Dans le numéro de Fideliter de septembre-octobre 2010, la revue trimestrielle du district de France de la Fraternité Saint Pie X, Côme Prévigny dresse un bilan des nominations épiscopales en France depuis l’élection de Benoît XVI. Comme l’avait écrit l’abbé Barthe, le processus de nomination des évêques fait dépendre le renouvellement de ces derniers d’un certain nombre de personnalités, dont la plupart n’avaient pas été remplacées. Extraits :
“Depuis son élection, Benoît XVI a renouvelé 45% des évêques français. […] De toute évidence, ce dernier ne connaît pas tous les évêques dont il assure la promotion. Celle-ci relève d’un processus complexe où le nonce apostolique (photo) tient un rôle clef. Ambassadeur du Saint-Siège en France, c’est à lui que revient la lourde tâche de constituer la terna, liste de trois noms d’épiscopables soumise au Saint-Siège, à laquelle sont adjoints les avis de l’archevêque métropolitain – qui se trouve à la tête de la province dont dépend le-dit diocèse – et du président de la Conférence des évêques, en l’occurrence, le cardinal André Vingt-Trois.
Une fois parvenue à Rome, la terna est examinée par le président de la Congrégation pour les évêques qui la retourne parfois à la nonciature avant de la soumettre aux membres de son dicastère pour départager les trois noms. Le pape signe la nomination en se fiant, bien généralement, au choix des cardinaux. S’il ne connaît pas tous les évêques, il nomme dans la Congrégation chargée de les trouver, et en particulier à sa tête, des princes de l’Église qui lui sont plus familiers. De même, pour un pays comme la France, il veille avec soin à la provision de la nonciature apostolique. […]
En cinq ans, le processus a été rodé cinquante fois au profit de 37 des 93 sièges de la métropole, et de 13 charges d’auxiliaires sur les 18 qui existent actuellement pour quelques grandes villes telles que Paris, Lyon, Lille, Strasbourg ou Toulouse. Sans doute, certaines nominations intervenues au tout début du pontificat de Benoît XVI et déjà bien avancées sous celui de son prédécesseur ne sont-elles pas vraiment à mettre à l’actif du premier. […] Le hasard des mandats – les évêques présentent en général leur démission lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-quinze ans – fait que ce sont les diocèses de l’Ouest qui ont été particulièrement touchés par ce renouvellement « bénédictin ». Dans la puissante province métropolitaine de Rennes (qui recouvre tous les départements des régions administratives Bretagne et Pays de Loire), huit des neuf évêchés ont à leur tête un prélat nommé il y a moins d’une demi-décennie. Traditionnellement, ce ne sont pas les zones où l’on trouve les évêques les plus progressistes. A fortiori, ce sont des diocèses qui pouvaient donc facilement accueillir des conservateurs. En revanche, les provinces de l’Est, celle de Besançon et la région concordataire de Strasbourg, ont été très peu renouvelées alors qu’elles apparaissent davantage comme des bastions du progressisme. […] Ce sont eux qui seront remplacés dans les prochains mois, dans les prochaines années.
De manière générale, ce renouvellement partiel des autorités ecclésiastiques laisse entrevoir une continuité contribuant à pérenniser l’épiscopat français dans son état. En effet, 80 % des nouveaux titulaires de sièges sont originellement des prêtres diocésains – six proviennent même du diocèse de Paris – formés par les évêques des années 1970 et 1980 et les séminaires qu’ils tenaient alors. […]
Le renouvellement est fort lent car 43% des nominations de titulaires de sièges promeuvent des hommes qui étaient déjà des évêques nommés par Jean-Paul II. Il est en effet de tradition de placer dans les grandes villes des personnes d’expérience ayant déjà gouverné un diocèse auparavant. […] Si l’on retire donc les noms d’évêques qui avaient déjà accédé à un siège sous Jean-Paul II mais qui ont été transférés par son successeur, on conclut que Benoît XVI a surtout fait émerger trente-quatre nouveaux noms.
Les évêques de France, à de rares exceptions près, sont réticents à s’ouvrir au mouvement liturgique traditionnel. Les nouveaux titulaires ne font pas exception puisque 43 % d’entre eux n’ont pas accueilli de communauté Ecclesia Dei sur le territoire dont ils ont la juridiction. D’ailleurs, sur les 57% restant, un certain nombre a hérité de situations antérieures et très rares sont les cas où le diocèse a vu la multiplication (même par deux) de ce genre de communautés. De la même manière, le Motu Proprio Summorum Pontificum n’est pas appliqué dans les diocèses de tous ces nouveaux évêques qui, à part une douzaine […] n’ont jamais célébré la messe traditionnelle depuis sa libération en 2007.
La proportion est sensiblement la même parmi les titulaires installés par Jean-Paul II. Enfin, sur les dix-huit évêques en poste qui ont officiellement soutenu cette année la Marche pour la Vie, laquelle s’oppose de manière publique à l’avortement dans les rues de Paris, moins de 40 % ont été nommés par Benoît XVI, les autres l’étant sous son prédécesseur. Or, comme nous le disions précédemment, 45 % des évêques ont été promus par l’actuel souverain pontife. On en déduit que ce sont les anciens et non les nouveaux qui soutiennent davantage la condamnation de l’avortement.
A l’évidence et à quelques remarquables exceptions près, il faut conclure que les nominations du pontificat de Benoît XVI, si elles ont assuré une certaine rupture avec le passé des trente dernières années, n’ont pas bénéficié à la France. Bien au contraire, c’est une manifeste continuité qui s’opère dans notre pays, voyant les vicaires généraux des années 1990 accéder à la tête des sièges épiscopaux pour obéir aux directives de la Conférence des évêques à laquelle, pour la plupart, ils se rallient, sans pour autant qu’elle n’ait de fondement traditionnel ou divin. Il ne s’agit nullement de juger l’intention du pape qui se trouve confronté à des rouages qu’il ne maîtrise probablement pas dans leur intégralité. L’espoir de voir changer une telle donne repose cependant sur le renouvellement des personnages clefs du processus de nomination, en particulier le préfet de la Congrégation pour les évêques et le nonce apostolique. Il s’avère que, au cours des six derniers mois, le souverain pontife a pourvu au changement des deux postes. Le cardinal italien Giovanni Batista Re et Mgr Fortunato Baldelli ont été remplacés à leurs places respectives par le cardinal canadien Marc Ouellet (photo) et Mgr Luigi Ventura. L’avenir dira si ces modifications auront été suffisantes.”