A l’heure où les premières paroisses anciennement anglicanes commencent à frapper à la porte de l’Eglise romaine, dans la foulée d’Anglicanorum coetibus, je vous propose de relire ce passage d’un discours du Pape aux membres de la congrégation pour la Doctrine de la foi:
“Je désire, en outre, me réjouir de l’engagement en faveur de la pleine intégration de groupes de fidèles et de personnes, appartenant auparavant à l’anglicanisme, dans la vie de l’Église catholique, selon ce qui est établi dans la Constitution apostolique Anglicanorum coetibus (2). La fidèle adhésion de ces groupes à la vérité reçue du Christ et proposée par le Magistère de l’Église n’est en aucune manière contraire au mouvement œcuménique, mais révèle en revanche son objectif ultime qui consiste à parvenir à la communion pleine et visible des disciples du Seigneur.”
J’ai déjà eu l’occasion d’en parler longuement, mais il me semble clair que le but du véritable oecuménisme catholique ne peut pas être de constituer une sorte d’ONU des confessions chrétiennes, mais bien de nous retrouver tous au sein de l’unique Eglise du Christ. Il serait donc paradoxal de crier au reniement du mouvement oecuménique au moment même où celui-ci atteint son but pour certains anglicans!
Frère Franck Lemaître, directeur du service national pour l’unité des chrétiens, dans “Unité des chrétiens”, sur le site de la CEF( Conférence des évêques de France) redoute que la conversion du Bx Cardinal Newman au catholicisme puisse “faire l’objet de lectures triomphalistes catholiques, alors qu’elle survient à un moment critique des relations entre anglicans et catholiques, moins d’un an après la publication de la constitution apostolique Anglicanorum coetibus. ”
“Ne risque-t-on pas en effet de mettre en avant le modèle du « converti » qui abandonne l’Église de son baptême pour rejoindre le giron romain ?”
Sous-jacent à ce type de réaction (qui est publiée sur le site des évêques de France!) il y a une théologie erronée de l’Église du Christ considérée comme dépassant les limites de la stricte Église catholique qui n’en serait qu’une portion, certes plus authentique, mais non unique. La vraie église pour ces penseurs est la réunion de toutes les confessions chrétiennes dont le produit est l’église universelle. Une super église œcuménique en somme, comme la terre(Gaïa) est la super nation légitime.
Cette utopie hérétique n’est d’ailleurs pas nouvelle et plonge ses racines dans les gnoses et doctrines réformées qui n’ont de cesse de combattre comme ils disent “l’institution”(catholique bien sûr). Comme s’il pouvait y avoir, dans ce monde, une doctrine, des sacrements, une liturgie, une discipline dépourvus d’une autorité instituée.
Cette dérive mondialiste d’une église sans charpente, sans frontières, sans forme et sans hiérarchie, totalement mythique est directement contraire aux textes de Vatican II (seuls critères recevables, à l’exclusion d’un imaginaire et malléable “esprit du concile”) comme on peut le lire dans “Lumen Gentium” chapitre 8 :
“C’est là l’unique Église du Christ, dont nous professons dans le symbole l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité , cette Église que notre Sauveur, après sa résurrection, remit à Pierre pour qu’il en soit le pasteur (Jn 21, 17), qu’il lui confia, à lui et aux autres Apôtres, pour la répandre et la diriger (cf. Mt 28, 18, etc.) et dont il a fait pour toujours la « colonne et le fondement de la vérité » (1 Tm 3, 15). Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c’est dans l’Église catholique qu’elle subsiste, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui , bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de sa sphère, éléments qui, appartenant proprement par le don de Dieu à l’Église du Christ, portent par eux-mêmes à l’unité catholique.”
Cette définition fut encore renouvelée dans le décret sur l’œcuménisme du concile Vatican II “unitatis redintegratio”, c’est dire si, lue dans un tel décret qui est au cœur de la problématique ecclésiale, une telle position est solide:
” C’est, en effet, par la seule Église catholique du Christ, laquelle est le « moyen général de salut », que peut s’obtenir toute la plénitude des moyens de salut. Car c’est au seul collège apostolique, présidé par Pierre, que furent confiées, selon notre foi, toutes les richesses de la Nouvelle Alliance.
Cette unité, le Christ l’a accordée à son Église dès le commencement. Nous croyons qu’elle subsiste de façon inamissible dans l’Église catholique et nous espérons qu’elle s’accroîtra de jour en jour jusqu’à la consommation des siècles.” (Préambule du décret).
Enfin le 6 aout 2000 la “Déclaration Dominus Jesus” approuvée par Jean Paul II précisait (pour les pertinaces adeptes de la super église sans contenu):
“17. Il existe donc une unique Église du Christ, qui subsiste dans l’Église catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et les Évêques en communion avec lui.
« Aussi n’est-il pas permis aux fidèles d’imaginer que l’Église du Christ soit simplement un ensemble — divisé certes, mais conservant encore quelque unité — d’Églises et de Communautés ecclésiales; et ils n’ont pas le droit de tenir que cette Église du Christ ne subsiste plus nulle part aujourd’hui de sorte qu’il faille la tenir seulement pour une fin à rechercher par toutes les Églises en commun ». En effet, « les éléments de cette Église déjà donnée existent, unis dans toute leur plénitude, dans l’Église catholique”.
Il serait temps que la conférence des évêques français applique dans ses textes et parmi ses porte-paroles les documents d’un concile dont ils ne cessent de se réclamer au lieu de s’inspirer de nuées conciliaires qui n’ont d’autre fondement que leur chimèrique concile imaginé.