“Parmi les mauvais services que L’Osservatore Romano a rendus en violant l’embargo sur le livre de la manière dont il l’a fait, figure le fait qu’il n’a publié qu’une petite partie de la partie dans laquelle le pape Benoît XVI traite des préservatifs. Ce qui a pour conséquence que le lecteur ne peut pas voir le contexte de ses remarques, ce qui n’en permet en aucune manière au lecteur de considérer le contexte et de se prémunir contre une presse laïque prenant les remarques du pape hors de contexte (elle l’aurait fait de toute manière, mais peut-être pas autant). C’est particulièrement flagrant dans le fait que L’Osservatore Romano omet la partie dans laquelle Benoît XVI clarifie sa déclaration sur les préservatifs à l’occasion d’une question suivante. Ainsi, L’Osservatore Romano a rendu un très grand mauvais service à la communauté catholique comme au non catholiques. (…) Jetons un coup d’œil sur les remarques du pape pour voir ce qu’elles disent vraiment.
?“Seewald : (…) En Afrique, avez-vous déclaré, l’enseignement traditionnel de l’Église a prouvé être le seul sûr moyen d’arrêter la dissémination du SIDA. Des critiques, y compris dans les rangs de l’Église, ont objecté que c’était une folie d’interdire à une population à haut risque d’utiliser des préservatifs.
?Benoît XVI (…) Dans mes remarques, je ne faisais pas une déclaration générale sur la question du préservatifs, mais j’ai simplement dit, et c’est ce qui a créé une si grande attaque, qu’on ne peut pas résoudre le problème en distribuant des préservatifs [souligné par nous]. Il fait faire beaucoup plus. Nous devons rester aux côtés des gens, nous devons les guider et les aider ; et nous devons faire cela avant et après qu’ils ont contracté la maladie.
?En vérité, et vous le savez, les gens peuvent obtenir des préservatifs quand ils le veulent et partout. Ms cela ne fait que démontrer que les préservatifs seuls ne peuvent pas résoudre la question. Il faut que d’autres choses arrivent. Entre-temps, le monde séculier lui-même a développé ce qu’on appelle la Théorie ABC : Abstinence-Be Faithful [restez fidèle]-Condom [préservatif], dans laquelle le préservatif est compris comme le dernier ressort quand les deux autres n’ont pas fonctionné. Cela veut dire que la pure fixation sur le préservatif implique une banalisation de la sexualité qui, tout bien considéré, est précisément la source dangereuse de l’attitude à ne plus considérer la sexualité comme l’expression de l’amour, mais seulement une sorte de drogue que les gens s’administrent. C’est pourquoi la lutte contre la banalisation de la sexualité fait partie aussi de la lutte pour s’assurer que la sexualité est traitée en tant que valeur positive et pour lui permettre d’avoir un effet positif sur tout l’être humain”.
Notez que l’argument gobal du pape c’est que les préservatifs ne résoudront pas le problème du SIDA. À l’appui de cela, il apporte plusieurs arguments : 1. Les gens peuvent déjà se procurer des préservatifs, et pourtant il est évident que cela n’a pas résolu le problème. 2. Le monde séculier a proposé le programme ABC dans lequel le préservatif n’est utilisé que si les deux premières procédures et vraiment efficaces (abstinence et fidélité) ont été abandonnées. Par conséquent, même la proposition du monde séculier reconnaît que le préservatif ne sont pas le seule solution. Il ne fonctionne pas aussi bien que l’abstinence et la fidélité. Les deux premières sont meilleures. 3. L’obnubilation sur le préservatif représente une banalisation (une trivialisation) de la sexualité qui transforme un acte d’amour et un acte égoïste.”
J’ai déjà eu l’occasion de dire dans ce blogue que l’Osservatore Romano posait de sérieux problèmes (comme dirait Alain Juppé…) à la communication pontificale. Il joue trop fréquemment de l’ambiguïté entre son statut “officiel” et son statut de journal “libre”. Cette ambiguïté est encore aggravée par le statut ambigu des paroles du Pape, qui, bien que Pape, s’exprime ici en personne privée.
Mais, si, en outre, cette ambiguïté est au service de coupes viciant le sens même des propos de Benoît XVI, les bras m’en tombent. A tous ces braves gens qui n’ont que la liberté de la presse à la bouche, on serait tenté de répondre: respectez donc la déontologie journalistique! Si vous voulez être libres, commencez par être responsables!