Je sais bien que la compétence religieuse des journalistes peut donner une petite idée de l’infini; je sais bien aussi que le grand n’importe quoi règne trop souvent dans la communication vaticane; mais là, avec le mélange des deux, je suis forcé de dire que je reste pantois!
Je viens de lire une dépêche de l’AFP en date du 9 novembre (eh oui, je lis l’AFP avec retard, mais je m’en console fort bien!…) et intitulée: “Italie: demande d’annulation de la prière pour la conversion des juifs”.
Tout est parti de l’entretien, ce 9 novembre, d’un certain Renzo Gattegna, président de l’Union des communautés juives italiennes, dans le quotidien vatican Osservatore Romano.
Au passage, je rappelle que le blogue Osservatore Vaticano n’a rien à voir avec le quotidien Osservatore Romano (mis à part le fait qu’ils soient tous deux rédigés par des journalistes catholiques).
Et je rappelle aussi que l’Osservatore Romano n’est pas, comme on le dit souvent, le “journal officiel du Pape”. L’immense majorité des articles de l’OR n’engagent que leurs rédacteurs; les seuls textes ayant une autorité magistérielle ou disciplinaire sont les textes présentés comme tels et signés du pontife romain ou d’un président de dicastère.
Bref, l’OR a donc interrogé M. Gattegna et celui-ci, nous rapporte l’AFP, “a demandé […] l’annulation de la prière pour la conversion des juifs qui existe dans la liturgie du Vendredi saint”.
Le mot “annulation” n’est pas très bien trouvé. A ma connaissance, personne n’a le pouvoir d’annuler une prière, hormis Dieu. Et on imagine mal qu’Il le fasse, puisqu’Il nous a, au contraire, constamment invités à prier, et spécialement à prier pour la conversion de tous, à commencer par nous-mêmes.
Mais je suppose qu’il faut comprendre que M. Gattegna demande la suppression du texte liturgique invitant les fidèles à prier pour la conversion des Juifs.
L’information brute ainsi délivrée me plonge dans un abîme de perplexité. L’OR a-t-il émis une critique, une réserve sur cette demande surprenante? L’AFP ne nous en dit rien.
Encore un mot sur la forme. L’AFP nous “explique” ainsi le sens de la demande de M. Gattegna:
“La “prière pour la conversion des juifs” fait partie de la messe du Vendredi Saint dans le rite en latin abandonné par l’Eglise catholique après le concile Vatican II (1962-65). Mais ce rite a été réhabilité par Benoît XVI en 2007 dans un geste d’ouverture vers les catholiques traditionalistes.”
On ne voit pas bien pourquoi mettre des guillemets à l’expression “prière pour la conversion des juifs”, mais peu importe. Il serait peut-être utile que les journalistes de l’AFP apprennent qu’il n’y a pas de messe le vendredi saint. Par ailleurs, les remarques sur les réformes liturgiques de ces dernières décennies fourmillent d’imprécisions. Le rite de Paul VI est, en principe, également un “rite en latin”. Il a certes été promulgué après Vatican II, mais sans que le rapport entre cette réforme et le concile soit clair et évident (ne serait-ce que parce que le missel traditionnel a connu une nouvelle édition en 1965, donc après la promulgation de la constitution conciliaire sur la liturgie). Enfin, il est paradoxal de dire à la fois que le rite traditionnel a été “réhabilité”, c’est-à-dire, si les mots veulent dire quelque chose, “rétabli dans ses droits”, et que ce fut un “geste d’ouverture”. La réalité, c’est que le motu proprio de 2007 déclare que ce rite n’a jamais été abrogé. Et cette déclaration, même si elle a évidemment fait plaisir aux traditionalistes, est à destination de l’Eglise universelle. En particulier, pour une raison importante, dont les journalistes de l’AFP n’ont sans doute qu’une vague idée: la célébration de la messe traditionnelle sert de point de repère à la “réforme de la réforme”, dont nous avons souvent parlé sur ce blogue.
Sur la forme, il est donc difficile d’être plus confus. Il est à craindre que cette confusion ne soit pas uniquement due à l’AFP, mais également à l’Osservatore Romano, dont les rédacteurs savent naturellement ce que je rappelle ici, mais dont il n’est pas sûr qu’ils aient émis les critiques nécessaires à la lecture de cet entretien (mais si un lecteur d’OV, qui serait en même temps lecteur de l’OR, veut bien me détromper, je m’en réjouis d’avance et je ferai – cela va de soi – toutes les corrections nécessaires).
Mais il y a plus grave que la forme. Il y a le fond. M. Gattegna ne veut plus que nous priions pour sa conversion. Malheureusement, la seule Personne qui pourrait nous empêcher de le faire est Celle qui nous a, au contraire, prescrit de le faire!
C’est parce que le Christ nous a ordonnés de prêcher l’Evangile à toute créature que nous ne pouvons exclure les Juifs de nos prières. Ce serait une forme monstrueuse de racisme spirituel.
M. Gattegna craint, paraît-il, que cette prière nous empêche d’avoir un “rapport d’égal à égal” ou un “respect réciproque”. Mais ces craintes ne peuvent être fondées que dans l’ignorance de notre foi. Pour nous, c’est, au contraire, le “respect réciproque” et le “rapport d’égal à égal” qui sont les conditions de la prière pour la conversion. C’est parce que nous considérons les Juifs comme des frères en humanité, rachetés par le sang du Christ, que nous prions pour qu’ils accueillent l’Evangile.
Au demeurant, puisque nous parlons de “respect réciproque”, puis-je me permettre deux questions? Je ne connais pas bien le Talmud, mais j’ai lu plusieurs citations de ce livre assimilant les non-juifs, et tout spécialement les chrétiens, à des animaux. Ces citations sont-elles exactes ou non? Et, si elles le sont, ce type de comparaison correspond-t-il à la conception du respect réciproque que prône M. Gattegna?
En tout cas, et quelles que soient les réponses à ces deux questions, je dois dire ici que je ne vois pas comment cesser de prier pour la conversion des Juifs, non seulement le Vendredi saint, mais aussi tous les jours de l’année. Si M. Gattegna est exaspéré par ces prières, qu’il s’adresse au Destinataire; pour moi, je croirais trahir le Christ si je ne Le priais pas de se faire reconnaître comme le Messie d’Israël.
Concernant le missel de 1965, il faut noter qu’un certain nombre de modifications du missel de 1962 était mis en place et que l’on peut, à bon droit, parler d’un rite à mis chemin avant la promulgation de l’Ordo Missæ de 1969. De plus, la prière pour la conversion des juifs avait alors déjà été modifiée par décision de Jean XXIII en 1959 (21 mars pour le diocèse de Rome et 5 juillet pour l’Eglise universelle) et que les mots perfidis et perfidiam n’y figuraient plus de même que l’absence de génuflexion (depuis 1955, lors de la réforme de la Vigile pascale par Pie XII).
Les remarques de Renzo Gattegna sont donc mal fondées mais elles sont cependant justes quand on lit certains blogs se présentant comme traditionnalistes et véhiculant des opinions notoirement antisémites.
En outre, on ne fait pas justice aux juifs quand, comme vous le faites, on se contente de reproduire des racontars sur le Talmud? Quand on ne sait pas, le mieux est de se taire mais on ne va pas chercher dans des publications douteuses des citations tout autant douteuses.
Pour information, je rappelle que le Talmud en usage dans la plupart des communautés juives comporte un grand nombre de volumes (disons, environ une trentaine) dans des genres littéraires divers allant du texte proprement juridique au conte en passant par pas mal d’autres. En outre, sans aller plus avant dans la présentation, il faut souligner que le Talmud n’est pas d’un seul auteur mais de plusieurs dizaines au minimum et qu’il est bien vu de ces auteurs que diverses oppositions naissent sur l’interprétation des textes (ce qui est toujours d’actualité dans l’étude du Talmud dans les écoles rabbiniques aujourd’hui). Mais le plus important est ailleurs. Le texte du Talmud s’est établi en partie avant la naissance du christianisme et en partie après dans le cadre des violentes controverses entre les juifs et les chrétiens. Avant la destruction du Temple existaient plusieurs genres de judaïsme en Palestine bien sûr (on connait les sadducéens, les pharisiens, les esséniens, les zélotes) mais aussi dans la Diaspora. N’oublions pas, en outre, que la Torah n’est plus connue en hébreu dès le 3ème siècle avant JC en dehors de la Palestine ! Il n’est que de se reporter à l’œuvre de Philon (en partie contemporaine du Christ durant sa vie humaine) qui travaille uniquement sur la version grecque (Septante) de la Bible hébraïque. C’est majoritairement ce judaïsme hellénistique qui disparaît à la faveur de l’annonce de l’Evangile dans les villes du monde romain durant les 3 premiers siècles de l’ère chrétienne. Face à cela, le judaïsme palestinien sans Temple devient presque entièrement pharisien et donc rabbinique. C’est peu dire que ce judaïsme n’est pas tenté par l’universalisme d’un Philon mais souhaite se donner les moyens de vivre une identité religieuse claire : c’est cela qui explique le gonflement à l’extrême des règles tendant à séparer les juifs et les autres. Et, en parallèle, le gonflement des écrits polémiques antichrétiens. Et on peut dire que les chrétiens le leur rendront bien.
Ce commentaire pour dire – d’accord avec tous ceux qui mènent avec courage le dialogue judéo-chrétien – qu’il faut absolument et toujours éviter les approximations dans le dialogue et favoriser la connaissance mutuelle. Je me souviens avoir eu le bonheur d’assister à un débat entre le père Joseph Moingt sj, et Marc-Alain Ouaknin sur les différences entre judaïsme et christianisme. J’avais été frappé par la méconnaissance persistance chez ce dernier du christianisme et je sais que cette méconnaissance est très générale dans le monde juif mais je crois qu’il ne faut pas y répondre en véhiculant, comme certains, des citations scandaleuses : ça ne fait en rien avancer le devoir de dialogue mais aussi d’annonce de l’Evangile à nos frères juifs. C’est pourquoi nous avons besoin de chrétiens qui connaissent vraiment bien la tradition juive (et donc le Talmud) et que nous devons favoriser une meilleure connaissance, chez les juifs, de la vérité de l’Evangile à laquelle ils ont part. Il faut simplement passer de la culture de la méconnaissance et de la mésestime à celle de la confiance mutuelle.
Une réponse s’impose au commentaire abondant et peu clair de ce Erasmus Minor qui étale ses connaissances mais semble ignorer des faits essentiels et non les moindres qui sont autentiques et vériiables( et non des idées ) à savoir :
1 °) que les juifs ont mofifié ( il serait plus exact de dire falsifié ) l’ensemble du texte original de l’Ancien Testament qui est pourtant le texte fondamental de leur loi , pour y gommer purement et simplement TOUT ( et il y a des centaines de citations à ce sujet précis ) ce qui y profétise et y annonce sans hésitation aucune l’incarnation de Jésus Christ rédempteur de la tache originelle vrai fils de Dieu…
2° ) que ces mêmes juifs ont eu le culot de demander de modifier ( par la pression de toujours nombreux ” marranes” au Vatican ) un texte qui figurait non pas dans leur propre livres mais dans le missel de l’Eglise Catholiqu dans l’office du vendredi saint depuis des centaines d’années et que l’Eglise a malheureusement obtempéré par une pitié fallacieuse à l’aube de Vatican II.
On peut imaginer la réaction qu’aurait occasionné chez les Juifs et qui aurait été manifestée par les médias universels (dans la main exclusive des juifs soit dit en passant ) une demande de l’Eglise catholique de rectification , et de remise à l’origne de textes du Talmud … de la part des juifs via l’Osservatore Romano …Ceci prouve bien que l’introduction des marranes dans l’Eglise catholique est loin d’avoir perdu ses effets…
N.B. “Marranes” qualificatif consacré dans l’Eglise Catholique aux juifs introduits dans l’Eglise sans conversion vraie dans le but de la combattre de l’intérieur.
( pour mémoire le Pape Paul VI a dit durant le concile Vatican II : ” Les fumées de Satan se sont introduites dans l’Eglise…”
A bon entendeur, salut…
M. de la Croix, je pense que vous avez raison: on se demande bien de quel droit des non-catholiques viennent nous dire ce qu’il faut mettre ou ne pas mettre dans nos livres liturgiques.
Il n’y a rien d’antisémite à prier pour le conversion des Juifs. Quel mal leur fait-on, quelle violence y a-t-il à prier pour quelqu’un?
Au diable ces campagnes odieuses, qui ont pour but de mettre à genoux l’Eglise caatholique, fondée par Jésus-Christ. Trop is te veel. Basta!
@de la Croix
Vous montrez bien par ce commentaire à quel point mon commentaire est fondé. Ce que vous écrivez est sans aucun fondement – le texte de l’Ancien Testament hébraïque est le même pour les juifs et pour les chrétiens à la virgule près ! Renseignez-vous !
Quant aux marrants, je préfère en rire.
Ce genre de littérature est confondant.,, Comment peut-on se prétendre catholique et écrire ce genre de choses ?
Je vous mets au défi de présenter un Missale Romanum d’une édition de 1965 : certes, je joue sur les mots.
En réalité, si on peut parler d’ordo de 1965, on ne pas parler de Missel de 1965 : celui-ci n’a jamais été édité. Seuls les textes indiquant comment célébrer et servir la messe l’ont été en regard du Missel de 1962.
Vous parlez de confusion mais vous l’entretenez vous aussi : la messe “traditionnelle” est celle célébrée par le Pape : selon le Missel de 2002, en latin grégorien ou musique polyphonique reprenant le répertoire grégorien.
La célébration de la forme extraordinaire a perdu son caractère traditionnel en interrompant la tradition à 1962. (donc pas même la première application du Concile de 1965 ! ! )
Il faut donc bien dire messe “traditionaliste” en parlant de la forme extraordinaire et non “traditionnelle”.
Le Pape est traditionnel, les communautés Ecclesia Dei sont traditionnalistes.
Tant que cette nuance sera refusée, alors le flou artistique que vous reprochez à l’AFP sera en réalité de votre fait.
Néanmoins, cela ne veut pas dire que la célébration du missel dit de Paul VI soit “traditionnelle” systématiquement ! Le refus du grégorien et du latin, le refus du respect de la Liturgie entraine la déchéance de ce caractère “traditionnel” également.
Nous voyons bien qu’en France, la Tradition est refusée et que de fait il n’y a quasiment pas de messe réellement “traditonnelle” selon la définition de Jean-Paul II dans … Ecclesia Dei !