La nomination à la nonciature en France de Mgr Luigi Ventura a été annoncée aujourd’hui aux journalistes (avec
embargo jusqu’à midi). Je tenais moi-même en réserve depuis plus de trois mois le portrait du successeur de Fortunato Baldelli, dont la nomination a subi divers retards. (Une erreur de manipulation
a d’ailleurs fait qu’un article, comprenant la plupart des informations que je donne ici, a été diffusé durant quelques minutes sur ce blog, il y a justement plus trois mois, et que les quelques
privilégiés qui l’ont lu ont pu bénéficier de la primeur absolue de la nouvelle, alors qu’elle était encore incertaine!).
La nomination de Luigi Ventura a été facilité par son ancienneté, qui est un critère qui compte beaucoup dans la carrière des anciens élèves de « l’école des nonces » (l’Académie
ecclésiastique pontificale) : dans les nonciatures importantes, il était le plus ancien et le plus anciennement nommé. Luigi Ventura est d’une étoffe et d’une « ligne » qui lui aurait permis d’être
nommé au poste de secrétaire pour les relations avec les Etats, qu’a reçu Mgr Mamberti, ministre des Affaires étrangères de l’Église en 2006. Mais c’est donc via le 10 de l’avenue du
Président-Wilson que Ventura arrivera un jour au cardinalat, et l’on ne peut que se réjouir de ce détour dans notre pays.
Luigi Ventura est originaire de Brescia, où il né le 9 décembre 1944. Il a donc 65 ans. Il lui faudra d’ailleurs un certain temps pour connaître la France qu’il ignore, mais le premier conseiller
de la nonciature et excellente personne, Mgr Maurizio Bravi, fera la jonction, avant d’être appelé lui-même à de plus hautes fonctions. A l’origine secrétaire du cardinal Casaroli, il a percé comme
membre éminent du personnel diplomatique Sodano (lorsqu’il est devenu évêque, il lui a demandé d’être son consécrateur), il passe pour être un pur ratzinguérien, ce qu’il a prouvé en huilant la
nomination de Marc Ouellet à Québec, comme je dirai. Chaleureux, parlant le français avec un net accent italien mais d’une aisance presque volubile (parler vite et beaucoup pour dire peu de choses
est typique de la vieille époque, celle de Casaroli), l’archevêque Ventura est un homme de grande expérience diplomatique : nonce en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Niger, il devint en 1999,
nonce apostolique au Chili. L’Amérique latine était sous le pontificat précédent le vivier des hautes personnalités diplomatiques du Saint-Siège.
En 2001, il devint nonce apostolique au Canada avant les JMJ. Il est en fait très semblable de sentiments au nonce Baldelli, mais Luigi Ventura a des années en moins, pas de sciatique, plus de
vigueur et… n’a plus en face de lui la personnalité encombrante du cardinal Lustiger. C’est le type du prélat romain traditionnel, qui ne manque pas de courage : il n’a pas hésité, il y a quelques
années, à faire une visite officielle dans une paroisse dirigée par un curé conservateur, ceci à la barbe de l’évêque particulièrement progressiste de Joliette (Mgr Lussier), qui a piqué une colère
et n’a envoyé aucun délégué au nonce en visite dans son diocèse. Il a montré un vif intérêt aux écoles et à la jeunesse catholiques, à la transmission de la foi, sachant que le Canada, jadis terre
de chrétienté, est devenu un désert de foi. On ne lui tient manifestement pas rigueur à Rome de la sympathie qu’il a montrée aux Légionnaires du Christ, parce ce qu’il appréciait leur ardeur
missionnaire, mais sans avoir reçu d’eux un centime.
Luigi Ventura avait conclu une conférence aux évêques du Canada, le 19 septembre 2005, d’une manière très en phase avec la réforme morale du clergé qui hante l’esprit de Benoît XVI : « Lumières et
ombres ont toujours accompagné l’histoire de l’Église, à cause des personnes qui en font partie. L’obscurité vient de l’infidélité et du péché, la lumière vient de la sainteté et de la grâce, comme
nous le savons bien ». Il a aussi montré beaucoup de sympathie paternelle pour la messe traditionnelle et pour la communauté traditionnelle d’Ottawa, dont la Fraternité Saint-Pierre est en charge.
Il est même allé y célébrer lui-même dans la forme extraordinaire. Certes, il a été un peu décevant pour la nomination des évêques canadiens, qui s’emploient à se coopter comme en France. Et puis
le vivier d’épiscopables identitaires est très pauvre au Canada qu’en France En France, en 2009, il en est tout différemment.
A vrai dire, Luigi Ventura n’a jamais présidé à des nominations catastrophiques, mais tout de même à la promotion d’un franc progressiste comme Mgr Pierre Morissette, qui sévissait à Baie-Comeau et
qui a été promu au siège plus important de Saint-Jérôme. En revanche, Mgr Ventura a transféré à Toronto, en 2006, l’excellent Mgr Thomas Christopher Collins.
Mais la gloire de Luigi Ventura a surtout été d’avoir facilité, à peine plus d’un an après son arrivée, l’ascension de Marc Ouellet, candidat du cardinal Ratzinger, à l’archevêché de Québec.
Aujourd’hui cardinal, Ouellet ferait un papabile tout à fait convenable pour prendre, en cas de besoin, la tête des ratzinguériens. Du moins jusqu’au prochain Consistoire…