Notre confrère Frédéric Mounier a publié hier un très intéressant article intitulé: “Le capitalisme est-il d’origine catholique? Réflexions à l’italienne”. Il s’agitr en fait d’un compte-rendu des rencontres internationales de Communion et Libération à propos du livre « Les catholiques et l’économie globale » d’Ettore Gotti Tedeschi, président de l’IOR. Ce dernier a notamment déclaré au colloque en question:
« En fait, la crise économique vient à peine de commencer. Elle est avant tout morale. Alors que les évolutions technologiques croissent sans cesse, la sagesse humaine ne suit pas. On veut nous faire croire que l’homme n’est qu’un « animal intelligent ». Mais la globalisation a profondément affecté l’homme dans l’équilibre entre ses trois dimensions : producteur, consommateur, investisseur. L’Asiatique produit sans consommer, tandis que l’Européen consomme sans produire. La croissance américaine n’a été fondée que sur l’endettement des ménages. Désormais, il n’y a plus d’argent à investir. […] La doctrine sociale de l’Église, troisième voie entre capitalisme et socialisme, concilie la liberté individuelle, le souci du bien commun, et une juste place accordée à l’État. […]Historiquement, bien avant les protestants, ce sont les catholiques, les franciscains, les dominicains, les jésuites qui ont créé l’économie moderne, en luttant contre l’usure, en légitimant le prêt à intérêt, en créant des banques coopératives, en prenant en compte la loi de l’offre et de la demande.. Le marxisme s’est construit contre le capitalisme protestant, pas contre la doctrine sociale de l’Église. »
M. Gotti Tedeschi écrit : “bien avant les protestants, ce sont les catholiques, les franciscains, les dominicains, les jésuites qui ont créé l’économie moderne (…) en légitimant le prêt à intérêt”.
Il y dans ces quelques lignes un certain nombre d’approximations, voire affirmations erronées.
S’il est vrai que certains jésuites (p. ex. Lessius) ont légitimé le prêt à intérêt, ce n’est en tout cas pas “bien avant les protestants”, la Compagnie de Jésus ayant été créée après (et en réaction à) la Réforme.
Cette petite confusion mise à part, s’il est vrai qu’on peut trouver, à la fin du Moyen Age, des réflexions s’orientant vers la légitimation du prêt à intérêt chez certains Franciscains (Pierre de Jean Olivi, Bernardin de Sienne) voire chez certains dominicains (Antonin de Florence), c’est la franche légitimation du prêt à intérêt par Calvin en 1545 (lettre à Claude de Sachin) qui va entraîner sa légalisation dans toute l’Europe, d’abord dans les pays passés à la Réforme (Angleterre, Pays-Bas) puis (au plus tard à la Révolution, comme en France) dans les pays restés catholiques.
L’affirmation la plus contestable de M. Gotti Tedeschi est celle selon laquelle ce sont “les” catholiques (et pas seulement des catholiques) qui ont légitimé le prêt à intérêt. En effet, le magistère de l’Eglise n’a cessé de condamner le prêt à intérêt, depuis le Concile de Nicée jusqu’à l’encyclique “Vix pervenit” du pape Benoît XIV en 1745 (la dernière prise de position doctrinale du magistère sur cette matière).
Plus de détails, en particulier sur les motifs de la condamnation du prêt à intérêt par le magistère, dans un article que j’ai rédigé dans le cadre de mon doctorat sur cette question :
http://www.salve-regina.com/Chretiente/Le_pret_a_interet_Ramelet.htm
très intéressant cet article de M. Ramelet. Ici au Canada, nous étudions depuis longtemps la proposition du Crédit Social qui en fait revient à la création de l’argent sans intérêt et parfois libre de dettes, incluant la distribution d’un dividende social à chaque citoyen. L’argent-dette des banquiers a fait plus de tort (et celà continue) à l’économie mondiale que toutes les guerres.