C’était spectaculaire : un énorme placard publicitaire en plein SoHo, Manhattan dénonçait depuis mardi les avortements dont est prioritairement victime la population afro-américaine aux Etats-Unis. Dès jeudi, après une campagne orchestrée par la municipalité de New York, l’affiche a été démontée. Elle avait été dénoncée comme « raciste ».
Raciste ? C’était précisément la « préférence ethnique » pour la procuration d’avortements dans des zones plus pauvres à forte population afro-américaine qui était dénoncée dans cette campagne financée par le groupe pro-vie Life Always : « L’endroit le plus dangereux pour un Africain américain est le sein maternel. » L’affiche, montrant une jolie petite fille noire, renvoyait vers le site ThatsAbortion.com. Son emplacement était stratégique : au cœur d’un quartier noir, à quelques centaines de mètres d’un des trois avortoirs du Planning familial à New York, qui, ensemble, ont réalisé environ 17.000 avortements l’an dernier.
L’affiche n’était pas choquante et encore moins obscène. Leticia James, conseillère municipale noire, l’a pourtant qualifiée d’« affront » à l’égard de la population noire et une autre a dénoncé son exploitation de la peur. « Elle frise le racisme, mais toutes les personnes de bonne conscience devraient se considérer comme offensées, a déclaré Christine Quinn. Elle minimise les émotions que doivent confronter les jeunes femmes qui se trouvent dans cette mauvaise passe. »
Et pourtant… 60 % des grossesses afro-américaines se terminent par l’avortement dans les cinq zones administratives de New York City. Le Planning familial (Planned Parenthood) qui est le plus important pourvoyeur d’avortements aux Etats-Unis a implanté 78 % de ses avortoirs au cœur des communautés noires. Tandis que les Noirs représentent 12,8 % de la population des Etats-Unis, les femmes noires y subissent 36 % des avortements. « Life always » signale que le but n’est pas seulement de dénoncer toutes ces morts d’enfants noirs, mais le grand tort fait aux femmes noires à travers l’avortement. « Notre avenir est dans la balance alors qu’un plan génocidaire est mis en œuvre à travers l’avortement », a déclaré un pasteur afro-américain, Stephen Broden, responsable de l’association.
Pour Alveda King – nièce de Martin Luther King et figure éminente du mouvement pro-vie américain qui a rejoint le mouvement catholique « Priests for Life » – l’affiche disait la stricte vérité. « Le fait que ce placard ait été démonté constitue un acte de censure insupportable. Cette affiche devrait être placardée dans toutes les villes de ce pays. Et elle devrait provoquer la colère de la communauté afro-américaine, non parce qu’elle est raciste, mais en raison de la vérité qu’elle révèle : cette vérité qu’on cache à la communauté afro-américaine. »
L’affaire s’est compliquée du fait que la mère de l’enfant montrée par l’affiche s’est insurgée contre cette utilisation de l’image de sa fille : Tricia Fraser avait proposée ses enfants pour des photos professionnelles et avait accepté que leur image puisse être utilisée pour des campagnes publicitaires, mais elle s’est déclarée « offensée » par la campagne de Life Always. Elle exige des excuses et la promesse que l’image de sa fille ne sera plus utilisée par cette association.