L’abbé Benoît Jullien de Pommerol aurait pu être un moine soldat, un Templier voué à la défense du royaume latin de Jérusalem. Né au XXe siècle, le père de Pommerol est devenu
aumônier militaire. Ce jeune prêtre est le «Padre», comme on appelle familièrement les aumôniers dans l’armée, du 2e régiment étranger de parachutistes, en
mission depuis le début de l’année en Afghanistan. Il dit la messe tous les matins, son aube enfilée par-dessus sa tenue camouflée et ses bottes de saut. Sa petite chapelle est aménagée en
sous-sol dans un ancien bunker soviétique. Il a fait construire un petit clocher, repeindre le plafond en bleu, et a dédié l’édifice à Notre-Dame-des-Victoires. Les soeurs de l’église
parisienne du même nom lui ont offert une statue de saint Michel, patron des parachutistes, qu’il a placée sur l’autel. Il distribue autour de lui des petites médailles de
l’archange, que les légionnaires accrochent à l’intérieur de leur béret vert. Son goupillon a été fabriqué par l’un des mécaniciens du régiment.
Ordonné en 1997, il rejoint l’aumônerie militaire en 1999. Ses exemples sont le maréchal Lyautey, le Bienheureux Charles de Foucauld et le général
de Sonis, qui combattit à la tête des zouaves pontificaux. En dix ans de service comme aumônier militaire, le père de Pommerol a participé à 8 opérations extérieures. Il a aussi célébré
6 enterrements depuis le début de son sacerdoce.
L’abbé de Pommerol est une figure populaire au régiment. Il court le matin avec les légionnaires, embarque dans les blindés ou se rend dans les postes isolés. Il est devenu un parachutiste
émérite, avec plus d’un millier de sauts à son actif. Il pratique parfois même la chute libre en soutane. Et surtout, il n’a jamais reconnu d’autre hiérarchie que celle
de Dieu. Quitte à s’attirer régulièrement quelques déboires avec celle, terrestre, de l’autorité militaire. Dès que l’occasion se présente de dénoncer un compromis, de soulever une
question délicate, le père de Pommerol fonce. Lorsque l’armée envisage un moment de faire porter un voile aux personnels féminins déployés en Afghanistan, le père de Pommerol monte au créneau
et dénonce l’idée avec virulence. Ses discussions avec l’aumônier musulman sont aussi parfois houleuses. Le père de Pommerol cite dans ses sermons l’archevêque de
Smyrne, Mgr Bernardini, prélat connu pour mettre en garde contre la montée de l’influence de l’islam en Europe.
«Le combat contre les talibans est un combat de la civilisation contre la barbarie. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut les mépriser. Ils ont la foi, et cherchent à plaire à
Dieu. Comme disait le maréchal de Lattre en Indochine à propos des Viêt-minh, ce sont des gens qui se battent bien pour une mauvaise cause.»
Il est conscient de l’embarras que causent parfois ses sorties. L’aumônerie militaire s’inquiète parfois de ce jeune prêtre enflammé, capable de dire leurs quatre vérités à des
généraux, voire même au ministre de la Défense en visite.
“je ne veux pas être modéré. Qu’est-ce que c’est qu’un aumônier modéré, d’ailleurs? J’ai sans doute des opinions tranchées, mais au moins je suis cohérent. La passion
de Jésus-Christ, ce n’est pas un pique-nique! […] L’Eglise se meurt du silence des prélats, disait déjà sainte Catherine de Sienne. Si je me tais, je raccroche les
gants”.
Ses ennemis sont la lâcheté, la faiblesse, le compromis. Rien ne l’énerve plus que la tendance de certains prêtres à s’accommoder d’une version allégée de la religion.
«Je bondis quand j’entends des curés qui parlent de questions sociales ou de commerce équitable, je me dis qu’ils ne sont pas dans leur rôle. Aujourd’hui, chacun a sa vérité.
Chacun dit:“Je suis croyant mais pas pratiquant.”»
Le jour où il n’aura plus l’âge de sauter en parachute, on le verrait bien avec une mitre sur la tête…