Dans Présent du 29 septembre, Rémi Fontaine écrit :
L’année 2009-2010 a été marquée par de nombreuses réflexions autour du bilan de la loi Debré (régissant les rapports entre l’Etat et l’Enseignement catholique) dont on fêtait le cinquantième anniversaire. […] La Documentation catholique (5-19 septembre) publie à cette occasion un autre dossier tout aussi affligeant, avec un texte de Mgr Bernard Ginoux (évêque de Montauban) intitulé : « Une loi juste au service de l’éducation de tous les jeunes ».
Extrait révélateur : « Sans cette loi, l’Enseignement catholique n’aurait pu continuer sa mission : “Une école ouverte à tous fondée explicitement sur la vision chrétienne de l’homme”. » […] il y aurait beaucoup à dire, historiquement et religieusement, sur le leurre de cette funeste loi Debré […]. Mais comment ne pas voir d’emblée dans cette citation épiscopale l’exemple même d’une langue de buis au service d’une pensée unique politiquement et religieusement correcte ? Car il ne faut pas être grand clerc pour induire empiriquement que c’est exactement l’inverse qui s’est produit : avec cette loi, l’Enseignement catholique n’a pas pu continuer sa mission, devenant explicitement « a-confessionnel » sous un label soi-disant catholique.
C’est du reste un autre évêque, Mgr Cattenoz (archevêque d’Avignon), qui, en rompant le premier avec le conformisme idéologique des autres évêques, a fait publiquement ce constat vérifiable par tous les parents catholiques conscients de leur mission : «Avouons-le, aujourd’hui beaucoup d’établissements catholiques n’ont plus de catholique que le nom… Je crois que la loi Debré de 1959, qui avait pour but d’intégrer progressivement les écoles catholiques dans l’Enseignement public, est finalement arrivée à ses fins. » (cf. Le Livre noir et blanc des évêques de France, p. 134). Et de dénoncer une « dénaturation ou édulcoration du caractère propre » de nos établissements catholiques « adhérant sans réserve, par paresse ou pusillanimité, à une modernité largement marxisée dans son fond comme dans sa forme ».
Que la loi Debré ne soit pas la seule responsable de cette aliénation de l’école catholique, nous le concédons volontiers, mais qu’on n’aille pas prétendre, contre l’évidence historique, qu’avec elle, on a sauvé la mission de l’Enseignement catholique. Ses murs, peut-être, mais pas sa mission, selon l’aveu implicite de Mgr Ricard en 2006 : «On peut toujours se plaindre de la loi Debré et de ses contraintes. Si elle n’existait pas, l’Enseignement catholique en France poserait moins de questions, tant sa surface serait réduite et sa réalité devenue confidentielle.» Car les questions que pose aujourd’hui l’Enseignement catholique, en dépit de sa (grande !) surface, ne sont pas de nature à nous rassurer sur sa qualité : sa vocation précisément. Et en préjugeant aussi témérairement et tristement sur ce qu’il serait devenu autrement (sans cette loi), l’ancien président de la Conférence épiscopale se montrait bien peu évangélique en l’occurrence (avec ce qui ressemble à une mentalité de capitaliste !) : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu… »
Qu’on ne nous fasse pas dire ce que nous n’avons pas pensé : évidemment cette loi a préservé, sinon amélioré, le statu quo, d’une certaine manière. Bien sûr, ne pouvant obtenir tout ce à quoi ils avaient droit, les catholiques ne devaient pas forcément refuser politiquement (prudentiellement) ce qui leur était offert… Mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils devaient s’en satisfaire et même s’en réjouir, comme ils le font aujourd’hui. Car un moindre mal est encore un mal. La liberté ne se donne point, elle se prend : l’autonomie sous conditions, si elle n’est pas l’intégration, n’est pas l’indépendance. Ce que nous récusons donc, c’est le mythe qu’entretient aujourd’hui l’Eglise-enseignante autour de cette loi monopolistique et injuste de l’Etat-enseignant, en la canonisant : en en faisant une loi fondamentale, principielle, un modèle du genre excluant les alternatives (notamment les écoles hors contrat).