Retour en arrière : le 20 mars dernier, la mutation de Mgr De Kesel du vicariat de Bruxelles à celui du
Brabant flamand et Malines avait été interprétée par tous pour ce qu’elle était : une rétrogradation. Les pleureuses danneelsiennes, annonçant une ère d’obscurantisme léonardien, avait
fait de bruyants adieux à leur héros (et héraut), sur l’air d’une contestation à peine voilée du nouvel archevêque (voir ici) Il est vrai que, outre l’importance réduite de ses nouvelles responsabilités, Mgr De Kesel était en quelque sorte
assigné à résidence dans la bucolique Varkensstraat (rue des cochons !), à 200m du palais primatial. Et pourtant, on pouvait se demander s’il s’agissait plus d’un
raccourcissement de la bride que d’un nettoyage de l’archidiocèse par le vide (temporairement limité au vicariat de Bruxelles, faute de pouvoir faire plus). L’observation de l’action de Mgr
Léonard dans la durée m’inclinait vers la deuxième hypothèse.
Après la démission de Mgr Vangheluwe (le 23 avril), je vous avoue avoir pensé à l’hypothèse brugeoise pour
Mgr De Kesel. Mgr Léonard était mécontent que la démission de Mgr Vangheluwe se fût produite si peu de temps (33 jours) après le changement d’affectation de Mgr De Kesel. La tentation était
forte de poursuivre la partie d’échecs en le déplaçant une fois de plus. Non seulement la question se posait pour tout observateur perspicace mais j’ai eu à ce moment-là une indication en ce
sens. Je n’ai pas voulu y donner suite parce qu’il m’a semblé incroyablement indécent de « bouger » deux fois le même évêque en si peu de temps. Je vous avoue aussi que je n’ai
pas cru qu’une telle politique, si manifestement favorable au cardinal Danneels, serait suivie aveuglément par Rome. Mais Rome, c’est aussi le cardinal Re et le substitut Filoni (que de
mauvaises langues surnomment « le filou félon »), qui n’ont pas dû se faire prier pour faire ainsi un dernier « carton » avant de quitter leurs fonctions curiales (si l’on
en croit la rumeur, pour ce qui
concerne Mgr Filoni).
Ainsi, Mgr De Kesel aura connu trois affectations en moins de 100 jours (20
mars-25 juin). On voit ici les effets de la pratique latine consistant à déplacer les évêques plusieurs fois au fil de ce qu’il faut bien appeler une carrière. Comme
des pions, on les mute, tels des fonctionnaires envoyés en mission par une administration. Bien sûr, les évêques gouvernent leurs troupeaux respectifs non seulement
cum Petro mais sub Petro, mais que signifie encore réellement leur fonction de tête de l’Eglise locale lorsqu’on les traite comme des
préfets mutables à merci ? Etant peu suspect de sympathies pour Mgr De Kesel, je pose franchement la question de savoir s’il est respectueux de sa personne et de sa fonction
épiscopale de le déplacer deux fois en un trimestre.
A la différence de leurs confrères orientaux, les évêques latins portent un anneau, qui symbolise leur mariage avec leur
Eglise locale. Mais on ne cesse justement de les muter, jusqu’à ce qu’ils prennent leur retraite, comme des fonctionnaires. Quelle est donc la pertinence réelle de cet attribut latin ?
Sans porter de jugement sur les personnes, ce modus operandi
évoque pour moi les bergers mercenaires dont parle le Christ : au lieu de mourir à la tâche, au service d’un
diocèse auquel il aurait consacré sa vie, l’évêque est assigné à tel autre « job » à partir d’une certaine date, voire déchargé de tout « job » à partir du jour où il
commence à percevoir sa pension de retraite. Il a “fait” ses heures, il peut prendre ses congés payés. Quelles que soient les intentions des personnes, qu’il ne m’appartient pas de juger, c’est
ainsi que fonctionne le système. On en voit la trace dans la récente succession namuroise : au risque de défaire ce qu’il avait accompli à Namur en 19 ans, Mgr Léonard y a fait nommer le
premier-né des “Danneels boys”, Remy Vancottem. Dans quel but ? Celui de se donner les mains libres dans sa nouvelle tâche d’archevêque. Sans juger, encore une fois, des intentions de Mgr
Léonard, je vois dans ces faits une confirmation de la façon dont fonctionne l’épiscopat latin : une fois nommé à Malines-Bruxelles, André Léonard n’est plus censé se soucier de ce qui
arrive à ses anciens diocésains de Namur. C’était son « job » d’hier. Triste système, sur lequel l’Eglise d’Occident ferait bien de mener une réflexion approfondie si elle veut se
réformer vraiment.
(à suivre)