Dans un remarquable article de France Catholiqe, le père Daniel-Ange brise le tabou
qui règne autour de l’islam, n’hésitant pas au passage à remuer les évêques français. En voici des extraits :
“Du Nigéria et de l’Algérie à l’Indonésie, via Pakistan,
Iran, Irak, Arabie Saoudite, Égypte, et jusqu’en Érythrée, Kirghizistan, Maldives, sur 54 pays recensés comme ne respectant pas les droits de l’homme quant à la liberté religieuse, 37
sont islamiques, soit plus de 2/3 ! Ce ne sont plus des faits isolés. […] Ne peut-on leur appliquer le mot de Soljénitsyne du temps où l’empire soviétique
couvrait 1/3 du globe terrestre, et où l’on parlait du «communisme à visage humain» : «Je vous mets au défi de trouver un seul pays où le communisme est au pouvoir et
qui respecte les droits de l’homme.» C’est trop facile de dire qu’il ne s’agit que de faits divers ponctuels, dus à des groupuscules fondamentalistes. […] Sans parler de
l’hémorragie massive des chrétiens de tous les pays du proche et du moyen Orient […]
Finalement, quoi qu’on en dise, cette christianophobie violente, agressive, déchaînée parfois, serait-elle quelque part inscrite dans les gènes de l’Islam ? Voici plus de 25
ans en 1983, dans mon ouvrage analysant la situation des différents terrains d’évangélisation (Monde d’orphelins,
peuple de témoins), j’avais diagnostiqué que le monde de l’Islam prenait la relève de la persécution communiste. Hélas, je ne croyais pas si bien dire. […]
Nous ne pouvons plus jouer à la politique de l’autruche. Nous ne pourrons pas dire plus tard, sans mentir : «Nous ne savions pas. Personne ne nous en a
parlé !» […] Combien de pasteurs en parlent ? […] Delpart lâche : «En France, les évêques sont muets. Leur silence renvoie à un autre silence,
fort, sombre, de notre Histoire…» (p.17), faisant allusion à la seconde guerre mondiale. Mais il aurait pu évoquer le black-out total de l’épiscopat français sur la persécution
communiste, pendant des années. Devant celle des nazis, quelques grandes voix de l’épiscopat français ont crié, au risque de leur vie, sauvant ainsi l’honneur de l’Église de France. Face
à la persécution communiste, combien furent-ils à en avoir le courage, disons simplement le fair-play ?
Voici dix ans, j’ai réalisé une étude documentée sur cette «conspiration du silence» dans l’Église catholique en France, en ses instances officielles, face à la persécution communiste
dans les pays d’Europe de l’Est (à notre porte !), comme en Asie. Les conclusions sont accablantes, et honteuses pour nous. C’était un sujet tabou, car il ne
fallait pas porter ombrage à la politique de la «main tendue» ou de l’Ostpolitik. Il a fallu Jean-Paul II pour nous arracher, avec grand peine, à ce silence assourdissant […]
Que je sache, pas une parole publique d’un évêque français pendant ces décennies, où s’écrivait le plus terrible des martyrologes de l’histoire de l’Église. Même après les
insurrections de Budapest et de Prague. Tant de prêtres et d’évêques là-bas m’ont avoué leur douloureuse déception devant cette cruelle (apparente) indifférence, et leur stupeur scandalisée
devant nos flirts avec le parti même qui les torturait en prison, ou les expédiait au goulag. Pas un évêque de chez nous n’a encore eu le courage de leur demander un pardon
public. […]
Eh bien ! j’ose poser la question politiquement, ecclésialement très incorrecte : ne recommençons–nous pas, avec la persécution islamique ? Voici quatre ans, un
document de la Conférence épiscopale, remarquable par ailleurs, validé par l’Assemblée plénière à Lourdes, abordait tous les aspects du dialogue. Je n’y ai pas trouvé une allusion à cette
violence islamique anti-chrétienne. Sans même parler de la question de la réciprocité par rapport aux lieux de culte […]. Il ne faudrait pas que dans 10 ans, lorsque les faits
éclateront au grand jour, ces frères qui donnent leur vie plutôt que de renier leur foi, nous reprochent à leur tour notre indifférence coupable, notre lâcheté, osons le mot : notre
couardise. Je voudrais éviter à l’Église de France, cette tache sur son Visage d’épouse du Christ.
Que peut donner un dialogue d’intellectuels – ne représentant souvent qu’eux-mêmes, du côté musulman – sans ce minimum de clarté, d’honnêteté, de vérité ? Cette vérité dont Benoît XVI ne
cesse de nous dire qu’elle est inséparable de la Charité : caritas con-gaudet veritati. Occulter la vérité, c’est renier la charité.”