Notre consoeur Isabelle de Gaulmyn, du quotidien La Croix, a récemment écrit un fort intéressant article
à propos de la demande de pardon de Benoît XVI pour les abus sexuels commis par des clercs.
Cette demande de pardon, déjà plusieurs fois exprimée, a en effet été réitérée solennellement au cours de la messe
de clôture de l’année sacerdotale: “Nous demandons avec insistance pardon à Dieu et aux personnes impliquées, alors que nous entendons promettre de faire tout ce qui est possible pour que de tels
abus ne puissent jamais plus survenir.”
Cependant, mon analyse de cette demande de pardon est très différente de celle de Mme de Gaulmyn.
D’abord, au plan factuel, il est faux que ce soit la “première fois” que Benoît XVI demande pardon pour ce péché
abominable commis par certains clercs. Il l’avait déjà fait à Malte. Et, dans la lettre aux catholique irlandais, il insiste nettement sur le repentir, la pénitence et le pardon.
Grammaticalement ensuite, il me semble très abusif de parler de “mea culpa”. Parlant comme “coryphée” des
successeurs des Apôtres, le successeur de Pierre déclare, non pas qu’il a personnellement erré, mais que les évêques – en corps – n’ont pas été à la hauteur.
Mais, surtout, plus fondamentalement, je ne partage pas l’analyse de notre consoeur sur la “repentance”. Si je
comprends bien, Mme de Gaulmyn estime que, par cette demande de pardon, Benoît XVI adhère à la démarche dite de repentance de Jean-Paul II lors du jubilé de l’an 2000. Et, comme elle le dit, “les
grandes repentances du Jubilé de l’an 2000 avaient constitué l’un des aspects les plus novateurs du pontificat de Jean-Paul II. Mais aussi l’un des plus contestés, notamment par l’aile
traditionnelle des catholiques, qui y voyaient une remise en cause des fondements de l’Église”.
Je ne sais pas ce qu’est “l’aile traditionnelle des catholiques” (et surtout, je ne vois pas bien ce que serait
une aile non traditionnelle des catholiques!) mais je dis volontiers que j’avais, pour ma part, été scandalisé par cette démarche. Pour trois raisons:
1) Elle me semblait anachronique. Il est en effet absurde de s’accuser d’avoir mené les procès inquisitoriaux, si
on ne dit pas que l’Inquisition a apporté au droit un grand nombre d’éléments aujourd’hui parfaitement acquis, comme le débat contradictoire, la possibilité pour l’accusé d’être assisté d’un
avocat, et même une aversion de principe pour la torture… Je sais bien que ce n’est pas l’image que nos contemporains ont de l’Inquisition, mais c’est la réalité historique. Pour mémoire, la
torture comme méthode “d’instruction du procès” n’a été abolie dans les tribunaux civils dans le pays alors le plus avancé du monde, la France, que sous le règne de Louis XVI, alors que, dès le
XIIIe siècle, les manuels d’inquisiteurs signalent qu’on ne peut pas connaître la vérité par cette méthode. Soit il faut dire que tous nos aïeux étaient des sauvages, soit il fallait
singulièrement nuancer cette “repentance”.
2) Battre sa coulpe sur la poitrine de nos prédécesseurs ne me semble pas spécialement digne, ni courageux, ni
conforme au IVe commandement de piété filiale… et détourne notre regard de nos travers bien actuels.
3) Enfin, les péchés des membres de l’Eglise n’empêchent nullement que l’Eglise soit sainte et immaculée. Or, la
démarche de “repentance”, du moins telle qu’elle avait été retransmise par les médias, laissait croire que l’Eglise elle-même était en accusation.
Il me semble extrêmement différent de demander pardon, comme vient de le faire le Pape, pour des fautes de
membres actuellement vivants de l’Eglise. En tout cas, je ne crois pas qu’inscrire la démarche de
demande de pardon de Benoît XVI dans la “repentance” de l’an 2000 soit de bonne méthode pour comprendre de quoi il est question.