Dans mon précédent article sur la communion scandaleuse de la reine d’Espagne, je n’ai parlé finalement que de la reine elle-même.
Mais il y avait dans l’article de Christophe Saint-Placide quelque chose d’autre: la question de la “réforme de la réforme”. On sait que ce projet est le grand projet de Benoît XVI: “traditionaliser” la nouvelle messe, pour éliminer toute rupture liturgique, comme, dans l’ordre doctrinal, l’herméneutique de la continuité vise à éliminer toute rupture.
J’ignore si la chose sera faisable. Les textes, les institutions, les pratiques ont une “inertie”. Je me souviens d’un texte, de l’abbé Dulac je crois, sur “la révolution permanente dans la liturgie” qui, évoquant plus de 30 ans avant les actes de pacification de Benoît XVI, la possibilité de “traditionaliser” le nouveau missel annonçait que la chose serait difficile, la révolution liturgique ayant poursuivi, disait-il, “son train d’enfer”.
De fait, tout le monde a pu constater que bon nombre de fidèles, voire de prêtres, ne croient plus à la réalité sacrificielle de la Messe, ne croient plus à la Présence réelle (au sens du moins où l’Eglise y croit)… Pour ne donner qu’un exemple, j’ai vu de mes propres yeux un prêtre “compléter” un ciboire qui se vidait par des hosties non consacrées, ne semblant pas voir de différence de nature entre le Corps du Christ et du pain azyme!
Peut-être cela vous semble-t-il bien loin de la communion de la reine d’Espagne? En réalité, c’est en plein coeur du sujet. Le projet de “réforme de la réforme” de Benoît XVI, s’il rencontre évidemment l’appui de la majorité silencieuse, de ceux qu’on appelait naguère les “silencieux de l’Eglise”, se heurte à l’opposition opiniâtre des “notables” (la presse catholique, bon nombre d’épiscopats, et d’autres, dont la reine d’Espagne).
Or, cette “réforme de la réforme” recule à chaque fois que l’autorité est piétinée, comme ce fut le cas ici.
Nous ne sortirons de la crise de l’Eglise que par voie d’autorité et de sainteté disait-on naguère (je crois que la formule était de Jean Madiran). La sainteté est un don de Dieu, que nous pouvons seulement réclamer par nos prières (et tenter, par notre propre réforme, d’en vivre). Mais il faut aussi prier pour que l’autorité accepte de s’exercer. Car il faut bien comprendre qu’elle est un service, et un service inestimable. Et que, dans le cas qui nous occupe, ce service est nécessaire pour le salut des âmes.
Voilà à quoi s’oppose frontalement la révolte de la reine d’Espagne. Et voilà pourquoi il faut que cette scène inouïe quitte les gazettes mondaines pour entrer dans notre méditation et notre prière.
Je l’ai exprimé plusieurs fois, mais mon idée maitresse est que la crise Liturgique est en réalité la partie visible de l’iceberg d’une crise Ecclésiologique.
Tant que sera refusée la réalité de l’Eglise, et donc de la Foi de l’Eglise, alors, comme la Liturgie est l’expression de la Foi, celle-ci sera négligée ou corrompue pour exprimer une autre Foi.
Vous dites : “ne croient plus à la réalité sacrificielle de la Messe, ne croient plus à la Présence réelle”.
Est-ce du domaine Liturgique ou de la Foi ?
Vous dites : “cette « réforme de la réforme » recule à chaque fois que l’autorité est piétinée”.
Est-ce du domaine Liturgique ou Ecclésiologique ?
J’ai entendu un chanoine nous dire récemment : la Charité c’est Dieu qui nous aime et qui s’aime à travers les créatures aimées. (selon ma reformulation).
La Liturgie, c’est la même chose : l’action de Dieu pour les hommes et pour lui-même par les hommes. Or cela est refusé.
Mais qui s’offre sur l’Autel ? Dieu ! (le Fils) pourquoi ? pour l’Eucharistie, l’action de grâce, donc pour Dieu (le Père), mais aussi pour les hommes pour leur salut, et comment le fait-il ? par un homme, le prêtre, assister de la Grâce (l’Esprit de l’Ordre et de l’Epiclèse) qui permet au Fils d’agir par lui.
Ecoutez les chants : combien sont dirigés vers Dieu tel le répertoire grégorien ? Notamment dans les chants d’entrée ? Non, ils sont tournés vers les hommes, vers l’assemblée.
Cherchez dans Google : “chant entrée premier dimanche de l’Avent”.
Voici ce que je trouve sur le 2e liens :
PREPAREZ LE CHEMIN DU SEIGNEUR (Communauté du Verbe de Vie)
PEUPLES QUI MARCHEZ E 127
à comparer à “Vers toi j’élève mon âme, mon Dieu, en toi je mets ma confiance”.
Nous voyons bien alors qu’il y a un problème de Foi et d’expression de celle-ci. “On” nous impose une Foi horizontale, dans une vision de l’Eglise purement humaine.
Or telle n’est pas l’Eglise : elle est horizontale ET verticale. (re problème d’Ecclésiologie)
Ce problème d’ecclésiologie s’est développé par la catéchèse défaillante : c’est, je pense, celle-ci qui a imposé cette théologie (ou plutôt anthropologie, car Dieu n’est plus guère présent) de l’Eglise.
Rappelons-nous : plus d’enfer, plus de purgatoire, plus de péchés … donc plus d’Eglise Souffrante ni Triomphante. Et s’il l’Eglise n’a plus qu’un seul corps, alors plus d’Eglise Militante car il n’y a plus de distinction à faire.
De même, la négation de la différence des ministères commun et ordonné et la remise en cause du Magistère entraine la disparition des visions Eglise Enseignante / Eglise Enseignée qui est tout de même une des réalités de la différence Ministres Ordonnés / Laïcs. Cela a pu se traduire par les “homélies” données par des laïcs.
Tout cela pour dire que la réforme de la réforme ne pourra pas se faire par l’autorité. Cette autorité sera retrouvée et respectée lorsque la Foi sera à nouveau enseignée et que la réalité de l’Eglise sera acceptée.
C’est d’ailleurs la méthode du Pape Benoit XVI : catéchèse, catéchèse, catéchèse et exemple. Dans ses catéchèses du Mercredi, le Pape reprend les fondamentaux de la Foi. Il n’hésite pas à redire la Foi telle qu’elle est pour la rappeler. Qu’elle est sa dernière pirouette en date ? La nouvelle commission pour la nouvelle Evangélisation qui doit s’appuyer sur … le Catéchisme de l’Eglise Catholique et l’élévation comme Cardinal de l’un de ses rédacteurs !
C’est donc, au regard de l’action du Pape, par le retour à la Foi authentique de l’Eglise que se fera la réforme de la réforme.