Tout le monde connaît la célébrissime affaire de Thiberville, dans le diocèse d’Évreux. Ce diocès est l’un des
plus sinistrés de France. Après Mgr Gaillot et Mgr David, le peu génial Mgr Nourrichard gère la faillite d’une terre jadis chrétienne, où les églises se ferment les unes après les autres, les
catéchismes sont désertés, les vocations découragées, les finances asséchées.
Dans ce désert, un prêtre, l’abbé Francis Michel, maintient la plus vivante des paroisses, Thiberville. Il se trouve que ce curé, qui n’est pas issu du monde traditionaliste mais qui est
profondément traditionnel, avait appliqué par anticipation le motu proprio Summorum
Pontificum depuis de longues années. Chez lui sont célébrées des messes dans la forme dite
aujourd’hui « extraordinaire » et des messes dans la forme « ordinaire », mais de manière conforme aux vœux de Benoît XVI et « tournées » vers le Seigneur.
Le résultat ? Thiberville et les 14 clochers que dessert l’abbé Michel formaient l’ensemble catholique le plus vivant et le plus missionnaire du diocèse d’Évreux : église de Thiberville
comble à toutes les messes, desserte « tournante » des autres églises, catéchismes, participation active des fidèles, foule d’enfants de chœur, confréries, toutes les églises magnifiquement
restaurées, enterrements célébrés par le curé lui-même… Ces paroisses où la communion de tous les catholiques est vécue de manière exemplaire est un modèle d’application de la volonté du
Pape.
C’est bien ce que « l’esprit du Concile », avec 40 ans de retard, ne pouvait supporter. A la fin du
mois de décembre dernier, Mgr Nourrichard informa le curé… que sa paroisse était supprimée et jointe à un « ensemble paroissial ». Par le fait, la paroisse de Thiberville n’aurait plus de curé
propre, lequel était « révoqué ».
On sait ce qui s’en suivit : le 3 janvier, l’évêque se rendit à Thiberville avec ses collaborateurs pour
annoncer avec « douleur » sa décision sans appel. Mais il se heurta à la révolte de tout un canton, qui refusait la fin du catholicisme sur ce coin de terre normande. Une église archicomble, au
premier rang de laquelle étaient présents le maire et conseiller général avec tout le conseil municipal, ont acclamé leur curé et empêché l’évêque d’annoncer qu’il supprimait la paroisse et le
curé.
Un recours fut alors porté dans les délais prescrits, en deux temps, auprès de la congrégation pour le Clergé.
Le dossier était accablant pour l’évêque. Il faut savoir qu’un tel recours est suspensif : les choses restent en l’état tant que la décision romaine n’intervient pas. Et dans des cas
semblables, elle n’intervient généralement que très tardivement, lorsque les esprits sont apaisés.
Tout le monde sait par ailleurs que Rome voit d’un très mauvais œil ces regroupements paroissiaux
indéfinissables juridiquement. C’est un problème qui préoccupe vivement les canonistes romains : les droits du curé ont été amenuisés par les évêques depuis le Concile. Le principe demeure
certes celui de la traditionnelle inamovibilité du curé (que l’adage populaire traduisait : « Le curé est pape dans sa paroisse »). Mais les conférences des évêques de chaque pays
ont reçu la faculté d’y déroger. C’est le cas en France : les curés sont désormais nommés “ad tempus”, ce qui déséquilibre notablement la structure de la vie diocésaine traditionnelle : l’évêque postconciliaire français a de fait beaucoup plus de
pouvoir sur ses curés par le jeu des nominations que n’avait l’évêque traditionnel. Par ailleurs, il arrive fréquemment que les évêques ne nomment plus de curés, mais seulement des
administrateurs paroissiaux, ce qui rend ces prêtres plus dépendants encore de l’administration diocésaine.
On s’acheminait donc vers un long examen du dossier, au terme duquel, le calme étant revenu, et le bon sens
montrant que la vie catholique continuait dans les paroisses de l’abbé Michel, la décision inique, juridiquement et désastreuse pastoralement, de l’évêque ne pouvait qu’être cassée.
Or c’est exactement le contraire qui vient d’arriver. Déposé en forme à la fin du mois de février, le recours a
reçu une réponse moins d’un mois après : le 26 mars, l’abbé Michel a été informé… qu’il était débouté et que son recours est purement et simplement rejeté. La décision est signée du cardinal
Hummes, préfet de la congrégation pour le Clergé, en personne : la paroisse de Thiberville n’existe plus et n’a donc plus de curé.
A Rome même, on est abasourdi. Mais tout le monde comprend que la pression de la conférence des évêques de
France a été d’une force peu commune. Les instances françaises les plus éminentes en ont fait une question de principe. Elles l’ont emporté.
Du moins pour l’instant. Car la décision est bien entendu susceptible d’appel, et que d’autres moyens peuvent
être utilisés. Des bruits courent déjà à ce sujet; je vous en dirai plus dès que possible…
Mais il reste que pour le bon peuple de Dieu, le signe négatif ainsi donné est catastrophique.