Mes lecteurs l’ignoreront peut-être, mais le Catholic Herald est un hebdomadaire catholique britannique
qui n’a pas beaucoup de mal à rivaliser avec l’autre hebdomadaire catholique britannique The Tablet. Avec le premier, nous sommes en solide terre orthodoxe, avec le second nous
pataugeons dans le bourbier de la dissidence.
Parmi les collaborateurs du Catholic Herald, se trouve William Oddie, qui en fut d’ailleurs le rédacteur en chef de 1998 à 2004. Oddie dirige aussi son propre blogue sur le site de l’hebdomadaire. C’est un personnage singulier et attachant, car
cet athée devint ministre anglican à l’âge de 38 ans en 1977 avant d’entrer dans la pleine communion de l’Église en 1991. Journaliste, écrivain et grand connaisseur de Chesterton (voyez ici sur le blogue de Philippe Maxence), William Oddie ne garde pas sa langue dans sa
poche. Il a publié le 9 juillet dernier une féroce sortie contre l’ancien secrétaire d’État et doyen du Sacré collège, sous le titre « Le cardinal Sodano est une catastrophe qui n’attend que de
se manifester ».
Je n’ai pu résister à vous en donner la traduction…
-
« La plupart des compte-rendu sur la récente remontrance du pape au cardinal Shönborn pour avoir critiqué le
cardinal Angelo Sodano – qui a avait qualifié les accusations d’abus sexuels de clercs sur des enfants de “commérage insignifiant”) eurent pour effet de détourner l’attention sur le fait que
Sodano lui-même n’était pas exempté d’être critiqué. Quelle qu’ait été l’erreur commise par le cardinal Schönborn en faisant ses critiques à des journalistes et non au autorités romaines, le
fait est qu’il avait absolument raison sur Sodano. Les mots utilisés par le communiqué de presse du Vatican disent bien ce que fut sa véritable erreur : “quand des accusations sont
portées contre un cardinal”, précise la déclaration, “ce n’est qu’au Pape qu’en revient la compétence”. Après que le cardinal Schönborn a “clarifié” ses propres remarques, le cardinal Sodano
dut faire de même : “Le mot chiacchiericcio [commérage] a été faussement interprété [hum, hum…] comme étant irrespectueux envers les victimes d’abus sexuels, pour lesquelles le
cardinal Angelo Sodano nourrit les mêmes sentiments decompassion… que… le Saint Père.” -
Je ne le crois pas. Le cardinal Sodano semble avoir un passé particulièrement sinistre en matière de protection
des abuseurs sexuels, et notamment des éminents, un passé qui remonte à de longues années. Il bloqua en 1995 une enquête sur des accusations d’abus sexuels sur des enfants, qui se révélèrent
prouvées par la suite, contre le prédécesseur de Schönborn au siège archiépiscopal de Vienne : Hans Hermann Groër. Le plus honteux épisode fut sa défense répétée pendant des décennies du P.
Marcial Maciel Degollado, le fondateur de la Légion du Christ. Et, selon des articles parus dans le National Catholic Reporter, il avait des raisons : il est accusé d’avoir reçu de
grosses sommes d’argents et autres avantages de la Légion du Christ. En 1998, selon des informations, Sodano arrêta des enquêtes sur les abus sexuels de Maciel qui étaient menées par la
Congrégation pour la doctrine de la foi. Un des tout premiers actes du pape Benoît XVI fut de déposer Maciel et de lui interdire d’agir comme un prêtre. -
Le danger continuel que représente le cardinal Sodano pour l’Église, tient au fait qu’il est toujours doyen du
Sacré collège des cardinaux. Ce qui veut dire que si le pape venait à mourir avant que Sodano ait été remplacé, il aurait la haute main sur les obsèques (c’est lui qui prononcerait le
panégyrique) et sur le conclave. La presse internationale pourrait s’en donner à cœur joie et à longueur de colonnes sur son soutien présumé aux abuseurs d’enfants, sa corruption et sa pure
incompétence. C’est un désastre que nous ne devons pas permettre qu’il survienne. Sodano doit partir, et vite. »