Le temps m’avait manqué pour lire la tribune du sieur Küng dans “Le
Monde“, mais j’avoue que j’aurais manqué un morceau d’anthologie en ne m’y résignant pas.
Parmi toutes les “occasions manquées” du pontificat, Küng parle de l’abandon (à mon avis plus supposé que réel)
de Vatican II par Benoît XVI et ajoute:
“Ce dernier point est particulièrement grave.
Ce pape-là ne cesse de relativiser la portée des documents du concile et les interprète, dans un sens rétrograde opposé à l’inspiration de ses initiateurs. Il agit même ouvertement contre le
concile œcuménique, lequel, selon le droit canon, constitue la plus haute autorité de l’Eglise catholique, ainsi :
- Il a réintégré sans conditions dans l’Eglise des évêques intégristes de la Fraternité Saint Pie X ordonnés illégalement, alors que ceux-ci rejettent le concile sur des points essentiels.
-
Il encourage par tous les moyens le retour à la messe tridentine et célèbre à l’occasion lui-même
l’eucharistie en latin, le dos tourné à l’assemblée. -
Il ne met pas en œuvre les recommandations officielles de l’Anglican Roman Catholic
International Commission, qui dessinent le cadre du rapprochement avec
l’Eglise d’Angleterre. En revanche, il cherche à débaucher le clergé anglican, quitte à renoncer à l’obligation du célibat pour attirer
celui-ci dans le giron de l’Eglise catholique. -
En nommant à la tête de son administration des adversaires du concile (le secrétaire d’Etat, la Congrégation
pour le culte divin) et des évêques réactionnaires dans le monde entier, il a renforcé la tendance anticonciliaire à l’intérieur même de l’Eglise.”
J’ai quelques scrupules à rappeler à un aussi fameux théologien que le concile oecuménique n’est la plus haute
autorité de l’Eglise catholique que lorsqu’il est uni à sa tête, le pontife romain, et que par conséquent, il serait assez paradoxal de faire du concile une sorte de super-pape. Et
qu’accessoirement, aucune “plus haute autorité de l’Eglise catholique” n’a le pouvoir de changer la doctrine traditionnelle.
Hans Küng conteste “l’herméneutique de continuité” de Benoît XVI. Soit. Mais cela ne peut signifier qu’une
chose: que Vatican II a nié sur au moins un point important la Tradition. Auquel cas c’est un concile illégitime et Hans Küng devient alors un critique bien plus radical que Benoît XVI dudit
concile…
NB: encore une remarque, Küng conclut sa
tribune en disant: “Et même les rencontres de la
jeunesse avec un pape auquel seuls des groupes traditionalistes ou charismatiques rendent visite, n’ont pu ni freiner les défections ni réveiller les vocations.” Ce qui, en quelque sorte par
l’absurde, montre une nouvelle fois que les anciens clivages ne sont pas forcément toujours pertinents et que l’alliance de ces catholiques que l’on appelle désormais en sociologie religieuse les
“catholiques identitaires” est une des conditions de réussite du pontificat et de la relecture de Vatican II…