Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Coutances, déclare dans un entretien au Nouvel Observateur :
“Je peux parler de l’Eglise de France : j’étais porte-parole de l’Assemblée des évêques quand elle a abordé cette question de front, en novembre 2000, après un long travail avec des juristes, des
moralistes, des médecins, des psychiatres… Cela a donné lieu à une déclaration, je crois extrêmement claire, dans laquelle les évêques disent que l’Eglise condamne absolument les actes de
pédophilie. Ils soulignent qu’un prêtre agresseur commet une double trahison : envers l’enfant à qui l’on impose ses pulsions, et envers l’Evangile. Les évêques ont également dit
très clairement qu’un prêtre qui se rend coupable d’acte pédophile doit en répondre devant la justice. Aujourd’hui, c’est tolérance zéro.
Dans ce but, les évêques de France ont élaboré un livret pour tous les éducateurs, qui s’intitule “Lutter contre la pédophilie“. Ce livret touche à la manière de bien traiter les
enfants et les jeunes. Il explique clairement ce qu’est la structure pédophile et donne des signaux d’alerte pour prévenir les dangers. Cette brochure figure sur le site de la Conférence des évêques.
Cela signifie donc qu’aujourd’hui, on ne peut plus imaginer que la hiérarchie couvre un acte pédophile ?
Ah non ! Quand on est au courant d’une situation, on dit que ce n’est pas possible. Ceci étant clarifié, les crimes commis par quelques-uns ne doivent pas jeter le discrédit sur l’ensemble de
l’institution. Il y a encore des affaires de pédophilie, mais la plupart des actes dont on parle aujourd’hui remontent à 20, 30 ou 40 ans, à une période où ni l’église, ni les autres
institutions, n’avaient la conscience de l’extrême gravité de la pédophilie. N’oublions pas qu’il y a 30 ans, des écrivains comme Gabriel Matzneff pouvaient revendiquer dans les médias
leurs penchants pour la pédophilie ! A cette époque, on pensait qu’un prêtre pouvait se reprendre, donc on le changeait de lieu. On n’avait pas réalisé que la structure pédophile ne se
guérit pas à coup de bonne volonté. Désormais, de telles erreurs ne sont plus possibles. Nous voulons être exemplaires.
Vous nous expliquez comment l’Eglise de France s’est saisie du problème en 2000. Mais du côté du Vatican, la même clarification a lieu en 2010, dix ans plus tard…
La communication est une chose. Mais il y a un eu un travail de fond au sein de l’Eglise qui ne date pas d’aujourd’hui, et l’on aimerait que d’autres institutions en fassent
autant.
En tout cas, l’Eglise n’en est pas à sa première polémique au cours des derniers mois : réintégration de l’évêque négationniste Mgr Williamson, excommunication de la mère d’une petite
fille violée qui a avorté au Brésil, béatification de Pie XII, préservatif… Comment expliquez-vous cette accumulation ? S’agit-il seulement d’erreurs de communication ?
Ces événements n’ont rien à voir les uns avec les autres. Sur le négationnisme, le pape a dit très clairement qu’il ne connaissait pas les positions de l’évêque. Il a condamné le
négationnisme. Pour la fillette au Brésil, il est surprenant que la position d’un évêque prenne une dimension mondiale, jusqu’à mettre en cause le pape. Il y a là quelque chose qui ne va pas !
Sur le préservatif, il faut relire l’ensemble des déclarations du pape. Je suis étonné du manque de professionnalisme de certains journalistes qui reprennent n’importe quelle information
sans la croiser ni la situer dans son contexte. Que nous ne sachions pas toujours bien manier la relation avec les médias, c’est possible. Mais tout de même… sans aller jusqu’à
parler d’acharnement, je trouve que nous sommes bien vite dans le collimateur.
Le directeur de l’Osservatore romano, Giovanni Maria Vian, estime que le pape est victime d’une “campagne” médiatique. Partagez-vous cette analyse ?
Une campagne, je ne sais pas. Mais il est vrai qu’on accuse le pape de tous les maux, alors qu’il s’est montré très clair dans ses interventions sur la pédophilie : compassion
avec les victimes, reconnaissance courageuse des erreurs du passé et mesures strictes. Donc je ne sais pas s’il faut parler de campagne, mais il y a en tout cas des tirs nourris
qui vont dans le même sens. Un cas de pédophilie au Canada fait le tour du monde. Je ne dis pas qu’il ne faut pas condamner. Mais que cela devienne mondialement connu et que le pape soit mis en
cause, cela ne va pas ! […]
Mais du côté des médias, il a souvent un analphabétisme religieux. Aujourd’hui, les journalistes spécialistes de l’information religieuse sont de moins
en moins nombreux. L’actualité religieuse est couverte par des journalistes d’information générale. Alors que pour un match de foot, on ne tolèrerait pas que le journaliste confonde les
règles avec celles du rugby, il serait viré dans la minute !
Comment le message de l’Eglise sur la pédophilie a-t-il été perçu par la population ?
– Il y a chez les catholiques un désarroi par rapport aux drames pédophiles, et aussi une certaine fatigue envers un harcèlement médiatique qui dépasse les bornes. Il y a les
deux.
En tout cas, les réponses apportées par le pape sur la pédophilie n’ont pas mis fin à l’emballement médiatique. Que peut faire l’Eglise pour tourner la page ?
Les tabous du silence doivent sauter. En même temps, il faut rester très prudent. On l’a vu récemment avec l’affaire d’Outreau : attention à de fausses dénonciations. On peut
briser la vie de quelqu’un par de fausses accusations. Il y a un tel climat de suspicion…”