Il y aura bientôt un an et demi, par décret du 21 janvier 2009, les quatre évêques ordonnés par
Mgr Lefebvre ont été libérés de l’excommunication qui pesait sur eux depuis 1988. Comme toujours, les ordinations sacerdotales à Ecône, demain, 29 juin, mettront en vedette la
FSSPX.
Canoniquement, la levée des excommunications a fait de ces évêques des prélats
catholiques, mais placés dans une situation assez étrange que tout le monde – et eux les premiers – estiment être une espèce de milieu du gué, qui par nature ne saurait être que provisoire, soit
qu’on les fasse progressivement avancer vers une reconnaissance canonique complète, soit au contraire qu’ils s’en éloignent.
L’analyse canonique qui a prévalu à Rome en janvier 2009 était que le retrait
de l’excommunication entraînait le retrait des censures de moindre importance, dont le motif était substantiellement le même (ordinations sans mandat par Mgr Lefebvre). Le même raisonnement –
« Qui opère le plus… » – pouvait, pensaient certains, être appliqué aux prêtres de la FSSPX et aux prêtres de communautés satellites : si leurs évêques sont lavés de leurs
censures, eux-mêmes se trouvent englobés dans la même grâce. Aussi bien, le Saint-Père, dans sa lettre annonçant l’ouverture de discussions doctrinales avec la FSSPX a d’ailleurs employé avec
beaucoup de prudence un terme non canonique pour qualifier la situation de cet ensemble d’ecclésiastiques réunis en une association de fait : il a parlé de l’« illégitimité » de
leur situation, mot manifestement choisi pour décrire une réalité spécifique sans fermer aucune porte.
Depuis moins d’un an, les discussions annoncées se déroulent dans la plus
grande discrétion à Rome, au Saint-Office. Elles auraient permis aux interlocuteurs de se connaître, d’adapter leurs approches respectives des problèmes en cause, et de cerner les difficultés
existantes. Maintenant qu’elles sont dûment cernées, on peut se demander si ces difficultés sont si importantes qu’elles ne permettraient pas quelques autres pas supplémentaires dans la ligne
ouverte par la levée des excommunications ?
Une affaire totalement différente, mais extrêmement intéressante quant à la
souplesse canonique romaine, peut être évoquée, celle des partisans des thèses du P. L. Feeney, sj, qui assimilait à la damnation la non-appartenance explicite à l’Eglise catholique, au nom de
l’adage entendu de la manière la plus rigide : « Hors de l’Eglise, point de salut ». Les positions du P. Feeney avaient été réprimandées par une lettre du Saint-Office à Mgr
Cushing, archevêque de Boston, le 8 août 1949 (lettre qui précisait que certains non-baptisés pouvaient, dans le secret de Dieu, être unis à l’Eglise par un désir implicite).
Or, un certain nombre de partisans du P. Feeney n’avaient pas accepté la
lettre de 1949 et se sont trouvés frappés de diverses censures et irrégularités. Mais, à partir de 1974, des « ralliements » se sont cependant succédés : en 1974, la réintégration
canonique de St Benedict’s Abbey à Still River, Harvard, Massachussetts ; en 1988, celle de St. Anne’s House, également a Still River ; en 2007, enfin, St. Benedict Center, toujours
dans la même ville.
Enfin, en juin 2010, bien que la maladie de l’évêque ait fait que l’annonce ne
soit pas encore publique, est intervenue la réintégration canonique du St. Benedict Center à Richmond, New Hampshire.
Il importe de remarquer:
– que tous les partisans du P. Feeney réintégrés canoniquement ont
conservé sa doctrine sur baptême de désir, le baptême de sang et le dogme extra Ecclesiam
nulla salus ;
– que tous avaient conservé la liturgie traditionnelle, au point qu’on les
distinguait parfois mal de lefebvristes disons un peu rigides ;
– que lors de la réintégration canonique de St. Anne’s House, en 1988, le
diocèse de Worcester n’a demandé que deux choses à la communauté, à savoir de déclarer qu’elle « comprenait » la lettre du St Office de 1949 et de faire la profession de foi
catholique : ceci avait été expressément confirmé par le P. Lawrence Deery, vicaire judicaire du diocèse de Worcester, qui ajoutait que la Congrégation pour la Doctrine de la foi qui avait
traité l’affaire laissait entendre avec bon sens que ceux qui proposent une interprétation stricte de la doctrine doivent être traités avec la même latitude pour l’enseigner et discuter des
opinions adverses que celle que l’on donne à ceux qui suivent une interprétation bien plus libérale ;
– que les discussions préalables entre le diocèse de Manchester et le P. André
Marie du St Benedict Center de Richmond ont eu lieu en consultation avec le Saint-Siège et que la réintégration canonique du centre n’a requis que la profession de foi de la communauté
devant l’évêque, Mgr McCormack, et la promesse de respecter le Pape et les évêques en communion avec lui comme étant des vrais successeurs des apôtres.
On notera enfin, pour achever cette relation en forme, disons de
parabole, que, avant la réintégration canonique complète d’un des groupes les plus « irréductibles », le St Benedict Center de Still River, celui-ci
disposait d’un chapelain avec tous les pouvoirs réguliers de l’évêque de Worcester, et que cet évêque avait même accepté d’y conférer des confirmations.
Ce qui n’aurait même pas été nécessaire si cette communauté de feeneyistes avait disposé
d’évêques…