Naturellement, je suis, comme beaucoup, avec une certaine inquiétude, les débats sur la révision des lois de bioéthique. Et je crains que cette inquiétude ne soit largement justifiée par le n’importe quoi généralisé. Je découvre ainsi sur le Salon beige cette intervention ahurissante du député socialiste Philippe Tourtelier qui prétend jouer les interprètes de la pensée catholique en la matière:
“La position de l’Église considérant l’embryon comme une personne est assez récente, elle date de la fin du XIXe siècle . Notons que l’Église n’a jamais exigé de baptême ou d’enterrement en cas de fausse couche. […] Considérant l’embryon comme une personne, l’Église remet d’abord en cause les embryons surnuméraires, dont on admet facilement, puisqu’ils sont de toute façon voués à la destruction, qu’on puisse faire des recherches sur eux. […]
Quant aux recherches sur la naprotechnologie, qui font appel, entre autres, aux courbes de température comme la célèbre méthode Ogino, ne sont-elles pas, comme cette dernière pour la contraception, un moyen d’éviter le débat sur le statut de l’embryon ? Rappelons que la méthode Ogino est, avec l’abstinence, la seule réponse proposée par l’Église à la demande de contraception, et que ce statu quo se traduit par la naissance en Afrique de milliers de bébés atteints du sida.”
Alors, là, les bras m’en tombent!
Qu’on ne connaisse pas grand-chose à ces questions peut se comprendre. La pensée catholique est subtile, les techniques médicales sont complexes. Mais que l’on assène péremptoirement de telles contre-vérités laisse pantois.
Où ce monsieur a-t-il pris que la “thèse” de l’Eglise sur la personnalité de l’embryon datait du XIXe siècle? Ca m’a l’air aussi solide historiquement que ce faux célèbre qui prétendait que, pendant des siècles, l’Eglise avait cru que les femmes n’avaient pas d’âme!
Il est vrai que nous savons aujourd’hui considérablement plus de choses sur l’embryon (mais ce n’est pas vraiment spécifique à l’Eglise) qu’au Moyen Age. Mais, déjà, les Pères de l’Eglise (et même, avant eux, les docteurs du judaïsme) considéraient l’avortement comme un crime affreux. S’il s’agissait simplement d’un amas de cellules, on voit mal où pourrait être le crime. A contrario, il faut bien supposer que les Pères de l’Eglise estimaient qu’un bébé à naître n’était pas une chose, ni une tumeur, mais bien ce que nous appelons aujourd’hui une personne…
Je sais bien que les Pères de l’Eglise comme les scolastiques se posent parfois la question de la date de “l’inanimation”, c’est-à-dire du moment où l’embryon reçoit son âme. Mais de là à dire que saint Thomas d’Aquin aurait voté la loi Veil, il y a quand même une marge! Car ce que ne semble pas remarquer cet excellent député, c’est que, même avant l’inanimation, l’avortement est considéré comme un péché très grave. Manifestement, dans les écoles des cadres du PS, on ne lit pas beaucoup Aristote. En particulier sur la notion de puissance et d’acte: dire que l’embryon est une “personne en puissance” (expression que beaucoup prêtent à st Thomas, mais sans jamais donner les références) ne signifierait nullement, comme on fait semblant de le croire, que l’embryon serait exterminable à volonté. Mais bien plutôt que l’embryon ne peut donner naissance qu’à une personne humaine (de fait, si quelqu’un a déjà vu un embryon humain se transformer en machine à coudre, il est vivement prié de nous en informer!!!) et que, par conséquent, bien que l’on ne connaisse pas la date de l’inanimation (qui a toutes les chances de se produire au moment de la fécondation), éliminer un embryon à quelque stade qu’il en soit, est ce que l’on appelle en français courant un assassinat.
J’ajoute que son “argument” sur le baptême des enfants morts dans des fausses couches est absurde. Un enfant mort-né n’est pas davantage baptisé (sauf s’il y a un doute sur sa mort, auquel on le baptise sous condition) et je n’imagine pas que les socialistes nous proposent l’infanticide “légalisé” jusqu’au jour de la naissance. L’Eglise n’a jamais demandé le baptême de tels foetus, non pas parce qu’elle aurait toujours cru (jusqu’aux dérives “intégristes” du XIXe siècle) que l’embryon n’était pas un être humain, mais parce qu’elle n’a jamais baptisé les morts!
Quant à ce qu’il dit sur les embryons surnuméraires, cela glace le sang. Il parle d’abord un sabir approximatif: l’Eglise ne remet pas en cause les embryons surnuméraires. L’Eglise remet en cause l’utilisation de méthodes qui produisent des embryons monstrueusement nommés surnuméraires et voués à l’extermination. Chose qui n’a pas l’air de traumatiser le bon député socialiste. Mais se rend-il compte qu’à ce compte-là, c’est toutes les tortures, toutes les abominations, qui sont justifiées. Si le fait que quelqu’un soit voué à la mort justifie qu’on le torture et qu’on l’assassine, on voit mal comment on pourrait s’indigner des horreurs national-socialistes ou des pratiques du NKVD!
Mais le sommet est atteint avec le couplet sur les “naprotecthnologies” (terme dérivé de “Natural Procreative Technology”, qui désigne donc les méthodes naturelles d’augmentation de la fertilité, comme il existe des méthodes naturelles de régulation des naissances).
A propos de régulation naturelle des naissances, M. Tourtelier parle de la méthode Ogino, qui date d’au moins 30 ans, comme si les connaissances du corps humain n’avaient pas progressé depuis. Il semble aussi ignorer que les méthodes NaPro connaissent des taux de succès identiques aux PMA. Mais ça ne l’empêche pas de pérorer.
Et d’ajouter le n’importe quoi au n’importe quoi en parlant du sida, comme si la méthode Ogino ou la NaPro technologies étaient pour quoi que ce soit dans l’épidémie du sida. Est-il besoin de faire remarquer à ce brillant esprit que, si tous les êtres humains se conformaient à la loi morale de l’Eglise, le sida ne toucherait pas grand monde?
Mais ce que je trouve encore le plus savoureux, c’est qu’il prétend que le soutien apporté par l’Eglise affreusement obscurantiste à ces méthodes vise à éviter un débat sur le statut de l’embryon. Mais qui a peur de ce débat? N’est-ce pas lui et ses semblables? Notre doctrine à nous est simple et claire: oui, l’embryon est une personne, dont nous savons que, même dans l’hypothèse (simple hypothèse, qui semble de plus en plus invraisemblable à mesure que nos connaissances sur le développement embryonnaire avancent, mais qui restedu domaine du possible) où il n’a pas encore reçu son âme rationnelle, il la recevra sans le moindre doute possible dans les semaines à venir. Je le défie de nous prouver que l’embryon n’est pas une personne et qu’on peut le tuer sans risque de tuer une personne humaine. Qu’il nous dise donc ce qu’est selon lui un embryon et nous verrons bien si c’est nous qui avons peur du débat!
Tout ce que vous répondez à ce député est vrai et fondé. C’est Tertullien, dans l’Apologétique au IIIème siècle, qui est le premier à exprimer très clairement le refus de l’Eglise devant tout avortement volontaire.
M. Ganimara, vous avez raison de “démonter” le député Tortelier sur le fond mais je voudrais ajouter que son ignorance crasse s’étend aussi aux questions de “techniques” médicales. Quand il dit que la méthode Ogino est la seule méthode de contraception permise par l’Eglise catholique, il se surpasse!
M. le député croit sans doute que la méthode Ogino est la seule méthode de planning naturel? Il retarde de deux guerres! D’abord, cette méthode est bien mal nommée puisque le médecin japonais Kyasaku Ogino n’a pas voulu la lancer, l’estimant trop peu fiable. C’est son confrère autrichien Herrmann Knaus qui l’a affinée et popularisée.
Mais il suffit de se renseigner un minuscule petit peu (les députés n’ont-il pas de documentation à leur disposition, ou sont-ils incapables de faire une recherche sur le web?) pour savoir qu’il existe de multiples méthodes de planning familial naturel… et que l’Eglise n’en privilégie évidemment aucune sur le plan technique, du moment qu’elles répondent aux critères moraux de Casti Connubii et d’Humanae Vitae.
Contrairement à des “légendes” fort répandues, il existe des méthodes de PFN très fiables. Sans entrer dans des détails techniques, disons qu’une bonne méthode repose non pas sur un seul indice (les irrégularités sont toujours possibles) mais sur plusieurs. C’est ce qu’on appelle les méthodes des indices combinés. Que M. Tortelier se renseigne en Allemagne, où les oeuvres des chevaliers de Malte sont à la pointe en cette matière. La dernière mouture de leur méthode d’indices combinés vient d’être approuvée par le ministère fédéral de la santé, pour sa qualité scientifique. Et cette méthode des “Malteser” est évidemment compatible avec la doctrine catholique.
Luc, vous avez raison mais je voudrait faire une precision. Quand Dr autrichien Knaus a popularisée la methode de Dr Kyasaku Ogino pour limiter les naisances, ce dernier a eté méecontent parce qu’il avait pensé sa méthode justement pour aider les couples à maximaliser les chances d’avoir des enfant! Il a donc juger que Knaus détouernait sa methode. En plus, techniquement elle n’avait evidemment pas de haute certitude d’éviter une grossesse, puisqu’elle visait a l’encourager!
C’est ce la que vient la fausse reputation d’infiabilite de méthodes naturels.
Mais il faut rapeller que beaucoup de couples catoliques ont une “mentalité Knaus”, c’estadire de limiter a priori les naisances. Alors que, meme avec l’abstinence temporaire qui est la base des methode naturels, il faut une raison sérieuse pour eviter une conception.
Enfin, je voudrait dire que dans mon pays Japon il n’y a pas de contraception artificelle (pilule). Le députe francais qui dit des betises peut venir ici; on va lui montrer que, meme dans un pays qui a quasi pas de de catoliques, on maitrise mieux ces questions que lui. Les femmes Japonnaises conaisent bien les methodes naturels de planning, et on a fait beaucoup de progres depuis Dr Ogino (avec combination de indices, comme Luc expliqua). M. le deputé Tortellier bienvenu à Japon!
En effet, c’est hallucinant ! Rarement autant d’âneries au mètre courant…
Que voulez-vous, ce député prétend interpréter la pensée de l’Eglise, mais il ne connaît même pas son catéchisme.
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L’Eglise reconnaît depuis toujours l’être dans le ventre de sa mère comme une personne à part entière. C’est ainsi qu’elle rappelle à la Visitation que Jean a trésailli d’allégresse dans le ventre d’Elisabeth en entendant les paroles de salutation de la mère du Seigneur. CQFD.
Vous parlez dans votre article, Mr Ganimara, de l'”inanimation” de l’embryon. Je pense que c’est une faute de français. Il faut dire simplement : “l’animation de l’embryon”.
Je vous renvoie par exemple à cette page qui traite du problème :http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00175587_v1/
Effectivement les théologiens du Mpyen Age, dont Thomas d’Aquin, se posaient la question de la date d’animation, dans la période de gestation, de l’embryon humain.
Les avis n’étaient pas unanimes.
Mais l’avortement provoqué lui-même, quoi qu’il en soit, a toujours été considéré comme un péché et même comme un crime.