Le cardinal Jean Honoré, archevêque émérite de Tours, est l’un des grands spécialistes de John Henry Newman, qui sera béatifié ce week-end. Il est interrogé dans Famille chrétienne. Extraits :
“Le fondement même de l’anglicanisme, c’est la tolérance, ce qu’on appelle la comprehensivness. À mesure qu’il pénétrait l’Évangile, les Pères de l’Église, mais aussi les théologiens du XVIe siècle désireux de maintenir la tradition catholique au sein de l’anglicanisme, Newman ne pouvait pas se satisfaire du statut ambigu de la religion anglicane. Celle-ci est faite de tradition catholique et pénétrée de ce qu’on appelle le libre-examen, c’est-à-dire la liberté pour chacun de choisir sa religion : la prière, la liturgie, les sacrements et surtout la doctrine. Newman a toujours été perplexe devant cette sorte de liberté qui permettait de juger et de choisir l’héritage spirituel du Christ. À partir de là, il a cherché quelle était l’Église qui répondait à ce besoin absolu de vérité et il est allé jusqu’au bout en choisissant l’Église catholique.
Finalement, c’est son cheminement intellectuel et son honnêteté spirituelle qui l’ont conduit de l’Église anglicane à l’Église catholique ?
Exactement. L’honnêteté et la recherche intégrale de ce que le Christ a voulu.
Vous prétendez que Newman n’a pas été le précurseur de l’œcuménisme, mais qu’il en a été le prophète…
Oui, il est prophète en ce sens qu’il a posé les conditions du dialogue œcuménique : la vérité des convictions personnelles, l’ouverture à l’autre, et la capacité d’écoute. Il ne croit pas à la conversion en bloc. La conversion, à ses yeux, est une chose trop mystérieuse, trop personnelle, trop exigeante pour être soumise à la contrainte. Je suis en train de lire la correspondance de Newman, qui comprend trente-deux volumes. Ce qui est extraordinaire, c’est le nombre de personnes qui lui demandent conseil, le nombre d’anglicans qui ont recours à son autorité. Newman les conseille toujours : « Prenez votre temps ». Les vaticanistes se sont réjouis de sa conversion, pour lui reprocher ensuite de ne pas presser la conversion de ceux qui frappent à la porte.
Pourtant, des centaines d’anglicans l’ont suivi peu de temps après sa conversion à l’Église catholique ?
Ça, c’est autre chose. Il y a eu une sorte de prosélytisme chez certains convertis qui l’a contrarié. Newman avait un immense respect pour la liberté personnelle, mais aussi pour la tradition. Dans son journal privé, il a noté ce mot : « Ma vocation à moi n’est pas de faire des convertis ; ma vocation à moi, c’est l’éducation. Que l’Église soit prête pour les convertis ; que les convertis soient prêts pour l’Église. »