Michel De Jaeghere est journaliste et écrivain. Il dirige notamment les Hors-Série du Figaro magazine. Il est interrogé par le blog Eschaton. Voici ce qu’il dit sur nos évêques :
1. Les évêques français et les médias
“Je pense qu’il y a une très grande naïveté de la hiérarchie de l’Eglise vis-à-vis des médias. Elle a tendance à les considérer en effet comme neutres, et soucieux d’information objective,
au lieu de les considérer globalement comme hostiles. Or dans le monde de l’information, la bienveillance à l’égard de l’Eglise n’est pas la règle, elle est
l’exception. La hiérarchie catholique croit aux professions de foi d’honnêteté des journalistes. Elle n’a pas une pleine conscience du fait que le courant dominant lui est opposé. Les
choses commencent à changer un peu, puisque l’on a vu depuis une dizaine d’années quelques évêques commencer à ouvrir les yeux. En l’an 2000, notamment, le cardinal Billé, alors président
des évêques de France, a relevé devant l’Assemblée générale de la conférence épiscopale française que l’Eglise faisait l’objet d’un « procès latent » fait d’ une accumulation d’accusations, de
gestes de méfiance, de dérision, d’occultation, d’ostracisme, de soupçon.
Mais la majorité de nos évêques me semble en être restée à l’idée, développée par René Rémond dans son Histoire de l’anticléricalisme en France, selon laquelle l’antichristianisme aurait été
suscité, au XIXe siècle, par la prétention de l’Eglise à régenter la vie sociale. A partir du moment où, le catholicisme avait renoncé, à Vatican II, à promouvoir un ordre social
chrétien, l’anticléricalisme, pensaient-ils, tomberait de lui-même. René Rémond prévoyait en 1975 la fin prochaine de l’anticléricalisme en expliquant qu’il n’avait été provoqué que par
la condamnation du monde moderne par Pie IX et St Pie X ; que le concile ayant proclamé au contraire la réconciliation de l’Eglise avec ses anciens adversaires, il avait ouvert des temps
nouveaux, où la haine du christianisme n’aurait plus sa place dans la société.
Les faits se sont chargés de démentir cette prophétie imbécile, puisque nous voyons que l’hostilité demeure, et même qu’elle s’exacerbe, en dépit du ralliement officiel de la
hiérarchie ecclésiastique à la liberté de conscience et aux idéaux de la modernité. La vérité est que ce que la société moderne a en horreur, ce n’est pas le cléricalisme (elle en a reproduit les
travers dans le monde profane, avec l’autorité qu’elle a concédé aux « intellectuels »), ce qu’elle hait, c’est le Christ.
2. La minorité agissante de l’épiscopat
La déclaration de Drancy en donne l’illustration. Il y a eu au sein de l’épiscopat français un noyau dirigeant qui a manipulé les faits et les textes et supervisé la rédaction d’une
déclaration diffamatoire à l’égard de l’Eglise et de la France. Mais il ne s’agissait que d’une partie des évêques et ceux-là même qui l’ont signée n’en ont certainement pas vu toute la
portée. Pour prendre un exemple précis, cette déclaration faisait une allusion au silence de certains catholiques vis-à-vis de la persécution des Juifs au moyen d’une citation de François
Mauriac. Or, cette citation était extraite de la préface que Mauriac avait donnée au « Bréviaire de la haine » de Léon Poliakov. Et elle est au cœur d’une démonstration où Mauriac accuse Pie XII
d’indifférence à l’égard de la persécution des Juifs. Le silence dont parle Mauriac, c’est le silence de Pie XII. La déclaration de Drancy prenait ainsi à son compte cette mise en accusation du
pape, mais sans le dire explicitement. C’était un message codé à l’intention de la communauté juive. Pour le décrypter, il fallait remonter à la source, grâce à une note de bas de page. Il est
évident que la plupart des évêques qui ont signé la déclaration de Drancy ne l’ont pas fait. Ils ne savent pas eux-mêmes ce qu’ils ont signé.
3. Sur les infiltrations dans l’Eglise
Il est certain qu’il y a eu et qu’il y a toujours au sein de la hiérarchie de l’Eglise des gens qui ont œuvré et qui œuvrent encore, même s’ils sont moins puissants qu’avant, à la destruction de
l’Eglise préconciliaire. L’ont-ils fait par idéal (dans l’espoir qu’un prétendu retour aux sources se traduise par une « nouvelle pentecôte ») par malveillance, ou plus simplement par bêtise ? Il
est impossible de le dire. […] Je pense cependant qu’il y a eu aussi des destructeurs conscients, des agents infiltrés. On sait qu’il y a eu notamment en France des militants envoyés en
mission par le parti communiste dans les séminaires, et qu’un certain nombre d’évêques entretiennent avec la franc-maçonnerie des liaisons dangereuses.”