Dans sa catéchèse d’hier sur les Cendres, Benoît XVI a insisté sur le vrai sens de nos rites, qui ne sont pas simples commémorations, mais réactualisation du mystère du salut:
“C’est d’abord dans la participation à la liturgie que nous sommes invités à cheminer avec le Seigneur, à nous mettre à son école en revivant les événements du salut, non pas en simple commémoration de souvenirs du passé… Aujourd’hui est un mot clef dans la liturgie, qui doit être pris dans son sens concret et non métaphorique. Aujourd’hui Dieu révèle sa loi et nous devons choisir entre le bien et le mal, entre la vie et la mort.”
Un rappel d’autant mieux venu qu’avec le désastre catéchétique que nous avons connu (et qui n’est pas terminé), nous avons eu à subir pendant plusieurs années des missels jetables édités sous l’autorité de la conférence épiscopale prétendant mensongèrement qu’à la messe, il s’agissait simplement de faire mémoire…
ha “le désastre catéchétique” : parlons-en….
“prétendant mensongèrement qu’à la messe, il s’agissait simplement de faire mémoire”.
Je veux bien croire, Mr Ganimara, néanmoins l’accusation me semble un peu grosse. Il conviendrait que citassiez (concordance des temps !) des sources précises.
Oui, “à la messe il s’agit simplement de faire mémoire”, voilà qui figurait expressis verbis dans le missel des dimanches édité par la conférence épiscopale française (éd. 1969-1973). Sous la signature de Mgr Boudon, président de la commission liturgique de France et accessoirement évêque de Mende (un digne successeur de Guillaume Durand!).
Mais évitons d’en dire plus. L’abbé Benoît Lobet pourrait nous reprocher d’émettre des appréciations négatives sur (feu) un évêque nommé par le pape. Remarquez bien que dans ce cas-ci, puisque Mgr Boudon a été nommé évêque en 1957, c’est Pie XII qui a manqué de jugement en faisant accéder cet hétérodoxe à l’épiscopat. Ca peut arriver aux meilleurs papes car les actes de gouvernement ne sont évidemment pas couverts par l’infaillibité.
M. Ganimara, j’ai peur que vous ayez inféré un peu hâtivement. Vous parlez de messe, le pape parle de liturgie. C’est plus large. Le problème est que l’Eglise d’Occident a pratiquement réduit la liturgie à la messe.
Ce n’est pas pour le “plaisir” que je fais cette distinction. C’est que Benoît XVI fait manifestement allusion à la “Mysterientheologie” de son compatriote Dom Odon Casel, en disant que le mot “hodie” dot être pris au pied de la lettre dans la liturgie. Selon Dom Casel, la célébraton de la liturgie par l’Ekklesia actualise la présence du Christ. De façon toute particulière (transsubstantiation) dans l’eucharistie bien entendu mais même dans la liturgie des heures, par exemple.
Dans “Le problème de la réforme liturgique”, la FSSPX a critiqué de façon assez peu subtile cette théologie des mystères. Il est vrai qu’elle est un peu fumeuse et mal définie mais elle comporte des éléments fort valables et elle pourrait apporter beaucoup aux catholiques si elle était affinée (et délimitée pour éviter les déviations auxquelles elle peut donner lieu).
A la suite de Dom Casel, Benoît XVI veut donc dire que, quand nous célébrons telle fête, nous réactualisons d’une façon mystérieuse mais réelle. Et ce, que ce soit dans l’office ou dans la messe.
Le mystérisme d’Odon Casel a été critiqué – de façon assez fine – par le Fr. Ansgar Santogrossi (dans “Liturgie romaine, foi et oecuménisme”, je pense). Le pape dit: “‘Aujourd’hui’ est un mot clef dans la liturgie, qui doit être pris dans son sens concret et non métaphorique”. Le Fr. Ansgar a analysé les antiennes “Hodie” de plusieurs fêtes et en conclut que cet “aujourd’hui” n’est pas à prendre littéralement.
C’est évidemment une quaestio disputata et la théorie de Dom Casel gagnerait à être creusée pour “reprobare malum et eligere bonum”.
J’ai une anecdote piquante sur Mgr Boudon. Mais elle n’a peut-être rien à voir avec le sujet…
Mgr Dozolme, évêque du Puy (Haute-Loire), était l’ami de Mgr Boudon, son voisin, évêque de Mende (Lozère). C’est lui-même qui raconte, car il avait l’humour auvergnat.
“Je me promenais tranquillement sur le quai de la petite gare de Saint-Georges-d’Aurac, en lisant mon bréviaire, dans l’attente d’un train, quand tout-à-coup je m’entends interpeller :
– Monseigneur, Monseigneur, au secours, au secours !
– Mais où êtez-vous ? Je reconnais la voix de Mgr Boudon, mais je ne vous vois nulle part.
– Je suis enfermé dans les chiottes, venez me délivrer ! ”
Et Mgr Dozolme de se précipiter auprès des employés de la gare pour faire libérer son confrère.