catéchisme de l’Église Catholique […].
Nos évêques faisaient ensuite appel à la «conformité avec le droit européen et international» des mesures en discussion. C’était la reconnaissance d’une référence absolue à la loi civile, à l’exclusion de toute loi morale qui lui serait supérieure : ce qui compte c’est que les mesures projetées soient en harmonie avec la législation civile en vigueur. Quant à la loi de Dieu il n’en est nulle part question ! En revanche, quand il s’agit de mettre en cause des lois qui restreignent l’immigration, nos évêques découvrent qu’il y a des lois au-dessus des lois civiles, par exemple en ce qui concerne l’expulsion des «sans-papiers» qui sont, d’abord, des clandestins. Tout cela n’est pas très cohérent. Le document condamnait ensuite “les mesures toujours plus restrictives à l’encontre des migrants (…) concessions à une opinion dominée par la peur plutôt que par les chances de la mondialisation». Est-ce de la cécité ou du mensonge ? Nos évêques ne semblent pas voir les 150 000 acquisitions annuelles de la nationalité française pour un nombre d’entrées légales sur le territoire national qui était en 2009 de 175 000 personnes. Quant aux «chances de la mondialisation», c’est une pétition de principe politique qui n’a rien à voir avec le ministère des évêques. Les millions de chômeurs français victimes de délocalisations seraient heureux d’en débattre.
Néanmoins, Jean-Pierre Maugendre reconnaît que
d’autres ont tenu des propos plus sensés comme le Cardinal Vingt-Trois rappelant : «On n’a pas vocation à accueillir tous les Roms en France» ou affirmant qu’«il est difficile de nier qu’il y a un rapport entre l’immigration et la délinquance». De même Mgr Brincard, évêque du Puy-en-Velay, a rappelé «les racines chrétiennes de la France» et que «les autorités politiques peuvent, en vue du bien commun dont elles ont la charge, subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect du devoir des migrants à l’égard du pays d’adoption». Le cardinal Biffi, alors archevêque de Bologne, déclarait de son côté dans le Figaro du 2 novembre 2000 : «Le droit à l’invasion n’existe pas (…) Rien n’interdit à l’État italien de gérer l’immigration de manière à sauvegarder son identité nationale. »