Je viens de lire une très intéressante analyse d’Universae Ecclesiae (l’instruction sur l’application du motu proprio Summorum Pontificum).
Elle est due à Jean-Marie Guénois, le vaticaniste du “Figaro”. Celui-ci conteste l’idée qu’Universae Ecclesiae ne soit qu’une nouvelle étape vers la transformation du rite romain traditionnel en “forme ordinaire” – et donc en marginalisation du rite de Paul VI:
“Or, je peux me tromper, mais la publication de l’Instruction après celle du Motu Proprio n’est pas une étape mais un terme. Rome n’ira pas plus loin dans ce sens. Benoît XVI est allé aussi loin qu’il le pouvait en cette matière. Beaucoup d’ajustements restent à faire à l’intérieur du cadre fixé par ces deux textes juridiques mais politiquement, c’est un dossier “réglé”.
Quant à la “réforme liturgique”, elle avance par l’exemple. Elle ne concerne pas tant la forme de la célébration que son esprit. Benoît XVI, on l’a encore vu en Croatie, cherche sans mot dire, par sa façon de célébrer la messe, à déclencher une nouvelle culture (quand celle-ci n’existe pas) pour un respect absolu de la dimension transcendentale de la célébration eucharistique. Ce n’est pas un “combat” pour lui mais une sorte de prière. Il l’adresse à tous.”
Je crois que Guénois a parfaitement raison. Je n’imagine pas non plus que Benoît XVI prône, fût-ce par la douceur, le retour de toute l’Eglise romaine à sa liturgie traditionnelle. Qu’on le veuille ou non, Benoît XVI est un homme de la réforme. C’est profo²²²²²²²²²²²²²²²²²²ndément un homme de l’équipe “Communio”. C’est-à-dire qu’il n’est pas un révolutionnaire à la façon de la revue “Concilium”, mais il n’est pas non plus un traditionaliste à la façon de la revue “Itinéraires”.
Je crois donc que Guénois voit juste (et je crois aussi que certains traditionalistes s’aveuglent sur le pontificat actuel). Mais il reste à préciser que Benoît XVI est un homme de la réforme organique – alors que la réforme liturgique a été souvent, et spécialement en France, une révolution. Ce qu’il veut montrer par l’exemple, c’est qu’il est possible (et donc souhaitable, ou plutôt impératif!…) de célébrer le rite romain rénové dans un esprit traditionnel, laissant une large place au silence, à l’adoration, rappelant par les actes liturgiques les dogmes centraux de la Présence réelle et de la réalité sacrificielle de la Messe. C’est ce que l’on appelle la “réforme de la réforme”.
Et, moi aussi, je peux me tromper, mais je pense que Benoît XVI a libéré la liturgie traditionnelle essentiellement dans le but d’offrir à tous les fidèles, et particulièrement à tous les prêtres, les “outils” nécessaires à cette réforme de la réforme, qui me semble bien davantage son objectif que la marginalisation du nouvel ordo.
Je crois que cet analyse et tout à fait juste, nous nous dirigeons vers une coexistence et non un futur remplacement, il est tout à fait possible de vivre une liturgie vivante et priante où la dimension du sacré est respectée dans la forme Paul VI, les messes pontificales en sont un parfait exemple et je crois avoir assisté à des liturgies de cette forme qui m’ont transporté au Ciel, à nous fidèles et ministres à offrir un sacrifice d’agréable odeur.
Cette “réforme de la réforme” ne répond pas à l’objection argumentée, “façon Itinéraires”, du Bref examen critique des Cardinaux Ottaviani et Bacci: “Le Nouvel Ordo Missae s’éloigne de façon impressionante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la messe telle que définie au Concile de Trente” (cité de mémoire).
On ne peut esquiver cette contestation sur le fond. Par honnêteté intellectuelle et pour le bien de l’Eglise et des âmes.
Bonne analyse.
Avec le motu proprio, nous avons combien les milieux traditionalistes sont aveugles : alors qu’il existe des dizaines de textes concernant des demandes impératives du Magistère pour le respect des normes de la forme ordinaire, ces premiers ont cru qu’un simple motu proprio allait révolutionner l’accès à la forme extra-ordinaire.
Le contenu de l’Instruction montre combien ils se trompent et qu’ils n’ont toujours pas compris le véritable problème liturgique.
D’autre part, pour célébrer la forme ordinaire, il est nécessaire de disposer de connaissance suffisante de la forme extraordinaire, et ce pour une raison simple : la forme ordinaire est une évolution organique de la forme extra-ordinaire, donc par définition la forme ordinaire s’appuie sur la forme extra-ordinaire.
Par exemple, le geste de joindre le pouce et l’index après la consécration n’est pas décrit dans le Missel de 2002, pour autant il n’est pas supprimé. Donc pour accomplir ce geste, il faut le comprendre comme provenant du Missel antérieur, 1962, et maintenu.
Idem pour quantité de choses. Autre exemple : l’étole du prêtre. Dans le Missel de 2002 il est simplement dit qu’il faut une étole et qu’elle est portée par tous de façon épiscopale (non croisée). Pour autant, le Missel de 2002 ne parle pas de prendre l’étole dans le cordon, c’est un présupposé considéré comme connu issu du Missel de 1962.
C’est bien l’esprit de la Liturgie, l’ars celebrandis, que le pape essaye d’insuffler et que les liturgistes avaient essayé de mettre par écrit dans les Missels antérieurs à 1969.
Mais sans succès : ce sont bien les prêtres ayant appris à célébrer la Messe Tridentine qui ont mis à terre l’ars celebrandis et cet esprit de la Liturgie.
Et c’est pourquoi j’aime beaucoup cette petite phrase : “Ce n’est pas un « combat » pour lui mais une sorte de prière”.
le premier commandement étant “tu aimera le Seigneur ton Dieu” la dimension verticale de la prière et le sacré de la consécration a risqué souvent d’etre minimisé par l’assistance d’ou amélioration